Les CMM ou Composites à Matrice Métallique (MMC pour Metal Matrix Composite dans les pays anglo-saxons) sont des matériaux dans lesquels des particules ou des fibres de céramique (SiC, Al2O3, B4C…) sont insérées dans une matrice métallique (aluminium, fonte, titane, cuivreux) et leur confèrent des propriétés d’usage optimisées là où les contraintes tribologiques, mécaniques ou thermiques sont élevées. Les performances d’un CMM sont dues essentiellement à la nature de la matrice et celle du renfort (nature, taux d’introduction, taille des particules).
Les CMM particulaires ou fibreux
On peut classer les CMM en deux grandes familles : les CMMp, composites renforcés par des particules, et les CMMf qui sont des composites renforcées par des fibres monofilaments continues ou des fibres courtes discontinues (de type Whiskers). Les CMM particulaires sont clairement les plus répandus alors que les CMM fibreux sont beaucoup plus exotiques et ne font l’objet que de très peu d’applications industrielles. En effet, si les propriétés mécaniques des CMMf peuvent être très élevées et fortement anisotropes–en particulier pour les CMMf monofilaments- leur coût reste en général prohibitif (> 100 €/kg) du fait du prix des fibres et filaments et des difficultés de mise en œuvre. Dans le reste de cet article, nous n’évoquerons donc essentiellement que les CMM à renfort particulaire.
Les performances des CMM
La principale application des CMM est la résistance à l’usure aussi bien en abrasion, en érosion qu’en frottement. En effet, la durée de vie des pièces d’usure comportant des CMM est en général triplée par rapport aux alliages conventionnels. Par rapport aux alliages d’aluminium, les CMM possèdent également un module d’Young et une limite d’élasticité (Rp0.2) légèrement plus élevés (de 10 à 20 %). De plus, il est également possible d’adapter le coefficient de dilatation (ou la stabilité thermique) du composite par la quantité et la nature du renfort incorporé.
L’impact des particules de céramique sur le comportement mécanique des CMM
Les particules de céramique finement dispersées dans la matrice augmentent les propriétés mécaniques des CMM par deux effets. Tout d’abord, les particules constituent des points d’arrêts à la propagation d’une fissure et ralentissent de ce fait la vitesse de propagation. En second lieu, la fissure zigzague entre les particules (et ne se propage plus en ligne droite comme dans une matrice non renforcée), ce qui augmente le chemin total de propagation. On retrouve ces deux effets dans le cas des fontes GS où les nodules de graphite constituent des particules de renfort naturel.
Les pièces fabriquées en composite à matrice métallique
Les pièces fabriquées en CMM sont des disques, tambours et des plaquettes de frein. D’autres utilisations incluent des pistons, des chemises de blocs-moteurs (en remplacement de la fonte), des paliers, des composants structuraux pour des applications aérospatiales, des composants dans le domaine du sport (cycle, karting, …) ou encore des pièces en électronique de puissance. La majorité des développements concernent des alliages d’aluminium, dont la résistance à l’usure (et la dureté) est la plus limitée parmi les différents matériaux métalliques. Cependant, on trouve également des applications industrielles de CMM à base de matrice d’acier, de titane, de nickel et plus rarement de magnésium ou d’alliage cuivreux. L’utilisation des CMM concernent en général des pièces fortement sollicitées et à haute valeur ajoutée.
Le surcoût des CMM
Le prix de revient d’une pièce en CMM particulaire est en général deux à cinq fois supérieur à celui d’une pièce de fonderie non renforcée mais reste actuellement inférieure à celui d’une pièce en composite (type polymère-fibre de carbone) qui est environ dix fois plus onéreuse. Le surcoût d’une pièce en CMM est lié au prix des particules de céramiques mais également au process plus complexe (mise au point, découpe pièce, …, recyclage de la matière).
La nature des renforts particulaires
Il existe différentes natures de renfort particulaire en céramique. Les plus courants sont le SiC (carbure de silicium) et l’Al2O3 (alumine). On trouve aussi dans une moindre mesure le ZrO2, l’Al2TiO5 (titanate d’aluminium), le B4C ou le Si3N4 (nitrure de silicium). Quelquefois, les particules de renforts sont constituées de mélange de ces différentes céramiques (80 % SiC + 20 % Al2O3). Ces particules sont caractérisées par leur composition (et leur degré de pureté plus ou moins grande), leur granulométrie (taille, distribution), leur dureté et leur faciès (particules plus ou moins arrondies).
