Différents gaz (oxygène et hydrogène) et impuretés peuvent influencer la santé interne (rochage) et les caractéristiques des alliages de cuivre (conductivité, …). La fusion du cuivre et de ses alliages doit faire face en effet à plusieurs difficultés techniques à maîtriser : les impuretés et leur effet sur les conductibilités électriques et thermiques, l’absorption de gaz, la réaction avec l’oxygène et certains gaz, l’utilisation de désoxydants, la recherche d’une haute conductivité (électrique et/ou thermique) associée à de hautes caractéristiques mécaniques et enfin la réaction de vapeur d’eau, difficulté spécifique aux alliages cuivreux. Cet état de l’art rappelle les mécanismes de réaction et de formation des oxydes.
Un peu d’histoire
La coulée de pièces en alliages cuivreux remonte à plus de 5 000 ans. Depuis, les principes d’élaboration de ces alliages ont été établis et modifiés au fil des siècles en suivant l’évolution des moyens, des matières premières et des besoins. Les premières règles concernaient la fusion au four à bois puis au four à coke, au four à fuel, ou au four à gaz. De même, les matières premières ont évolués du cuivre natif au minerai, et plus encore les produits de traitement des bains. Aujourd’hui, la fusion des alliages cuivreux au four à induction s’est largement développée alors que l’utilisation des fours à bois, à coke ou à fuel a considérablement diminuée. De même, l’utilisation de flux pré-conditionnés tend à se développer en remplacement des flux « maison ». Enfin, le traitement de dégazage par barbotage de gaz injecté à la canne ou au rotor vient concurrencer l’utilisation du marbre.
L’Oxygène dans les alliages cuivreux
Comme tous les métaux, le cuivre réagit avec l’oxygène pour former un oxyde. Dans le cas du cuivre, deux oxydes sont possibles : CuO et Cu2O. A l’état solide c’est l’oxyde CuO qui est stable (Diagramme d’Ellingham Richardson). Mais l’oxyde Cu2O est soluble dans le cuivre liquide (Diagramme d’équilibre cuivre-oxygène partielle). C’est donc cet oxyde qu’il convient de considérer à l’élaboration des alliages cuivreux. La limite de solubilité à 1067°C est de 0,008 % en poids soit 0,032% at. La teneur en oxygène de l’eutectique est de 0,39 % à 0,45 % en poids (1,5% à 1,75% at.) suivant les auteurs. L’oxygène, seul, ne conduit pas à la formation de porosité. En présence d’éléments d’addition ou d’impuretés, en plus de l’oxyde Cu2O, l’oxygène peut former des oxydes rendant utile et parfois nécessaire la désoxydation.
Dans le cuivre pur, en dessous d’une teneur de 0,1%, l’oxygène n’a pas d’action notable sur la conductivité (diagramme de résistivité fonction des éléments d’alliage). Au-delà de cette teneur de 0,1%, on observe une chute de conductivité. Au-dessus de la teneur de 0,1%, l’oxygène favorise la réaction de vapeur d’eau durant la solidification, ainsi que la fragilisation par l’hydrogène lors d’un chauffage ultérieur en atmosphère réductrice. La fragilisation a même été constatée pour une teneur en oxygène de 0,01% dans un cuivre désoxydé au phosphore, avec un phosphore résiduel 0,01%. Une teneur résiduelle en phosphore supérieure à 0,02% est nécessaire pour éviter la fragilisation par l’oxygène, au détriment de la conductibilité. Enfin, l’oxygène augmente la viscosité du métal. Pour toutes ces raisons, la désoxydation des cuivres purs est impérative. Pour cela, l’oxyde de cuivre peut être réduit par différents éléments : H, P, Zn, Al, Zr, Li.
Fragilisation par l’hydrogène
Lors d’un chauffage au-dessus de 300°C dans une atmosphère réductrice contenant de l’hydrogène, l’hydrogène réagit avec l’oxygène présent sous forme d’oxydules Cu2O situés aux joints des grains. Il se forme de la vapeur d’eau qui est totalement insoluble dans le cuivre. Ceci conduit à la décohésion des joints de grain et donc à la fragilisation du matériau.
