Traitement thermique des alliages d’aluminium

Traitement thermique des alliages d'aluminium de fonderie

Traitement thermique des alliages d'aluminium de fonderie

Les alliages d’aluminium de fonderie font souvent l’objet d’un traitement thermique qui permet d’augmenter leurs propriétés mécaniques (Rp0.2, allongement) par effet de durcissement structural. Le présent article s’attachera à présenter les traitements thermiques usuels appliqués aux différentes familles d’alliages d’aluminium de fonderie, à décrire les conditions, les paramètres clés (temps, température) de leur mise en œuvre et les résultats attendus des traitements de durcissement structural.

Le TTH pour augmenter les propriétés mécaniques

Les alliages d’aluminium destinés au moulage forment plusieurs familles se différenciant nettement des alliages corroyés. Leurs teneurs limites en composition ainsi que leurs caractéristiques mécaniques limites sont spécifiées dans la norme NF En 1706+A1 d’août 2021. Ils couvrent un domaine de caractéristiques mécaniques de résistance à la rupture de 75 à plus de 300 MPa. Ces caractéristiques mécaniques sont obtenues non seulement en agissant sur la composition des alliages, mais également pour une partie importante, en réalisant des traitements thermiques.

Le présent article s’attachera à présenter les traitements thermiques usuels appliqués aux différentes familles d’alliages d’aluminium de fonderie, décrire les conditions, les paramètres clés et les résultats attendus des traitements dits de durcissement structural.

De manière générale, un traitement thermique d’une pièce métallique consiste à lui faire subir des transformations de structure grâce à des cycles prédéterminés de chauffage et de refroidissement.

Les objectifs des traitements thermiques sont multiples : augmenter les caractéristiques mécaniques des alliages (limite d’élasticité, dureté, ductilité, etc…), procurer une meilleur stabilité dimensionnelle des pièces et enfin conférer à l’alliage une ou plusieurs propriétés spécifiques.

Par ailleurs, on peut distinguer deux grandes familles d’alliages de fonderie, selon le besoin ou non d’appliquer ce traitement de durcissement structural. Tout d’abord, les alliages dits « à durcissement structural » pour lesquels les éléments d’addition permettent une amélioration des propriétés mécaniques lorsque l’on procède à des traitements thermiques adaptés. Ce sont essentiellement les alliages Al-Cu, Al-Si-Mg, Al-Si-Cu(-Mg), et Al-Zn-(Si)-Mg. Ensuite, les alliages dits « non durcissables par traitement thermique » pour lesquels un traitement thermique n’apporte pas de bénéfice aux caractéristiques mécaniques. Les alliages concernés sont des aluminiums de différentes puretés, les Al-Mn, les Al-Mg et enfin les Al-Si (sans ajout de Mg ou de Cu).

Le principe du durcissement structural

De manière générale, le durcissement structural implique trois conditions métallurgiques : un diagramme d’équilibre à solubilité décroissante avec la température, la possibilité de précipitation fine et homogène après trempe et l’existence de formes transitoires des précipitations présentant une cohérence par épitaxie avec la matrice.

Le processus du traitement thermique comprend trois stades :

  • Un chauffage de mise en solution solide des constituants précipités après solidification ;
  • Une trempe : un refroidissement généralement rapide procurant une solution solide sursaturée homogène ;
  • Un vieillissement (Maturation/revenu) : l’étape procurant le durcissement structural, c’est-à-dire la précipitation du soluté sursaturé soit à température ambiante – vieillissement naturel (maturation), soit à température plus élevée – vieillissement artificiel (revenu).

Le Tableau 1 suivant résume les conditions de mise en solution, trempe et vieillissement les plus courantes pour différentes familles alliages d’aluminium de fonderie.

Tableau 1 – Conditions de traitements de durcissements courantes appliquées aux alliages d’aluminium de fonderie.
Tableau 1 – Conditions de traitements de durcissements courantes appliquées aux alliages d’aluminium de fonderie.

La mise en solution

Figure 1- Diagramme de phase binaire Aluminium-Cuivre (jusqu’à 7%).
Figure 1- Diagramme de phase binaire Aluminium-Cuivre (jusqu’à 7%).