Des particules issues du recyclage pour limiter les coûts
On peut utiliser – pour diminuer le prix des particules et rendre plus abordable économiquement les CMM – des produits de recyclage issus de filières de déconstruction. On trouve ainsi des particules de corindon et zircone (Al2O3 50 % – ZrO2 35 % – SiO2 15 %) de zirconium stabilisé au cérium (ZrO2 85 % – CeO2 15%), de silicate de zirconium (ZrO2 60 % – SiO2 40 %), de corindon électrofondu broyé (Al2O3 70 % – ZrO2 30 %), de bauxite électrofondu (Al2O3 95 % – TiO2 5 %) ou d’alumine électrofondu (Al2O3 98 %). Ces céramiques sont alors de plus faible pureté, souvent plus grossières et moins homogènes d’un lot à l’autre. Si elles sont relativement bon marché (quelques €/kg), elles peuvent cependant présenter les problèmes d’approvisionnement.
Le Duralcan et le Boralcan
L’alliage Duralcan est le premier (et le plus connu) des CMM développés par Alcan (devenu depuis Rio Tinto). Il est composé d’AlSi7Mg0.6 (A356 pour la dénomination nord-américaine) avec des particules de renfort de type SiC incorporées à hauteur de 20 % environ. Des nuances existent également avec un alliage AlSi9Mg0.6 et des particules d’Al2O3 (alumine). La dénomination A356/SiC/20p-T6 signifie par exemple que le CMM est à matrice A356 renforcée par des particules de SiC (carbure de silicium) à hauteur de 20 % (en volume) et a subi un traitement T6.
Depuis, le Boralcan a été développé qui inclut du B4C (grade nucléaire) pour des applications neutrophages. Le Boralcan est commercialisé sous forme laminée ou extrudée pour les paniers de stockage de combustible usé ou le blindage de piscines de stockage. La teneur en B4C varie de 1 % à 33 % et quatre types de matrice d’aluminium sont proposés (1100, 6351, 6351CO, et 3004).
Les CERMET pour les outils de coupe
Les cermets sont des CMM à matrice de cobalt et particules de WC (cemented carbide) ou plus récemment à matrice de nickel (7 % à 30 %) avec des céramiques de renfort de TiC, TiN ou M02C. Ils sont utilisés en majorité pour les outils de coupe, pour l’extraction minière et la protection haute température.
Élaboration primaire et secondaire des CMM
On distingue en général l’élaboration primaire (la fabrication d’une billette de CMM contenant déjà des particules) de l’élaboration secondaire (la fabrication de pièces à partir de billettes). L’élaboration primaire est essentiellement réalisée par trois technologies : l’infiltration de particules par du métal liquide (la plus usuelle), la métallurgie des poudres et enfin le brassage. Dans ce dernier procédé, pour incorporer les particules de SiC à la matrice d’aluminium liquide par exemple, le métal liquide est agité vigoureusement sous vide pendant que les particules sont introduites, ce qui a pour effet d’augmenter le mouillage des particules. L’agitateur et les particules peuvent être dans certains cas préchauffés. Le brassage est relativement prolongé (30 à 40 minutes). Après brassage, le composite est coulé en lingots ou billettes.
La mise en forme des CMM
Deux technologies peuvent être utilisées en élaboration secondaire. On peut ainsi partir d’un alliage (ou d’une billette contenant déjà des particules). Dans ce cas, on remplira le moule avec le CMM à l’état liquide. L’autre technologie consiste à réaliser le CMM in situ en plaçant de la céramique (sous forme de particules ou de fibres) dans le moule et à infiltrer cette céramique par du métal liquide. La majorité des CMM est réalisée par cette dernière technologie qui présente l’avantage de ne pas dépendre d’un fournisseur de billettes. La métallurgie des poudres est également largement utilisée. La mise en forme peut se faire par différents procédés : par moulage gravité (moulage sable, cire perdue…), fonderie sous pression ou en squeeze-casting. Le squeeze-casting présente en particulier l’avantage de pouvoir bien infiltrer des préformes de céramiques (particules, fibres ou éponges de céramique) en appliquant de grandes pressions (100 à 150 MPa) qui assurent l’infiltration et la cohésion à l’interface métal-céramique.
La centrifugation est également un procédé qui permet de mettre en forme les particules grâce à la force centrifuge et surtout d’obtenir des gradients de concentration de céramique (10 % à 20 % de particules au centre et 40 % de renfort en bord extérieur par exemple), ce qui est plus difficilement réalisable par les autres procédés.
Pour réaliser un renfort de CMM localisé dans une pièce (dans la zone d’usure), on peut encore également surmouler localement un morceau de CMM préalablement usiné si la forme est simple géométriquement.