Solubilité de l’hydrogène dans les alliages cuivreux
Dès le début du XXe siècle, Sieverts a montré que la solubilité de l’hydrogène dans le cuivre est proportionnelle à la racine carrée de la pression partielle d’hydrogène : [Hd]2 = k P(H2) connue sous le nom de loi de Sieverts avec log(k) = 2,27 + 2780/T (en K). Il a aussi été montré que l’hydrogène et l’oxygène coexistent dans le cuivre liquide. Leurs teneurs répondent donc à une relation d’équilibre. En conséquence, si la teneur en oxygène augmente, la teneur en hydrogène diminue et réciproquement.
Les courbes de Ransley illustrent la chute de solubilité de l’hydrogène dans le cuivre lors de sa solidification (figure ci-contre). Lors de la solidification, la phase liquide s’enrichit en hydrogène et lorsque la teneur en hydrogène dépasse la limite de solubilité des bulles apparaissent. Suivant les auteurs, l’hydrogène seul peut conduire (ou non) à des porosités de gazage (piqûres)
La vitesse de refroidissement est un paramètre très important. En effet, si le refroidissement est lent, l’hydrogène peut être évacué vers la zone de fin de solidification (retassure) surtout pour les alliages à faible intervalle de solidification (cuivre pur, cuproaluminium). Par contre, si le refroidissement est rapide, l’hydrogène n’a pas le temps d’être rejeté dans le liquide et on obtint une solution solide sursaturée ;
Les éléments d’additions vont aussi intervenir dans l’aptitude au gazage. En particulier, le nickel augmente la solubilité de l’hydrogène, alors que l’aluminium et l’étain l’abaissent (figure ci-contre).
Le volume hydrogène dans le cuivre liquide dépend en premier lieu de la pression partielle au-dessus du bain. Ainsi, pour une pression partielle de 10 kPa (0,1 atm), la teneur en hydrogène est de 0,55 cm3/100g. Cette valeur est en-dessous de la limite de solubilité dans le cuivre solide ! Ceci explique en partie l’incertitude sur la formation ou non de piqures de gazage dans les alliages cuivreux d’autant plus qu’un autre phénomène peut être observé avec l’hydrogène (cf. ci-après).
De plus, une fusion dans des conditions oxydantes garantit que la teneur en hydrogène reste inférieure à la teneur d’apparition des piqures de gazage.
Le rochage dans les alliages cuivreux
On vient de voir que l’hydrogène provoque rarement des porosités. Or l’expérience quotidienne montre que des porosités notables dues à un gaz apparaissent dans le cuivre et certains de ses alliages, phénomène appelé rochage. L’origine du rochage est la réaction de vapeur d’eau Cu2O + H2 → H2O + 2 Cu
Cette réaction est possible en raison de la solubilité de l’oxyde cuivreux dans le cuivre liquide. En absence d’hydrogène et compte tenu des faibles teneurs en oxygène dans le cuivre liquide, Cu2O solidifie aux joints sous forme d’un liseré aux joints de grains par une réaction eutectique.
L’eutectique Cu-Cu2O apparait à partir d’une teneur en oxygène de 0,008 % pds. La teneur en oxygène de l’eutectique est de 0,39%. Une teneur en hydrogène de 2 10-5 % pds (soit une pression partielle de 0,132 kPa) suffit pour que la réaction de vapeur d’eau se produise. Cette pression partielle est le centième de celle nécessaire pour observer des porosités dues à l’hydrogène seul !
Le mécanisme de rochage
Lors de la solidification, le solide qui se forme rejette hydrogène et oxyde cuivreux dans le liquide résiduel. Les concentrations de ces deux espèces augmentent ce qui déplace la réaction vers la formation de vapeur d’eau. Celle-ci étant complètement insoluble dans le métal, des porosités apparaissent entre les dendrites de cuivre. Un refroidissement rapide renforce la manifestation de la réaction de vapeur d’eau. En effet, les bulles de vapeur d’eau qui se forment n’ont pas le temps d’être évacuées, elles restent donc, en partie, emprisonnées dans le solide.
