Les pièces en aluminium sont très présentes sous le capot moteur. Sous la contrainte des réglementations Européennes, la cylindrée des moteurs à explosion tend à diminuer à puissance équivalente ou supérieure. Cela se traduit par des augmentations conséquentes des températures pour les différents organes situés sous le capot. L’aluminium pourra-il encore répondre aux nouvelles contraintes d’un GMP de plus en plus compact et surtout de plus en plus chaud ? Oui, si on accepte de le doper.
Des températures des organes du GMP de plus en plus élevées
Si l’on considère le bloc-moteur, l’insertion des chemises à la coulée se traduit par la formation d’une résistance thermique. Celle-ci, limite les échanges de chaleur et conduit à des températures pouvant atteindre 200 à 270°C. Le carter de boîte de vitesses, quant à lui, peut voir des températures entre 175 et 200°C. Mais la pièce la plus sollicitée aujourd’hui est la vanne EGR (Exhaust Gas Recirculation) avec des températures de l’ordre de 250°C et des pointes à 350°C. Aux contraintes thermiques s’ajoutent les contraintes mécaniques. Des niveaux de Rp0,2 de 130 MPa à 20°C et même à 150°C sont demandées aux matériaux pour répondre à l’augmentation des sollicitations liée au downsizing. De plus, ces caractéristiques doivent peu évoluer dans le temps et en température. En particulier une chute drastique avant la température maximum envisagée n’est pas acceptable. Une autre caractéristique doit être prise en compte, l’aptitude du matériau à évacuer la chaleur depuis les zones chaudes internes vers la surface de la pièce ou les circuits de refroidissement. Une conductibilité thermique élevée est donc un paramètre primordial pour les applications sous le capot.
Un peu d’histoire
La recherche d’alliages d’aluminium résistant à haute température remonte à la seconde guerre mondiale, avec en particulier la mise au point par Rolls Royce de l’alliage RR350 (Al Cu5NiCoZr) pour les besoins de l’aéronautique. Depuis, ces recherches se poursuivent avec un regain d’activité ces dernières années afin de répondre aux besoins du secteur automobile.
Des propriétés de fonderie bien connues
De tous les alliages d’aluminium, c’est l’ AlSi7Mg0.3 (ou 0,6) qui possède sans doute les meilleures propriétés de fonderie (aptitude à la transformation) avec une bonne coulabilité, une très faible criquabilité et une propension à la retassure modérée. De plus, ses caractéristiques mécaniques sont optimisables par traitement thermique (T5, T6). Par contre, sa tenue à chaud chute assez rapidement au-delà de 150°C. A l’opposé, l’alliage Al Cu4MgTi possède des propriétés de fonderie assez médiocres (faible coulabilité, tendance à la retassure élevée et surtout une importante propension à la crique) mais présente par contre une très bonne tenue à chaud avec des caractéristiques mécaniques qui ne se commencent réellement se dégrader qu’au-delà de 250°C.
Influence des différents éléments sur la tenue à chaud
Il est intéressant de bien appréhender l’effet des différents éléments d’addition sur la tenue à chaud. Le silicium tout d’abord, entre 1,5% et 17%, améliore les propriétés de fonderie et, associé au magnésium, améliore les caractéristiques mécaniques à température ambiante. Le cuivre, quant-à-lui, améliore les caractéristiques mécaniques et la tenue à chaud. Enfin, le zirconium, le molybdène, le vanadium et le cobalt sont encore plus efficaces pour la tenue à chaud en particulier vis-à-vis de la fatigue à chaud et de la résistance au fluage.
Cela explique la très bonne tenue à chaud de l’ Al Cu4MgTi et de l’ Al Cu5NiCoZr. L’efficacité du cuivre, du zirconium, du manganèse, du cobalt peut s’expliquer d’une part par la température d’apparition élevée des composés dispersoïdes Al3X et d’autre part du fait d’un coefficient de diffusion faible de ces éléments dans l’aluminium. En particulier, c’est le zirconium et le chrome qui possèdent le plus faible coefficient de diffusion (aussi bien à 160°C qu’à 350°C) et ceci de plusieurs ordres de grandeur par rapport aux éléments d’addition traditionnels (Cu, Si, Mg, Zn).
Alliages avec dispersoïdes
Les meilleurs comportements à chaud sont obtenus pour des alliages formant des dispersoïdes AI3X (où X=Zr, Ti, V, …). Ces éléments d’addition se caractérisent par la formation d’un périctectique avec l’aluminium, d’où l’appellation « alliages avec éléments péritectiques » parfois utilisée. Sur cette base, de nombreuses variantes d’alliages ont été brevetées soit pour la coulée gravité en sable ou en coquille, soit pour le procédé de squeeze casting. Ces alliages contenant des «éléments péritectiques» nécessitent un traitement thermique avec une étape à haute température, autour de 500°C. Ils sont donc assez peu adaptés aux pièces coulées avec le procédé de moulage sous pression classique. En effet, les pièces coulées dans ces conditions (sans système de sous vide) conduisent à des cloques si on les maintient à haute température en raison des porosités inhérentes au procédé. De plus, le coût des éléments ajoutés, en particulier le zirconium, les rendent peu attractifs pour une application automobile.
