Caractérisation à chaud d’alliages innovants

Caractérisation à chaud alliages de fonderie innovants.

Caractérisation à chaud alliages de fonderie innovants.

Après une première phase de synthèse, cet article fait le point sur la caractérisation à chaud d’alliages innovants avec une première étape de métallurgie numérique avant une étape de fabrication d’éprouvettes puis de caractérisation à chaud en traction.

Apport de la métallurgie numérique

Une première étape de métallurgie numérique a été menée avec les outils Thermo-Calc© et Alpha Screen©. Thermo-Calc© est un logiciel qui permet de déterminer les caractéristiques essentielles des alliages en fonction de leur composition et de la température, telles que les fractions volumiques des différentes phases ou les températures de transformation.

Alpha Screen© est un logiciel d’optimisation de la composition d’un alliage, sur la base de caractéristiques physiques ou métallurgiques, déterminées par le logiciel Thermo-Calc©. Développé par CTIF, Alpha Screen© fonctionne par analogie avec la sélection naturelle de Darwin (d’où sa dénomination d’ « algorithme génétique »), en gardant les meilleurs alliages de chaque génération, en croisant leurs compositions  avec des mutations aléatoires et en testant l’effet de la modification sur les valeurs des critères choisis, afin de converger vers une (ou plusieurs) compositions optimisées.

Les critères retenus pour la sélection des alliages étaient les deux paramètres assurant le compromis entre la mise en œuvre par fonderie et l’utilisation :

  • Un intervalle de solidification réduit (60°C maximum), afin de faciliter l’auto-alimentation lors de la solidification et éviter des défauts tels que micro-retassures et criques,
  • Une température de solidus aussi haute que possible, pour une utilisation à température élevée

Parmi les alliages susceptibles d’applications à température élevée mis en évidence précédemment, la nécessité de pouvoir être élaborés sur des moyens de fusion traditionnels et être mis en œuvre par voie de fonderie classique a finalement limité le choix à quelques alliages répartis selon deux familles :

  • Des alliages relativement classiques, comme l’intermétallique FeAl, avec une amélioration des propriétés à température ambiante obtenue par l’addition de différents éléments comme le chrome, le titane, le niobium, le silicium ou le carbone, seuls ou en association ;
  • Des alliages plus « innovants » pouvant être élaborés de manière conventionnelle (fusion par induction sous atmosphère contrôlée) comme l’alliage dit « à haute entropie » HEA FeCrNi2 Al (Fe 22.1% Cr 20.6% Ni 46.6% Al 10.7% ) ou les siliciures d’éléments métalliques (de chrome essentiellement).

Réalisation d’éprouvettes de caractérisation à chaud

Figure 1 - Lingots Keel-Blocks pour caractérisation à chaud.
Figure 1 – Lingots Keel-Blocks pour caractérisation à chaud.

Ensuite, les alliages ont été élaborés et mis en œuvre à la Fonderie Expérimentale de CETIM-CTIF. Les lingots réalisés sont des « Keel-blocks », dont la forme (figure 1) permet de garantir une bonne santé interne dans la zone active où seront prélevées les éprouvettes pour les essais mécaniques.

Les moules permettant de réaliser ces Keel-blocks sont eux-mêmes réalisés en sable lié avec une résine polyuréthane, et sont placés dans un caisson qui permet de maintenir une atmosphère neutre d’argon (figure 2). Ils sont remplis à l’aide d’un bassin de coulée, dans lesquels sont placés les éléments d’alliage spécifiques à la nuance produite (figure 3). Une même fusion de 25 kg de métal permet ainsi de réaliser jusqu’à trois lingots « Keel-blocks » de compositions différentes.

Figure 3 - bassin de coulée.
Figure 3 – bassin de coulée.
Figure 2 - Caisson d'inertage.
Figure 2 – Caisson d’inertage.

Le métal est fondu au four à induction et porté à une température de 1700°C, il est ensuite versé dans une « poche » préchauffée permettant de le distribuer au niveau des bassins de coulée. Après solidification et refroidissement, les « Keel-blocks » sont extraits du sable résiduel. Deux éprouvettes nécessaires aux essais de traction (réalisés à température ambiante et à 800°C) pour la caractérisation à chaud sont prélevées dans chacun d’entre eux.

Alliages basés sur l’intermétallique FeAl

Les éléments d’addition testés sont les suivants : niobium, titane, bore, silicium, chrome, à des teneurs autour de  1% (à l’exception du bore, pour lequel la teneur est de 0.1%). Les additions n’améliorent pas la ductilité à température ambiante, qui reste très faible (<0.2%). On note toutefois un effet sur la résistance à la rupture significatif et différent selon l’élément d’alliage utilisé, le niobium étant peu efficace (107 MPa), au contraire du bore (386 MPa).

A la température de 800°C, les alliages intermétalliques FeAl dopés présentent tous un comportement superplastique. Cette fois c’est le silicium qui apporte l’effet durcissant le plus important (61 MPa), le niobium restant toujours le moins efficace (29 MPa).

