Les aciers Duplex ou austéno-ferritiques ont des propriétés fonctionnelles très intéressantes (tenue à la corrosion, caractéristiques mécaniques). Ces aciers nécessitent cependant des précautions particulières lors de leur élaboration, de leur moulage et traitement thermique pour révéler tout leur potentiel.
Les aciers inoxydables
Pour rappel, les aciers inoxydables sont le nom générique donné pour désigner des aciers utilisés principalement pour résister à la corrosion. Ils ont pour point commun d’avoir un minimum de 10.5 % de chrome.
La structure cristalline du fer
Le fer peut présenter différentes structures cristallographiques et en particulier une structure cubique centrée (cc) et une structure cubique face centrée (cfc). Cette structure cristalline est fonction en particulier de la température. En dessous de 912°C, le fer est dit ahpa (structure cc) alors qu’entre 912°C et 1394°C, il est dit gamma (structure cfc) et au-dessus de 1394°C, il est de type delta (structure cc). Différents éléments d’alliage (ou impuretés) vont accroitre la tendance du fer à être sous forme alpha ou sous forme gamma. Ces éléments sont dits alphagènes (Cr, Mo, Si, Ti, Nb, Zr, V, Al) ou gammagènes (C, N, Ni, Mn ou Cu). Les aciers Duplex ou austénito-ferritiques sont obtenus pour des teneurs spécifiques (diagramme de Schaeffer) en éléments alphagènes et gammagènes. Le ratio entre ferrite et austénite dans un Duplex dépend en particulier du chrome équivalent (Creq = %Cr + %Mo +1.5x %Si + 0.5 x %Nb) et du nickel équivalent (Nieq = %Ni + 30x%C + 0.5x%Mn).
Histoire des aciers Duplex
Découverts fortuitement, les aciers austéno-ferritiques dits « Duplex » ont été utilisés de manière industrielle à partir des années 1950, mais ne se sont réellement développés qu’avec les progrès de l’élaboration des aciers et la maitrise la composition, dont les résiduels (carbone, soufre, phosphore, oxygène) et l’azote. Les premières nuances comportaient 20 à 22% de chrome et 4 à 6% de nickel.
Les nuances actuelles contiennent 25% de chrome pour une teneur en nickel identique, avec une teneur en carbone réduite et jusqu’à 0,25% d’azote. La norme EN10283 retient 7 nuances d’aciers austéno-ferritiques. Du fait de leur composition, ces aciers se solidifient totalement en ferrite. L’austénite apparaît à l’état solide, lors du refroidissement, à partir de 1200°C.
S’agissant d’une transformation par diffusion, la vitesse de refroidissement aura une grande influence. La proportion d’austénite apparaissant diminue avec une vitesse de refroidissement croissante.
L’avantage des aciers Duplex en résistance à la corrosion
Les aciers Duplex ont plusieurs avantages en particulier une très bonne résistance à la corrosion intergranulaire, à la corrosion par piqures et à la corrosion sous contraintes. Tout d’abord, la résistance à la corrosion inter-granulaire est améliorée car les joints de grains de la ferrite (éventuellement sensibilisés) sont éliminés lors de la formation d’austénite à l’état solide. Ensuite les Duplex ont une bien meilleure résistance à la corrosion par piqûres du fait d’un indice PREN élevé (Pitting Resistance Equivalent Number) avec PREN = %Cr + 3.3 × %Mo + 16 × %N. Cet indice permet en effet d’estimer l’effet de la composition sur la résistance à la corrosion par piqûres. Un indice PREN supérieur à 40 dans le cas des aciers Duplex donne une bonne marge de sécurité. Enfin, cette famille d’alliage offre une remarquable résistance à la corrosion sous contrainte. Cet effet est lié à la présence de ferrite, moins sensible au maclage (qui brise la couche de passivation) que l’austénite, qui améliore la résistance à ce type de corrosion.
Impact de la composition chimique des Duplex
La présence d’azote dans les Duplex présente plusieurs avantages. Tout d’abord, il améliore la tenue à la résistance à la corrosion par piqûre (indice PREN). Ensuite, il limite la partition des éléments d’alliage (chrome, molybdène et nickel) entre ferrite et austénite, et de ce fait réduit la diminution du PREN de l’austénite. Enfin, il améliore la stabilité structurale, en particulier la proportion d’austénite et de ferrite, ce qui permet de limiter les évolutions de microstructure dans les ZAT. De plus, une teneur en nickel de 6%, plus faible que dans le cas des aciers austénitiques (vers 10%) diminue le coût de la matière. Enfin, la présence de cuivre apporte un gain appréciable en tenue à la corrosion, ainsi qu’en résistance mécanique.
Les caractéristiques mécaniques des Duplex
La présence de ferrite augmente la limite d’élasticité (doublée par rapport à celle des aciers austénitiques, vers 200 MPa), sans réduire sensiblement l’énergie de rupture en flexion par choc.
Soudabilité et mise en œuvre des Duplex
La soudabilité des aciers Duplex est très bonne, avec une faible sensibilité à la fissuration. La teneur élevée en azote permet de limiter la proportion de ferrite associée à la plus grande vitesse de refroidissement, avec toutefois des précautions lors du soudage (faible énergie de soudage, métal d’apport enrichi en nickel et en azote). Les caractéristiques de la soudure restent très proches de celles du métal de base (résistance mécanique et à la corrosion). Au niveau de leur mise en œuvre, la présence de ferrite limite la tendance à la crique, les impuretés se plaçant en solution solide dans la ferrite au lieu de se ségréger dans les zones de fin de solidification.
