L’analyse de défaillance de pièces rompues nécessite une forte expertise. Les enjeux en cas de rupture d’une pièce en fonctionnement sont multiples : identifier les causes de la rupture, préciser la responsabilité des différents acteurs industriels et enfin faire en sorte que la pièce de remplacement ne présente pas le même problème de casse. L’identification des causes de rupture repose sur des analyses de laboratoire et leur interprétation mais dans certains cas aussi sur une recherche bibliographique pour mieux comprendre certains phénomènes complexes. Dans cet article, au travers de deux exemples (la rupture d’une bielle en aluminium extrudé et la rupture d’un goujon en acier), nous détaillerons la méthodologie suivie et les conclusions réalisées.
Rupture d’une bielle lors d’une remise en fonctionnement
L’analyse de la rupture d’une bielle en alliage d’aluminium (série 6082 T6) a consisté à réaliser des examens du faciès de rupture (de profil et de face), des examens micrographiques au droit du faciès et enfin une analyse chimique de la matière.
Ensuite l’expert en charge du dossier a réalisé l’interprétation en s’appuyant sur des recherches bibliographiques en rapport avec le phénomène avant de conclure. L’examen macrographique a révélé tout d’abord qu’il s’agissait d’une rupture relativement fragile en traction (avec une légère torsion de la bielle). On s’aperçoit également que le premier filet est légèrement arraché.
Puis, les examens micrographiques au droit du faciès (après attaque à l’acide fluorhydrique 0,5 %) ont montré une microstructure pure en aluminium (peu d’éléments d’addition) et ont permis de préciser que la propagation de la rupture était transgranulaire (traversant les grains) avec des grains légèrement plus grossiers en fond de filets de la pièce (mise en évidence par un réactif de type perchlorure de fer). Enfin, l’analyse de la composition chimique (par spectrométrie d’émission optique) a montré que la nuance était en réalité un aluminium EN-AW-6060 (selon la norme produit NF EN 573-1 relative à la composition chimique des alliages corroyés) avec une résistance mécanique à la rupture de 190 MPa et non pas un aluminium EN-AW-6082-T6 (comme annoncé) qui aurait eu alors une résistance mécanique à la rupture plus importante (310 MPa).
L’erreur sur la nuance (et les caractéristiques mécaniques réduites) expliquent la rupture prématurée de la bielle. CTIF s’est appuyé, pour cette expertise, sur les analyses de laboratoire et ses bases de données de matériaux pour remonter à la nuance de la bielle et expliquer la rupture. Dans ce cas, l’erreur sur la composition chimique et les performances mécaniques beaucoup plus faibles expliquent la rupture fragile transgranulaire en traction lors de la remise en route de l’installation.
Rupture d’un goujon en acier
La deuxième expertise concerne l’analyse d’un goujon en acier rompue dont il s’agissait de déterminer le mode de rupture. La zone de rupture est rouillée, ce qui n’a rien d’anormal pour ce type d’acier faiblement allié, facilement corrodable. Cette analyse a nécessité tout d’abord un dérouillage (à l’aide d’une solution d’acide chlorhydrique suivie d’un inhibiteur de corrosion) pour nettoyer la surface à examiner, puis une étude du faciès par analyse macrographique avant un examen micrographique sur coupe.
L’examen macrographique a révélé un faciès à grain fin en surface haute et deux zones de fissuration par fatigue (notés 1 et 3). En zone 1, on aperçoit clairement les stries de fatigue. Ces stries de fatigue correspondent à l’avancement de la fissure puis son arrêt et son redémarrage. Ces stries sont d’abord très rapprochées (propagation lente) puis de plus en plus espacées (propagation plus rapide avant rupture). La zone de rupture finale (notée 2) est localisée en milieu de pièce entre les 2 zones de fatigue. C’est une zone de rupture fragile.
Un examen micrographique sur coupe a été réalisé au centre de la pièce au droit du faciès de rupture. Le profil du faciès sur coupe a un aspect relativement lisse (zones 1 et 3), qui caractérise bien un mécanisme de fissuration par fatigue et un profil rugueux (en zone 2) de rupture brutale en milieu de pièce. L’analyse de la microstructure (attaque Nital 4%) montre une matrice constituée de bandes alternées de bainite et de martensite revenue. En cas de doute, une mesure de dureté aurait pu permettre de valider la structure bainitique (autour de 300 HV). La dureté est en effet fortement corrélée avec le type de microstructure.
Les deux zones de fatigue de chaque côté de la pièce et la zone de rupture brutale au centre permettent de conclure clairement à une rupture par fatigue en flexion alternée.
Les types d’analyse de défaillance
Comme on a pu le constater avec ces deux exemples, l’analyse de défaillance couple très souvent différentes techniques d’analyse. CTIF met en œuvre des techniques non destructives pour analyser la zone de rupture par examen visuel (macrographie) ou sous fort grossissement (MEB), des analyses de la santé interne (radiographie) mais également des observations destructives sur coupe (examens micrographiques qualitatives ou quantitatives par analyse d’images, mesure du taux de porosité, micro dureté, …) et quelquefois des essais mécaniques sur éprouvettes prélevées (si la quantité de matière s’avère suffisante).
Ces analyses sont ensuite interprétées par un expert du domaine (fonte, acier, aluminium, cuivreux, …) qui en fera une synthèse pour remonter aux causes racines et proposer des remèdes et si besoin des analyses complémentaires.
L’analyse de défaillance au CTIF
Dans l’analyse de défaillance de pièces rompues, on cherchera à déterminer si la rupture est fragile ou ductile et si la pièce a bien été sollicitée mécaniquement comme son fonctionnement normal le prévoit. On cherchera également à préciser la zone d’initiation de fissure et la zone de rupture finale, la conformité de la pièce aux spécifications de production (si elle est connue). Des défauts métallurgiques peuvent s’y trouver. Nous chercherons également à déterminer si la nuance (et le traitement thermique le cas échéant) est conforme ou optimum pour la fonction de la pièce. A défaut, nous chercherons à proposer une nuance mieux adaptée.
Le CTIF, grâce à ses deux laboratoires (St Didier au Mont d’Or près de Lyon et Sèvres en région parisienne), à ses experts métiers spécialisés et à son retour d’expérience important (base de données matériaux, …) réalise de très nombreuses expertises de défaillance sur tous types de pièces métalliques (fonderie, forge, extrudé, fabrication additive, …) pour le compte de donneurs d’ordre, de fondeurs ou d’experts judiciaires dans différents secteurs (automobile, BTP, aéronautique, médical, …, énergie).