L’usure du poteyage utilisé en moulage coquille est le mode de dégradation prépondérant, ce qui nécessite des arrêts de production très réguliers des chantiers de production pour refaire ce dépôt en surface d’outillage. Dans un précédent article nous rappelions les fonctions du poteyage, les différents types et le mode d’application. Le présent article traitera d’un projet de recherche qui a permis d’expliciter l’usure du poteyage.
Nature des essais
Afin d’étudier l’usure du poteyage, 35 fusions expérimentales ont été menées à la fonderie de CTIF pour optimiser les conditions d’application des dépôts de poteyages en vue d’augmenter leur durée de vie. Les essais ont permis d’évaluer l’évolution des dépôts en fonction du nombre de pièces coulées. L’évaluation a porté sur l’aspect même du dépôt, sur son épaisseur et sur sa rugosité moyenne.
Les paramètres étudiés
L’optimisation des conditions d’application des dépôts a été réalisée en fonction des paramètres de fabrication suivants : la nature des poteyages (réfractaire : B1, B2 et B3, graphite : G1 et sous couche d’accrochage : R1), la dilution des poteyages, la dureté de l’eau de dilution (TH de 0 et 20 ° fr), la pression d’air de pulvérisation (0, 1, 2, 3 et 6 bars) et enfin l’épaisseur des dépôts (50 ± 5, 100 ± 10 et 400 ± 20 μm pour les poteyages réfractaires et 25 ± 3 et 50 ± 5 μm pour les poteyages graphites).
Mesure de l’épaisseur des dépôts de poteyage
Les épaisseurs des dépôts ont été mesurées à l’aide d’une sonde de marque Erichsen. La précision des mesures est de ± 1μm pour des valeurs inférieures à 100 μm et de ± 1 % pour des valeurs supérieures à 100 μm. Les mesures sont basées sur la propagation et l’analyse des champs magnétiques émis par la sonde.
Pièce d’essai retenue
La pièce d’essais doit permettre de reproduire les sollicitations subies par les dépôts de poteyage au cours des coulées. Les contraintes recensées sont les suivantes : l’érosion, la friction et les chocs thermiques. Dans ces conditions, la pièce retenue est représentée sur la figure ci-contre. Sa masse non négligeable (0,6 kg) implique un remplissage massif et ainsi, sollicite par érosion les faces de l’empreinte au cours de l’écoulement. Par ailleurs, l’évidemment de 25 mm de côté et faiblement dépouillé (0,5°) va permettre de solliciter par friction l’outillage.
L’outillage utilisé pour les essais
Pour mener à bien le projet, un outillage a été réalisé en acier XC48 recuit et usiné sur des machines à commandes numériques. A posteriori, aucun traitement thermique n’a été effectué. Une esquisse de l’outillage est présentée ci-contre.
Réalisation des fusions d’aluminium
Les fusions ont été menées selon des conditions identiques. La charge était constituée de 25 % de métal neuf Al Si7Mg0,6 préaffiné (%Ti 0,12) de première fusion et de 75 % de retour de la fusion précédente. Le bain de métal a été dégazé et désoxydé à l’aide d’un rotor activé pendant 12 minutes avec un débit d’azote de 5 à 7 litres par minute. Enfin, la température du métal dans le four de maintien a été comprise entre 700 et 710 °C.
Mode opératoire des essais
Le mode opératoire des essais a été le suivant : montée en température de l’outillage à 320 °C à l’aide d’un brûleur gaz à flammes indirectes, coulée des pièces avec un régime thermique de l’outillage égal à 304 ± 4 °C, temps de remplissage de la grappe : 3 à 4 s et enfin temps de maintien de la grappe dans l’outillage : 130 s. Le suivi du régime thermique de l’outillage a été réalisé à l’aide d’un thermocouple K chemisé de diamètre 1,5 mm. Il a été placé dans la coquille fixe et situé à 1 mm de l’empreinte au niveau du centre géométrique du plan de joint.