Différence entre ADC12 (norme japonaise) et A380 (norme nord-américaine)
Une comparaison de l’ADC12 (AISi12CuNiFe) et de l’A380 (AI Si9Cu3Fe) met en évidence que les deux alliages ont un comportement similaire. Les valeurs de Rm et Rp0,2 sont comparables pour les deux alliages mais on note que les valeurs pour l’ADC12 sont systématiquement supérieures aux valeurs pour l’A380. Cette constatation est encore plus marquée si on considère les valeurs d’allongement.
Un plan d’expériences sur l’AlSi9Cu3(Fe)
L’étude la plus exhaustive concernant les alliages coulés sous pression pour tenue à chaud a été réalisée par Makhlouf et alli. Elle a été réalisée à l’aide d’un plan d’expérience dont les variables sont Si (7-13 %), Mg (0,05-0,5 %), Fe (0,7-1,6 %), Cu (1,25-5 %), Ni (0,05-0,5 %), Cr (0-0,15 %), Mn (0-0,5 %), Ti (0-0,2 %), Zn (0,5- 3 %) et Sr (0-0,02 %). Les réponses sont les caractéristiques mécaniques statiques (Rm, Rp0,2, A% et E) mesurées à 25°C, 100°C et 200°C. Il ressort de l’analyse que deux éléments – le cuivre et le magnésium – ont le plus d’impact sur la tenue à chaud. A 100°C, les meilleures caractéristiques en termes de Rm et Rp0,2 sont obtenues pour la teneur en cuivre de 5%, le second paramètre influent étant la teneur en magnésium alors qu’à 200°C, les rôles du cuivre et du magnésium sont inversés. Les meilleurs résultats sont obtenus pour la teneur en magnésium de 0,5%. Le second paramètre influent est le cuivre. Dans cette étude, le silicium ne parait pas avoir d’impact sur les caractéristiques mécaniques statiques.
Les alliages de magnésium
Il apparaît, au travers de cinq publications, que les alliages de magnésium présentent de meilleures caractéristiques à chaud que les alliages d’aluminium et pourraient donc constituer une alternative intéressante aux alliages d’aluminium.
CMM à fibres courtes
Une autre voie potentielle est le renforcement par des fibres courtes et la réalisation de composite à matrice métallique (CMM). Néanmoins, ces dernières n’améliorent les propriétés à chaud que pour des températures supérieures à 200°C ou pour des maintiens prolongés. Les principaux effets bénéfiques sont un coefficient de dilatation plus faible et surtout qu’elles garantissent qu’il n’y a pas d’évolution notable de la forme pendant un maintien à chaud (pas de flambage). Pour les auteurs de cet article, le renforcement local apparaît plus judicieux.
Influence du cuivre dans l’AlSi9Cu3(Fe)
Pour l’Al Si9Cu3(Fe), on observe que les caractéristiques mécaniques sont quasiment constantes entre 20°C et 200°C. Au-delà, on observe une chute de Rm et Rp0,2 (respectivement une augmentation de A%). A 300°C, le Rp0,2 n’est plus ainsi que la moitié environ de sa valeur à 200°C (93 MPa contre 215 MPa).
Par contre, les résultats observés montrent, qu’entre 3 et 5%, la teneur en cuivre n’a pas d’effet notable sur les caractéristiques mécaniques mesurées à 200°C. De plus, on constate que même à 300°C il n’y a pas d’écart notable entre la teneur en cuivre de 5% et la teneur de 3%.
Les limites d’utilisation à chaud
D’un point de vue plus général, il parait important de rappeler deux faits qui limiteront les températures d’utilisation des alliages d’aluminium coulés sous pression indépendamment de la composition de l’alliage. D’une part, pour les métaux et leurs alliages, on considère généralement que la température d’utilisation doit être inférieure à la moitié de la température de fusion (en Kelvin) pour éviter les risques de fluage, soit 170°C environ pour les alliages d’aluminium. D’autre part, la température de fonctionnement est limitée par la température de cloquage (lié au traitement thermique), laquelle dépend de la santé des pièces et donc du procédé mis en œuvre (utilisation du sous vide, …). Il est possible de repousser un peu la température « de fluage » en créant des dispersoïdes Al3X (X=Ti, Zr, Co, V, …). Néanmoins cette solution présente un surcoût non négligeable pour un gain en température assez limité (entre 50 et 70°C). Vis-à-vis du cloquage, les techniques de fonderie sous pression sous vide peuvent lever ce verrou technique. Dans un premier temps, la synergie de ces deux solutions devrait permettre de répondre aux besoins exprimés par les donneurs d’ordre. Mais dans un second temps, il est probable que d’autres solutions plus en rupture devront être envisagées à termes.
Article très intéressant comme toujours ! merci 🙂
Bonjour Jacques et merci de ton commentaire très positif sur la qualité de cet article de MetalBlog sur le dopage de la tenue à chaud des alliages d’aluminium Al-Si-Cu.