Ce mécanisme compense la retassure et est utilisé pour la fabrication du cuivre « à point » (tough-pitch). Une faible quantité d’hydrogène conduit à un taux de porosités de vapeur d’eau très important, puisque 1,08 10-6% d’hydrogène ont un effet comparable à la contraction du cuivre lors de la solidification.
L’obtention de pièces saines dépend donc de l’élimination complète de l’oxygène et (/ou) de l’hydrogène. En effet, en raison de la présence de vapeur d’eau dans les atmosphères de four, l’hydrogène ne peut pas être complètement éliminé. De plus, la fusion oxydante ne permet pas d’éliminer suffisamment l’hydrogène pour empêcher la réaction de vapeur d’eau.
La solution généralement retenue est donc de maintenir la teneur la plus basse possible en hydrogène par fusion oxydante puis d’éliminer totalement l’oxygène par désoxydation. Cette procédure est parfois abusivement dénommée « oxydo-réduction ». Aujourd’hui, la fusion oxydante est complétée voire remplacée par un dégazage à l’azote ou à l’argon insufflé dans le bain à l’aide d’une canne ou d’un rotor.
Influence des impuretés
Le problème des impuretés est particulièrement sensible pour les cuivres purs (OFHC). Pour cette nuance, la moindre trace d’impureté peut abaisser considérablement la conductivité électrique. En dehors de l’oxygène et l’hydrogène dont nous avons décrit les effets, d’autres impuretés peuvent être présentes parmi lesquelles le zinc, l’étain ou le soufre. Les impuretés peuvent être présentes à l’état métallique ou sous formes d’oxydes ou de sulfures. Certains de ces oxydes (SiO2, SnO2 ou Al2O3) sont très difficiles à éliminer du bain et vont nuire aux propriétés des alliages (caractéristiques mécaniques, comportement en frottement, etc.). Au contraire ZnO se sépare très facilement du bain, en raison de sa faible densité.
Suivant les auteurs, les éléments réducteurs dans le bain (zinc, phosphore, aluminium, … ) favorisent l’augmentation de l’hydrogène dissous ou, au contraire abaissent la teneur en hydrogène.
L’action des impuretés sur la conductivité est multiple. Individuellement toutes les impuretés abaissent la conductivité. L’effet d’une impureté en solution solide est bien plus néfaste qu’en inclusion. L’effet d’une impureté, isolée, est proportionnel à sa teneur si elle est en solution solide. Les effets des impuretés, en solution solide, sont cumulatifs. Dans le cas contraire, c’est généralement que le métal est oxydé et que les impuretés « précipitent », la conductivité est alors meilleure ! Il découle de ce qui précède que le phosphore, le silicium et le titane ou tout autre désoxydant potentiel vont réduire la conductibilité.
Le soufre est présent dans le minerai et dans les combustibles fossiles, en particulier sous forme de H2S et SO2. Dans le cuivre, le soufre existerait sous forme de sulfure Cu2S, lequel peut réagir avec l’oxyde de cuivre et/ou l’oxygène pour former du dioxyde de soufre selon l’équilibre globale simplifié Cu2S + O2 = 2 Cu + SO2.
On observe donc, avec SO2, un mécanisme comparable à la réaction de vapeur d’eau. Un excès d’oxygène abaisse la solubilité de SO2 et donc limite son élimination du bain.
Le carbone, sous forme de CO2, se comporte comme H2. Il présente une faible solubilité dans le cuivre solide (2,4 cm3/100g à 1083°C) mais une forte solubilité dans le cuivre liquide (26 cm3/100g à 1083°C). Pour les fortes teneurs en nickel, le rejet de CO2 est prépondérant par rapport à la réaction de vapeur d’eau.
La teneur en fer pouvait atteindre 30 ppm, 15 à 20 ppm étant une teneur normale. Avec les moyens de fusion modernes, le fer est en solution solide et non pas sous forme de Fe3O4. Il a donc une très grande influence sur la conductibilité électrique. De même, l’antimoine est présent en solution solide dans le cuivre affiné, d’où un effet marqué sur la conductibilité. Le phosphore est largement utilisé comme désoxydant des bains de cuivre. Malheureusement, un résiduel faible abaisse considérablement la conductivité électrique. Pour les applications électriques, la désoxydation au phosphore seul est donc déconseillée.