Résultats expérimentaux
Les résultats expérimentaux concernent l’évolution des dépôts au fil des coulées. Ils portent sur l’aspect, l’épaisseur et la rugosité des dépôts. L’aspect des dépôts a été suivi en photographiant la coquille fixe et la broche après la coulée de la 1ère, 5ème, 10ème puis toutes les 10 pièces. L’épaisseur des dépôts a été mesurée sur la coquille fixe et la broche entre chaque fusion, soit environ toutes les 60 pièces coulées. Enfin, la rugosité des dépôts a été mesurée sur la coquille fixe et la broche en début et en fin d’exploitation des dépôts.
Aspect des dépôts
Un extrait des photos est présenté. Les photos 1 à 4 (ci-dessus) montrent la coquille fixe (empreinte plane) où les contraintes subies par les dépôts sont principalement générées par de l’érosion. Les photos 5 à 10 illustrent la broche où les contraintes subies par les dépôts sont principalement générées par de la friction. Les photos mettent en évidence l’influence de la pression d’air de pulvérisation des poteyages. En effet, les photos 2 et 6 montrent des dépôts de poteyages appliqués sous 6 bars et fortement dégradés dès la 60ème pièce coulée. Par contre les photos 3, 4, 7 et 8 montrent les mêmes poteyages appliqués sous 2 bars et faiblement dégradés même après 60 ou 120 pièces coulées. Pour un autre poteyage, les photos 9 et 10 montrent également l’influence de la pression de pulvérisation sur la tenue des dépôts. Dans ce cas, une réduction de 2 bars de la pression permet d’augmenter significativement la durée de vie des dépôts. Pour certain poteyage tel que le B2, il est préférable d’appliquer une sous couche d’accrochage sur l’outillage pour améliorer la tenue des dépôts.
Les essais expérimentaux ont permis de justifier cette application. En effet, les photos 1 et 5 montrent des dépôts de poteyage B2 (sans sous couche) fortement dégradés dès la 50ème pièce coulée. Par contre, les photos 4 et 8 montrent des dépôts de poteyages R1 + B2 (avec sous couche) faiblement dégradés même après 120 pièces coulées.
Epaisseur des dépôts
Les épaisseurs des dépôts ont été contrôlées à la fin de chaque fusion, soit environ toutes les 60 pièces coulées. Les mesures ont été réalisées sur les 4 faces de la broche, dans la descente et sur la coquille plane. Les zones d’analyse des épaisseurs des dépôts sont présentées ci-contre. L’analyse de l’usure des dépôts a mis en évidence l’influence des différents paramètres d’application.
Influence de la pression de pulvérisation
Il apparaît que la pression de pulvérisation du poteyage a une influence sur l’usure des dépôts. Plus la pression est élevée plus l’usure est importante. En effet, pour un dépôt B1 d’épaisseur initiale de 100 μm, l’usure moyenne double lorsque la pression passe de 1 à 2 bars et triple lorsque la pression passe à 6 bars. Pour un dépôt B3, l’usure sur la broche double lorsque la pression d’application passe de 0 (pinceau) à 2 bars.
Influence de l’épaisseur des dépôts
On constate également que l’épaisseur initiale des dépôts a une influence sur son évolution. Plus l’épaisseur initiale du dépôt est élevée plus l’usure est importante. En effet, pour les poteyages B1 et B2 appliqués sous une pression de 2 bars, l’usure moyenne double ou triple lorsque l’épaisseur du dépôt évolue de 50 à 100 μm. Pour le poteyage graphite G1, l’usure double également lorsque l’épaisseur du dépôt évolue de 25 à 50 μm.