Les difficultés de mise en œuvre
Les CMM présentent un certain nombre de difficultés de mise en œuvre. Tout d’abord, l’incorporation et le mélange des particules de céramiques dans l’alliage (en élaboration primaire) posent problème lié à une différence de densité avec l’alliage et à une faible mouillabilité. Ensuite, les CMM présentent souvent une viscosité importante, ce qui complique le remplissage du moule. Ensuite, leur recyclage en interne (ou en fin de cycle de vie du produit) est plus complexe que celui des alliages traditionnels.
Enfin, la pression d’infiltration minimale (pour forcer le métal liquide à infiltrer un réseau de particules) est inversement proportionnelle à la taille des particules. Ainsi de grosses particules de céramiques seront-elles beaucoup plus faciles à infiltrer que de fines poudres de céramiques.
Oui c est vrai. Des travaux ont été effectués avec des particules plus exotiques comme des cendres de riz. Les modules de Young sont très élevés. Il faudrait que l on en discute.
Lucie VIVIAN
Bonjour Lucie et merci de votre commentaire très intéressant sur les cendres de riz. Je vous recommande de contacter l’auteur de l’article pour en discuter. Des cendres volantes (dites « Fly ash » de type Al2O3 + Si02 + CaO + Fe2O3), résidus des centrales électriques à charbon, ont été également utilisés pour réaliser des composites à matrice d’aluminium et valoriser ces cendres.
Oui c’est les cendres de balles de riz plus précisément. Il faut que je remette la main sur les articles au travail la semaine prochaine. Je vous parle de cela car j’ai travaillé sur les CMM et je connais pas mal de choses là dessus.
Effectivement, j’ai eu l’occasion de faire de l’usure abrasive Taber dessus, les résultats étaient assez… étonnants…
Bonjour Julien et merci de votre commentaire sur la tenue à l’usure abrasive Taber des Composites à Matrice Métallique.
Bonjour, les dimensions et la géométrie des grains me surprennent et certaines caractéristiques recherchées étant liées à la granulométrie réellement obtenue le tableau des carbures ou oxydes pourrait être un tantinet plus explicite (d’autant plus que certains grains peuvent être transformés lors du processus thermique). Quelques % autour d’une valeur transforment énormément le matériau.
Bonjour Rodja et merci pour vos remarques. Il existe en fait une grande diversité de particules de renforts possibles tant en type (particules, fibres), nature (alumine, SiC, flah ashes, …), géométrie (arrondi ou anguleux), granulométrie (qq microns a qq mm) ou qualité (produites sur mesure ou issues du recyclage). Ce qui influence effectivement fortement les caractéristiques fonctionnelles atteintes du CMM et le prix de revient. Nous avons essayé dans cet article de donner un panorama assez complet des différents matériaux et procédés de réalisation en illustrant avec des CMM divers.
L’article est effectivement assez exhaustif et je me permets de vous féliciter pour la synthèse. Ce qui m’a surpris était le tableau dans le paragraphe « les performances des cmm » avec une indication de diamètre à cote de la nature. Pour avoir développé des mélanges, des processus et géré la qualité de ce genre de produits pendant plus de 20 ans, le fait de voir un diamètre induisait un biais signifiant que les particules étaient sphéroides…. or c’est souvent par certains processus qu’elles le deviennent. Par contre les poudres granulées (préparées ou Ready to Press Powder dans certaines industries) peuvent avoir ce genre de propriétés.
Il existe aussi les matrices céramiques pour les hautes températures.
Bonjour Rodolphe. Oui, effectivement, à coté des CMM (Composites à Matrice Métallique) existent les CMC (Composites à Matrice Céramique) qui sont constitués de fibres céramiques (fibre de carbone, SiC, alumine, …) dans une matrice elle-même en céramique (alumine, mullite, carbone, carbure de silicium). Les CMC ne possèdent pas les inconvénients des céramiques techniques traditionnelles : faible résistance à la rupture et grande sensibilité aux chocs thermiques. Les CMC, comme vous le rappelez, sont utilisés en particulier pour la tenue à haute température (protection thermique pour véhicules spatiaux, composants de turbine à gaz, …). Même si les CMC n’étaient pas l’objet de notre article, ils constituent des matériaux à haute performance qu’il est toujours intéressant de citer.
[…] composites à matrice métalliques (CMM) sont des matériaux associant une base métallique (aluminium assez classiquement) à un renfort de […]
Je te remercie pr ce document qui est riche en informations, ma question est ce qu’il un document qui parle en FGM les matériaux fonctionnels gradués.
Bonjour Ibtissam et merci d’avoir apprécié notre article sur les CMM. Nous n’avons pas encore publié sur MetalBlog d’articles sur les matériaux à gradient de fonction.