Un chauffage dit de « mise en solution », qui se réalise à une température élevée entre 450 à 610°C, pendant des temps prolongés (entre 6 à 48h), afin d’améliorer les propriétés de produits obtenus. Dans l’exemple du binaire Al-Cu (Figure 1), le traitement permet de mettre en solution les 4% de Cu dans une solution solide d’aluminium.

Les paramètres principaux d’un traitement de mise en solution sont la température et le temps de traitement. La température est généralement choisie dans un domaine monophasé où la solubilité de l’élément d’alliage est quasi totale dans la phase mère. Cependant, une surchauffe par rapport au solidus peut engendrer des fusions locales des joints de grain, appelées brûlures. Dans le sens contraire, une température de mise en solution trop en-dessous du solvus engendre une mise en solution incomplète et par conséquent des propriétés mécaniques détériorées. Par exemple dans le cas du binaire Al-Cu, pour 4% de Cu, le point A, représente la température de solvus du composé Al2Cu (environ 500°C) (Figure 1). La température de traitement de mise en solution devrait se située vers 500°C±5°C.

Tableau 2 – Durée de mise en solution des alliages d’aluminium de fonderie avec traitement thermique.
Tableau 2 – Durée de mise en solution des alliages d’aluminium de fonderie avec traitement thermique.

La durée du traitement dépend de la composition de l’alliage, du mode d’élaboration, de l’homogénéité à l’état brut d’élaboration et de l’état structural et de la massivité de la pièce à traiter. Dans le cas des alliages moulés, selon la vitesse de refroidissement lors de la solidification et la massivité de la pièce, la mise en solution peut durer entre 6 à 12h (Tableau 2). Pour rétablir l’homogénéité de la pièce, il faut qu’un chauffage à haute température permette la diffusion à l’état solide des éléments au sein des grains. Cette diffusion est d’autant plus rapide que les grains ou dendrites sont plus petits, d’où l’intérêt d’un refroidissement rapide au cours de la solidification. Il faut cependant noter que la durée d’un traitement est surtout étroitement liée à la massivité de la pièce traitée.

La trempe

Figure 2 - Diagramme de trempe étagée pour un alliage Al Cu4SiMg (fil diamètre 4 mm).
Figure 2 – Diagramme de trempe étagée pour un alliage Al Cu4SiMg (fil diamètre 4 mm).

La mise en solution est suivie d’un refroidissement rapide qualifié de « trempe », permettant ainsi l’obtention d’une solution solide sursaturée à température ambiante. Pour que les caractéristiques mécaniques soient maximales, il convient de faire en sorte que la concentration de la solution solide soit la plus proche de celle à la température de mise ne solution. Les paramètres importants à considérer dans cette étape du traitement sont :

La vitesse critique de trempe est déterminée empiriquement en procédant à des trempes étagées dont un exemple de diagramme de trempe pour un alliage de la famille Al-Cu-Mg est présenté en Figure 2.

Ce diagramme de courbes d’égales caractéristiques mécaniques montre qu’un maintien trop long (>15s) entre 400 et 300°C induit une perte notable des caractéristiques mécaniques. Il est donc conseillé de franchir le plus rapidement possible ce domaine de température lors de la trempe.

Par ailleurs, il est également possible de corréler les propriétés mécaniques ou autres propriétés spécifiques (la résistance à la corrosion, la conductivité électrique, …) aux différentes vitesses de refroidissement afin de pouvoir déterminer la vitesse de trempe optimale pour avoir les meilleures caractéristiques possibles.

La trempe d’une pièce, d’autant plus que si elle est vigoureuse, induit inévitablement des contraintes résiduelles dans la pièce. L’origine principale des contraintes résiduelles réside dans le gradient thermique entre la peau et à cœur du matériau lors du refroidissement. Les contraintes résiduelles sont constituées d’un système d’équilibré de compressions en surface et de tension à cœur. Elles sont connues pour être néfastes à toutes opérations d’usinage, induisant des déformations non contrôlées de la pièce. Une des solutions pour réduire le niveau de contraintes résiduelles est de procéder à un traitement thermique postérieure à la trempe. Le rôle ainsi que les effets recherchés d’un tel traitement poste trempe seront détaillés plus loin.