L’aluminium, le manganèse ou le silicium nécessitent des précautions particulières vis-à-vis de leur élimination et de leur oxydabilité.
Dans le cuivre pur, la plupart des impuretés peuvent être éliminées par le traitement oxydant mais il est impératif d’éliminer les crasses avant la désoxydation finale voir avant la protection par le graphite ou charbon de bois. En effet, l’oxyde de fer ou l’oxyde de phosphore peuvent être réduits soit par la couverture de graphite (Fe, P) et l’oxyde de silicium par des désoxydants puissants tel que le magnésium.
Contrôle et propriétés
Pour contrôler le rochage dans le cuivre pur, il a été proposé de couler un petit cylindre (h=10 cm, Φ=2,5cm) en sable à vert. Un bain sans gaz se caractérise par un creusement de la surface alors qu’un bain roché se traduit par une surface convexe. On peut aussi couler un échantillon lenticulaire.
Pendant longtemps, le dosage de l’oxygène a été délicat. Le dosage par refusion sous gaz neutre s’est démocratisé et peut désormais remplacer les contrôles moins quantitatifs tels que le contrôle micrographique.
Bonjour,
Votre article est complet et très intéressant.
Auriez vous un article similaire sur le monel 400 ?
Société INOXYDA
LEROY Steve
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Bonjour Steeve et merci tout d’abord pour votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur « l’oxygène, l’hydrogène et les impuretés dans les alliages de cuivre». Sur le Monel 400, non, je ne pense pas que nous ayons un article déjà rédigé sur cet alliage.
Bonjour,
Article très intéressant, merci.
Il me semblait qu’il était possible d’introduire de la dolomite (ou du marbre) pour former du CO2 dans le bain , pour dégazer l’alliage. Mais si je comprend bien ce que vous dites à la fin de votre article, au contraire, le CO2, du fait de sa chute de solubilité lors de la solidification du cuivre, a plutôt pour effet de former de la porosité / piqûres ?
Bonjour et merci de votre intérêt marqué pour cet article de MetalBlog sur les alliages cuivreux. Pour répondre à votre question, on peut dire que comme souvent le rôle des éléments dans les métaux est ambivalent. Par exemple, le phosphore est un excellent désoxydant du cuivre mais il en abaisse la conductibilité. De même, le CO2 a pu être utilisé pour éliminer l’hydrogène des bains d’alliages cuivreux (marbre) mais s’il en reste en solution dans le liquide, il conduira à des piqures. Généralement, c’est une teneur en carbone trop importante dans le métal qui provoque ces piqures suivant la réaction C+O2=CO2. On a le même phénomène qu’avec le soufre responsable des cloques (blister) dans le cuivre en sortie de convertisseur, avant affinage thermique et/ou électrolytique. Pour le dégazage, l’azote (flux, canne ou rotor) est aujourd’hui le plus efficace.
Si, j’ai bien compris le sujet de l’article, la présence de l’oxygène dans le cuivre est néfaste pour sa qualité. ?
Merci d’avance pour une réponse et pour tous ce que vous faites.
Bonjour Smail et merci tout d’abord de votre intérêt pour MetalBlog. Pour répondre à votre question : oui, l’oxygène est nefaste dans le cuivre au-dessus d’une certaine valeur cependant et dépendant des caractéristiques attendues pour une pièce.
Article très intéressant je félicite les auteurs est ce que je peux avoir votre e-mail
mon e-mail est o.choukri69@gmail.com
Professeur
Bonjour Choukri et merci de votre intérêt pour notre article. Sachez que le CTIF intervient régulièrement sur les problématiques d’alliages cuivreux pour les fondeurs et donneurs d’ordre de tous secteurs. Nous avons adressé à l’auteur vos coordonnées.
bonjour
Comment on peut mesurer la quantité de CuO et Cu2O dans une masse de cuivre pur solide?