Alliage Fe – 10 % Cr – 5 % Al

Tableau 1 - Résultats de traction à l'ambiante et a chaud - alliage FeCrNi2Al.
Tableau 1 – Résultats de traction à l’ambiante et a chaud – alliage FeCrNi2Al.

Les résultats des essais de traction à température ambiante et à 800°C sont donnés dans le tableau 1. La ductilité significative (3%) à température ambiante élimine le comportement fragile. A 800°C, on note toujours le même comportement superplastique que précédemment (allongement de 95%).

Alliage FeCrNi2Al

Tableau 2 - Résultats de traction à l'ambiante et a chaud - alliage FeCrNi2Al.
Tableau 2 – Résultats de traction à l’ambiante et a chaud – alliage FeCrNi2Al.

Les résultats des essais de traction à température ambiante et à 800°C sont donnés dans le tableau 2. L’alliage présente une ductilité certes faible (1.5%) mais significative à température ambiante. A 800°C, on note une résistance plus élevée et une ductilité moindre que dans le cas des alliages précédents.

Siliciures d’éléments métalliques

Figure 4 - Keel-Block d'alliage à 26 % de silicium.
Figure 4 – Keel-Block d’alliage à 26 % de silicium.

Deux alliages avec une composition basée sur celle des siliciures de stœchiométrie M3Si et MSi2 (celles des composés définis présents dans le diagramme d’équilibre Cr-Si) ont été réalisés :

  • Un premier alliage basé sur la formule M3Si : Fe 18.4%at Cr 18.3%at Ni 38%at Si 26%. le matériau est friable à température ambiante (figure 4). En raison de cette friabilité, il n’a pas été possible de réaliser une éprouvette de traction;
  • Un second alliage correspondant à la composition MSi 2 : Fe 7.9%at Cr 7.8%at Ni 16.2%at Si 68%at. Les caractéristiques sont identiques.

Les essais réalisés n’ont donc pas permis d’obtenir un alliage ayant une ductilité suffisante à température ambiante.

La fonderie permet la mise en œuvre de la solution des bi-matériaux, par la mise en place dans le moule, d’inserts métalliques qui seront « soudés » lors de la coulée de l’alliage. Cette technique a été utilisée dans de nombreux cas de figure et pour diverses associations de matériaux (fonte-acier -bras de suspension de véhicules automobiles grand public, couvercle de fermeture des containers pour le stockage très longue durée de déchets radioactifs- ou fonte-aluminium, par exemple).

Figure 5 - zone de liaison entre l’insert en acier et l’alliage MSi2.
Figure 5 – zone de liaison entre l’insert en acier et l’alliage MSi2.

Dans le cas présent, l’association de deux matériaux complémentaires permet de compenser une ductilité à température ambiante insuffisante pour usiner les pièces, mais de bénéficier de la bonne tenue au fluage à température élevée. Un essai d’insertion d’une pièce en acier au carbone dans le moule au moment de la coulée de l’alliage MSi2 a été réalisé. La figure 5 montre la possibilité de liaison métallurgique entre l’acier et le siliciure.

On note la structure biphasée du siliciure, la présence d’une phase dans les joints de grains pouvant jouer un rôle bénéfique sur la tenue à température élevée. Il faut noter qu’afin de limiter la masse de l’ensemble insert/alliage réfractaire, l’insert pourrait être réalisé en alliage d’aluminium. Le siliciure de chrome possède en effet une relativement faible conductivité thermique et peut isoler l’insert lors de l’exposition à une température élevée.

Conclusion

Cette étude avait pour objectif à partir d’une veille documentaire, d’identifier des solutions matériaux envisageables pour des applications à très hautes températures, solutions qui pourraient être mises en œuvre en fonderie. La veille technologique, objet d’un article précédent, a révélé une recherche très active dans ce domaine. Elle a pu mettre en évidence plusieurs alliages pouvant répondre au besoin – coût et masse volumiques réduits, relative ductilité à température ambiante, tenue mécanique et à l’oxydation à température élevée- et être élaborés par fonderie conventionnelle -fusion atmosphérique, moule sable.
Des alliages relativement classiques ont ainsi pu être testés, comme l’intermétallique FeAl, avec un dopage par différents éléments afin d’améliorer les propriétés à température ambiante, ou des alliages plus « innovants » comme l’alliage dit « à haute entropie » HEA FeCrNi2Al ou les siliciures d’éléments métalliques. Avec une base FeAl, seul l’alliage enrichi au chrome Fe – 10% Cr – 5% Al présente des caractéristiques intéressantes pour l’application.

L’alliage FeCrNi2Al présente ces mêmes propriétés de résistance à l’oxydation à température élevée. Faiblement ductile (1.5%) à température ambiante, il présente l’inconvénient d’un prix et d’une masse volumique plus élevés.
Enfin, les siliciures métalliques présentent également des propriétés intéressantes, mais leur manque de ductilité à température ambiante (même s’ils peuvent être mis en forme par usinage) demande à les associer avec un matériau ductile -acier doux ou alliage d’aluminium.

Remerciements au CNES et à David MIOT, co-auteur de cet article publié dans le n°34 (juin 2023) de la revue Forge Fonderie

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