Influence de la dilution du poteyage
Par contre, la dilution du poteyage a une influence limitée sur l’usure des dépôts. Pour un dépôt graphite G1 d’épaisseur 50 μm, l’usure augmente de 22 % sur la broche et diminue de 13 % sur la coquille plane lorsque la dilution par rapport à l’eau passe de 5 à 15 %. Les tendances sont inversées pour un dépôt B1 d’épaisseur 100 μm. L’usure diminue de 14 % sur la broche et augmente de 56 % sur la coquille plane lorsque la dilution par rapport à l’eau passe de 10 à 20 %.
Influence de la dureté de l’eau de dilution
Précisons que l’eau déminéralisée a une dureté nulle alors que l’eau du robinet a une dureté moyenne inférieure à 30 °fr. Il apparaît que la dureté de l’eau a une influence sur l’usure des dépôts. Pour un dépôt B1 d’épaisseur 100 μm, l’usure augmente de 75 % sur la broche et de 33 % sur la coquille plane lorsque la dureté de l’eau de dilution passe de 0 à 20 °fr.
Rugosité des dépôts
Des mesures de rugosité ont été réalisées sur les dépôts en début et en fin de coulée. Les zones d’analyses sont les 4 faces de la broche ainsi que la coquille plane. Les grandeurs mesurées ont été la rugosité moyenne (Ra), la profondeur de rugosité maximale (Rt et Rmax), la moyenne des profondeurs de rugosité (Rz) et la profondeur d’ondulation (Wt). Parmi ces mesures, seule la rugosité moyenne Ra est apparue intéressante et a fait l’objet d’analyses approfondies. La rugosité moyenne (Ra) des dépôts a été comprise entre 3 et 33 μm. La lecture des valeurs met en évidence une augmentation régulière au fil des applications de la rugosité moyenne des dépôts. Ce phénomène est la conséquence des sablages successifs des outillages pour éliminer les dépôts après les coulées. Dans ces conditions, on s’est intéressé à l’évolution des rugosités moyennes entre le début et la fin des coulées. Il apparaît qu’elle n’est pas influencée par les conditions d’application des dépôts.
Conclusions
Cette étude a permis de mettre au point un outillage et des procédures spécifiques permettant de tester dans des conditions représentatives tous types de sollicitations sur tous types de poteyages. Ce projet a permis d’optimiser les conditions d’application des dépôts de poteyage afin d’augmenter leur durée de vie. L’évaluation a porté sur l’aspect même du dépôt, sur son épaisseur et sur sa rugosité moyenne. Un outillage a été réalisé permettant de reproduire les sollicitations subies par les revêtements : érosion, friction et chocs thermiques. Il ressort des essais expérimentaux que les dépôts de poteyage se dégradent plus lentement lorsque leurs applications sont réalisées sous une pression d’air réduite de pulvérisation. Une pression inférieure à 2 bars est fortement recommandée. Les essais ont mis en évidence que les poteyages se dégradent plus lentement quand l’épaisseur initiale des dépôts est plus faible. En effet, pour deux poteyages réfractaires l’usure moyenne double ou triple lorsque l’épaisseur du dépôt évolue de 50 à 100 μm. Il apparaît également que les conditions d’application des poteyages n’influencent pas la rugosité des revêtements.
Merci, beaucoup pour les informations importantes énoncées dans cet article.
Bonjour Yassine. Merci de votre commentaire. Le CTIF dispose d’une fonderie expérimentale, des méthodologies et des outillages ad-hoc pour réaliser des prototypes de pièces, des qualifications de produits (poteyage, …) ou des optimisation de process. Le tout en s’appuyant sur des moyens de calcul (simulation numérique, …)en amont si nécessaire.
j’aimerai avoir plus d’information sur la simulation numérique en fonderie (méthodes, logiciels, ….).
Est ce que la simulation numériques permet de vérifier la qualité et le volume des masselottes, évents,….etc
Bonjour Yassine. Oui la simulation numérique permet de tenir compte de la solidification (entre autres) et donc des masselottes. Vous trouverez des articles sur ce sujet sur MetalBlog dans la catégorie « industrie 4.0 ». Bonne lecture.