Les contraintes d’utilisation des aciers Duplex
Les Duplex ont cependant des limitations. En effet, la ferrite est comparativement moins stable que l’austénite. Lors du refroidissement dans le moule, à partir de 1000°C, il y a précipitation de carbures puis de phase « sigma ». A plus basse température (300-500°C), se produit une précipitation de phases intermétalliques. Enfin, à température élevée (>1150°C), la solubilité de l’azote dans la ferrite augmente et conduit à la précipitation de nitrures de chrome au refroidissement. Ces phases sont dures et fragilisantes, consomment des éléments d’alliage et diminuent la tenue à la corrosion des pièces.
Elaboration et mise en œuvre des Duplex
Les aciers Duplex austéno-ferritiques peuvent s’élaborer avec des précautions au four à induction, à partir de matières premières titrées (ferro-alliages ou barres d’acier de la nuance). Les teneurs en carbone, soufre, phosphore doivent être limitées ce qui peut imposer le recours à la métallurgie secondaire et l’AOD. De plus, il est indispensable de pouvoir doser l’azote. En raison de la sensibilité de la ferrite, il est conseillé d’activer le refroidissement lors du refroidissement après la solidification, et donc de décocher à relativement haute température (1000°C) mais avec un risque de rupture de la pièce au décochage. Pour la même raison, les épaisseurs de paroi devraient être limitées à 150 mm. Un traitement thermique d’homogénéisation est donc indispensable pour restaurer la microstructure et les propriétés mécaniques.
Traitement thermique des Duplex
Le traitement thermique des Duplex consiste en une homogénéisation suivie d’une hypertrempe. L’homogénéisation permet de mettre en solution les précipités et phases fragilisantes et l’hypertrempe permet de limiter la re-précipitation. La température de remise en solution est de 1100 à 1150°C, du fait de la présence de molybdène qui stabilise la phase sigma. La présence d’azote est nécessaire pour éviter l’augmentation de la proportion de ferrite avec la température.
Tenue à la température et à la tenue à la corrosion
L’instabilité de la ferrite limite l’exposition de l’acier aux températures supérieures à 300°C. Lors du soudage, les zones exposées au-dessus de cette température seront le siège de précipitation avec les risques associés. Pour la tenue à la corrosion, comme pour tous les aciers inoxydables : le PREN n’est qu’un indicateur. En effet, la corrosion par piqûre reste un phénomène complexe, qui s’amorce souvent sur des inclusions superficielles. La propreté inclusionnaire est donc importante à maîtriser.
Conclusions
Les aciers Duplex possèdent des propriétés qui en font des matériaux de choix pour emploi en conditions sévères (tenue à la corrosion, …). Pour donner toute la mesure de leur potentiel, Ils nécessitent cependant des précautions lors de leur élaboration, au moulage ou lors du traitement thermique.
Les aciers inoxydables duplex existes aussi sour forme de barres et de feuilles, dont le mode de refroidissimetnest différent et souvent plus rapide que les lièces moulées, y compris lors de traitements thermiques de qualité, ce qui permet partiellement de s’affranchir des inconvénients principaux cités ici.
Bonjour Patrick. Merci de ces compléments à notre article sur les aciers Duplex qui effectivement ne traite que des Duplex par voie de fonderie. C’est toujours un plaisir d’avoir un retour de nos lecteurs.
Bonjour
Tres bon résumé en mots simples , merci.
J’ajoute une précision sur le coût : le bas taux de nickel modère le coût ET stabilise le prix vis vis des variations écarts d’alliage. Pour les achats qui doivent se projeter assez loin, un prix stable est un avantage notable pour tenir un budget.
Enfin par expérience, la remise en solution peut être un problème selon les fours disponibles : la température du traitement est plus haute que les températures acier ou inox classiques
Christophe DELAUNAY
2ForTiM (ex fileur de duplex et d’inox)
Bonjour Christophe. Et un grand merci pour vos précisions et votre retour d’expérience Sur les aciers Duplex.
Bonjour Mr Regheere.
merci pour cet article.
J’aimerai cependant apporter une précision concernant les épaisseurs possibles à réaliser car vous limitez celles ci à 150mm . L’expérience des aciers moulés en Duplex et Superduplex des Aciéries Hachette et Driout, sur l’élaboration AOD, ses investissements en matériels appropriés pour le décochage à chaud, les enfournements rapides aux traitements thermiques, les conditions d’hypertrempe et temps de transfert optimisés permettent de réaliser des aciers Duplex de 250/300mm d’épaisseurs (suivant les nuances) et des Superduplex jusqu’à 180 mm d’épaisseurs (voire 200mm suivant les cas). Il faut bien sûr prendre un certain nombre de précautions qui permettent d’éviter des déboires et de conduire les pièces jusqu’à l’utilisateur final sans défauts à cœur.
Bonjour Rémi et merci de votre lecture attentive. Notre Expert, Gilles Regheere est en accord avec votre retour d’expérience et la possibilité de réaliser des fortes épaisseurs moyennant un certain nombre de précautions.