D’un point de vue pratique, la vitesse critique de trempe varie d’un alliage à l’autre et dépend fortement du milieu de trempe (Tableau 3). Tous les alliages de fonderie (sauf l’Al Zn5Mg et l’Al Zn10Si8Mg) doivent être refroidis énergétiquement par immersion dans l’eau ou aspersion très violente (introduite récemment en fonderie). Ces alliages ont des vitesses critiques élevées. Par exemple, pour les alliages Al-Cu-Mg et Al-Cu-Si-Mg, la température de l’eau de la trempe ne doit pas être inférieure à 40°C, sinon ces alliages peuvent être vulnérables à la corrosion intercristalline.

L’étonnement

Tableau 3 – Milieux de trempe couramment utilisés et temps de vieillissement après trempe.
Tableau 3 – Milieux de trempe couramment utilisés et temps de vieillissement après trempe.

La mise en solution, suivi de trempe sont des étapes indispensables pour générer les caractéristiques optimales pour lesquelles l’alliage a été étudié. Cependant on peut obtenir des caractéristiques intermédiaires dans certains cas, sans faire l’étape de mise en solution. Un traitement d’étonnement consiste à tremper la pièce dans l’eau juste en fin de solidification lors du décochage. Dans ce cas, on maintien en solution solide sursaturée une partie de la structure seulement. De plus, on ne dissout pas les constituants hors équilibre. Néanmoins, leur présence n’aura qu’une incidence limitée dans le cas d’alliages fortement chargés en éléments d’addition.

Il faut noter qu’un tel traitement pose la difficulté de la reproductibilité parfaite du processus. En effet, la pièce doit être trempée toujours à la même température si l’on veut éviter une trop grande dispersion des caractéristiques des pièces produites.

Le vieillissement

La dernière étape consiste en une évolution spontanée de la structure à température ambiante appelée « vieillissement naturel » ou « maturation ». Elle peut également se présenter sous la forme d’un traitement thermique dit de « vieillissement artificiel » ou « revenu », qui consiste en un chauffage modéré. Cette étape procure le durcissement structural via une précipitation de la solution solide sursaturée. Durant cette étape de traitement, la solution solide, qui se trouve à l’état métastable, va avoir tendance à retrouver son état d’équilibre thermodynamique en rejetant une partie des solutés en sursaturation, c’est la précipitation. Parfois, la cinétique de précipitation des solutés peut être très faible et nécessite donc d’être accélérée par des maintiens à température supérieure, qui constituent les traitements de revenu et qui se traduisent généralement par un durcissement plus important de l’alliage.

Le vieillissement naturel (maturation)

Figure 3 – Evolution, après mise en solution et trempe des caractéristiques mécaniques de traction de l’alliage 2017 A en fonction de la maturation, pour diverses températures de maturation.
Figure 3 – Evolution, après mise en solution et trempe des caractéristiques mécaniques de traction de l’alliage 2017 A en fonction de la maturation, pour diverses températures de maturation.

Le comportement des alliages lors de l’étape de vieillissement est très variable d’une famille à l’autre. Il peut être également fortement influencé par les températures ambiantes auxquelles sont soumises les produits trempés, elles peuvent varier entre – 20 à + 40 °C. On distingue ainsi 3 familles d’alliages : Al-Cu-Mg, Al-Si-Mg (la plus courante) et enfin Al-Zn-Mg

La famille d’alliages Al-Cu-Mg présentent une période appelée « incubation », durant laquelle l’évolution des caractéristiques mécaniques en fonction du temps est relativement faible. Cette période d’incubation est d’autant plus longue que la température est faible. Vers la fin de cette période d’incubation, le durcissement structural s’accélère, sa vitesse passe par un pic, puis décroît de manière asymptotique (Figure 3).

Figure 4 –  Influence des conditions de vieillissement artificiel sur les caractéristiques mécaniques de l’Al Si7Mg.
Figure 4 – Influence des conditions de vieillissement artificiel sur les caractéristiques mécaniques de l’Al Si7Mg.

La famille d’alliages Al-Si-Mg présentent un vieillissement naturel plus complexe. La Figure 4 illustre l’exemple d’un alliage Al Si7Mg avec une mise en solution à 540°C suivi d’une trempe à l’eau. Les courbes de vieillissement ne se traduisent plus par une loi type logarithmique comme dans le cas des alliages Al-Cu-Mg (Figure 3). Ces alliages vieillissent beaucoup plus lentement, ils atteignent un palier admissible de propriétés mécaniques au bout d’une période de 15 à 30 j à 20°C. La durée de vieillissement diminue avec l’augmentation de la température du milieu ambiant.

La famille d’alliages Al-Zn-Mg, à l’exception de l’alliage Al Zn10Si8Mg, est connue pour présenter un vieillissement encore plus lent que la famille Al-Si-Mg. Industriellement, on estime qu’un palier satisfaisant est atteint après deux ou trois mois de vieillissement.

Le vieillissement artificiel (revenu)

Il s’agit là d’un traitement thermique qui consiste en un chauffage à une température nettement plus élevée que l’ambiante. L’évolution des caractéristiques mécaniques d’un alliage au cours du vieillissement naturel est d’autant plus rapide que la température est élevée. Cependant, contrairement à un vieillissement naturel, où une durée prolongée n’a pas d’incidence sur les propriétés mécaniques, une fois le palier atteint, il peut arriver qu’un vieillissement artificiel trop long ou à une température trop élevée détériore les caractéristiques mécaniques. D’où la notion importante de « conditions de revenus optimales ». Le Tableau 4 résume les conditions de traitement de vieillissement artificiel d’un certain nombre d’alliage d’aluminium de fonderie.

Tableau 4 – Traitements de vieillissement artificiel des alliages d’aluminium de fonderie.
Tableau 4 – Traitements de vieillissement artificiel des alliages d’aluminium de fonderie.

Lorsque le vieillissement est réalisé à des températures intermédiaires (entre 200-250°C), il engendre un effet similaire à un traitement de stabilisation, et peut avoir plusieurs effets sur les pièces traitées :

  • D’une part, il est nécessaire quand on désire obtenir des tolérances dimensionnelles très serrées et/ou une grande stabilité dimensionnelle en service à température élevée. Dans ces cas, on recherche un effet de relaxation des contraintes à travers le traitement de stabilisation. Ces contraintes d’origines thermiques peuvent être engendrées lors de l’étape de trempe mais également lors de la solidification de l’alliage. L’application du traitement de stabilisation à plus haute température permet le mouvement de lacunes et dislocations pour diminuer l’énergie interne de la pièce ;
  • D’autre part, il est nécessaire pour avoir une stabilité structurale pour les applications à chaud. Dans ce cas, la température du traitement est définie au-dessus de celle du service afin d’éviter tous changements structuraux en cours de service. Or, il faut noter que dans de telles gammes de températures, on provoque souvent un adoucissement de l’alliage. Autrement-dit, l’alliage voit une augmentation de son allongement au détriment de ses résistances en traction.

Cependant, l’obtention des stabilités dimensionnelle et/ou structurale ne doit pas se faire au détriment des caractéristiques mécaniques et il est souvent nécessaire de trouver un compromis.

4 commentaires

  1. Virgil Optasanu dit :

    Bonjour Zhao,
    Merci pour cet article très intéressant.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Virgil et merci de votre intérêt marqué pour l’article de Zhao sur MetalBlog relatif au traitement thermique des alliages d’aluminium.

  2. Mussault dit :

    Bonjour Zhao,

    Sur le chapitre du vieillissement artificiel:
    Quelle est la nuance entre la désignation d’un « vieillissement artificiel » (T6) et le « sous-veillissement artificiel » (T64) que l’on retrouve dans la norme NF EN 1706 ?
    Cela correspond : « Autrement-dit, l’alliage voit une augmentation de son allongement au détriment de ses résistances en traction »
    Le fondeur joue sur les paramètres du revenu (X°C sur une certaine durée)
    Il y a t il une norme qui encadre ces revenus de vieillissement et sous-vieillissement ?

    Cordialement,

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Teddy, merci tout d’abord pour l’intérêt que vous portez à notre article de MetalBlog sur le TTH des alliages d’aluminium..
      Concernant la première partie de votre question : différence entre un T6 et un T64, le sous-vieillissement artificiel du T64 signifie que la T° du revenu d’un T64 est inférieure à celui d’un T6. Le fait d’abaisser cette température de revenu a pour conséquence de limiter le durcissement (souvent par précipitation) de l’alliage. D’où une amélioration de l’allongement mais au détriment des résistances de traction.
      En ce qui concerne la normalisation des conditions de traitements thermiques des alliages d’aluminium de fonderie, il existe une norme américaine : ASTM B597-80 et pour des applications militaires le MIL-H-6088-E et F.

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