
La microstructure AlSi7Mg - influence de la durée de mise en solution.
L’effet de la durée de la mise en solution (lors du traitement thermique) sur les propriétés mécaniques des alliages d’aluminium de la famille des Al Si7Mg0,3 ou Al Si7Mg0,6a été relativement peu étudié. A contrario, l’impact de la vitesse de refroidissement sur les caractéristiques mécaniques est connu depuis de nombreuses années. Néanmoins cet impact n’a été quantifié que pour les vitesses de refroidissement standards obtenues en moulage sable ou en coquille.
Les paramètres ayant un impact sur les caractéristiques mécaniques
Pour les alliages d’aluminium, parmi les paramètres qui contrôlent les propriétés mécaniques, on recense en premier lieu, la santé matière (principalement la propreté et les porosités), puis la vitesse de refroidissement (moulage sable, moulage sable avec refroidisseurs, moulage coquille), la teneur en fer, la modification du silicium eutectique, l’affinage du grain et enfin le traitement thermique (durée et température de mise en solution, vitesse de trempe et durée et température du vieillissement artificiel). L’étude de ces paramètres est importante afin d’améliorer les propriétés des alliages d’aluminium.

Effet respectif de la teneur en fer et de l’épaisseur sur l’indice de qualité (MPa).
En particulier, l’impact de la vitesse de refroidissement sur les caractéristiques mécaniques des alliages de la famille des Al Si7Mg0,3 ou Al Si7Mg0,6 est démontré depuis de nombreuses années. Son effet est supérieur à celui de la teneur en fer, dans la limite de la norme (tableau ci-dessus). Néanmoins cet impact n’a été quantifié que pour les vitesses de refroidissement standards obtenues en moulage sable ou en coquille soit de 0,1°C/s à 1°C/s environ.
Diminuer le traitement de mise en solution ?
Le traitement standard des alliages d’aluminium de type Al Si7Mg0,3 et Al Si7Mg0,6 est de 8 heures à 540°C suivi d’une trempe à l’eau et d’un revenu de 4 à 8 heures entre 150 et 170°C. Si l’effet du revenu a été largement étudié, l’impact de la durée de la mise en solution sur les propriétés mécaniques a été, quant à lui, moins étudié. Dans l’étude présentée dans cet article, nous avons voulu vérifier la possibilité de diminuer la durée du traitement de mise en solution et l’intérêt d’augmenter, au moins localement, la vitesse de refroidissement.
Les conditions expérimentales

Éprouvette gradin. Représentation schématique de l’éprouvette utilisée pour corréler le DAS et la vitesse de refroidissement.
Deux types d’éprouvettes ont été utilisés pour mener à bien cette étude : une éprouvette dite gradin pour réaliser la corrélation entre la vitesse de refroidissement et le DAS (Dendrite Arm Spacing) ainsi que des mesures de dureté et une éprouvette trapézoïdale pour extraire des éprouvettes de traction.

Éprouvette gradin – épaisseur des gradins (mm).
L’éprouvette gradin a permis d’obtenir différentes vitesses de refroidissement très élevées et modulables. Cette éprouvette est constituée de 5 gradins dont les épaisseurs s’échelonnent entre 4 mm et 23 mm. Les moules en sable à prise chimique sont munis d’une semelle refroidissante en cuivre pourvue d’une circulation d’eau sur les quatre gradins les moins épais (4 mm, 9 mm, 14 mm et 19 mm). Des thermocouples de type K (1 mm de diamètre) sont positionnés à mi-hauteur de chaque gradin. Le gradin est coulé en chute. Afin d’obtenir la bonne venue des gradins de plus faible épaisseur, la circulation d’eau n’est mise en route qu’immédiatement après la fin de la coulée.

Schéma de l’éprouvette trapézoïdale brute utilisée pour réaliser les éprouvettes de traction.
L’éprouvette trapézoïdale, quant-à-elle, utilisée pour extraire des éprouvettes de traction est coulée en sable sur la semelle refroidissante précédente. La forme trapézoïdale limite la formation de la lame d’air et favorise donc le refroidissement. L’éprouvette brute a une épaisseur de 15 mm, mais l’épaisseur de l’éprouvette de traction, prélevée côté semelle, n’est que de 2 mm. Cette épaisseur garantit une vitesse de refroidissement homogène sur tout le volume de l’éprouvette. Cette éprouvette est non masselottée et coulée en chute. Compte tenu de son épaisseur (15 mm) et surtout du prélèvement utilisé pour les essais de traction, cela n’a eu aucune incidence sur la santé. En effet, le contrôle par radiographie numérique des éprouvettes n’a révélé aucun défaut.

Éprouvettes de traction – Contrôle de la santé des éprouvettes en radioscopie numérique.
Deux séries d’essais ont été réalisées : une série de référence (R) coulée sans mise en route de la circulation d’eau – ce qui a conduit à un DAS comparable à celui obtenue lors d’une coulée en coquille classique – et une série d’essais avec circulation d’eau.
L’alliage et les traitements thermiques étudiés

Composition chimique de l’alliage d’ aluminium AlSi7Mg0,45.
L’alliage d’aluminium est un AlSi7Mg0,45 modifié au strontium et affiné au titane-bore (AT5B1). La fusion a été réalisée dans un four à induction moyenne fréquence avec une charge composée à 100% de lingots et une température de coulée de 750°C. Le traitement thermique consistait en une température de mise en solution est de 540°C±5 avec quatre durées de palier à la température de 540°C réalisées (2, 4, 6 et 8 heures). On a réalisé une trempe à l’eau, à température ambiante, agitée et un revenu standard de 8 heures à 160°C±3.
Une corrélation entre la vitesse de refroidissement et le DAS

Corrélation entre DAS et vitesse de refroidissement.
Pour chaque gradin, le DAS a été mesuré sur 10 champs au niveau du thermocouple. Pour chaque gradin, 6 mesures de vitesse de refroidissement ont été réalisées à l’aide d’une centrale d’acquisition.

Microstructure et DAS fonction de la vitesse de refroidissement pour les différentes épaisseurs de gradin.
Mesure de dureté et essais de traction
Les éprouvettes gradins ont été traitées thermiquement, afin de réaliser des mesures de dureté.

Dureté et DAS fonction de l’épaisseur sur les gradins.

Impact de la durée de mise en solution sur les caractéristiques mécaniques d’un alliage d’aluminium AlSi7Mg.
La valeur de la dureté à l’état brut de trempe est de 76HB. Les essais de traction sont la moyenne de 5 éprouvettes.
Discussion
Le plus souvent, la vitesse de refroidissement est caractérisée par la finesse dendritique qui peut être estimée par différents indices : le DAS (Dendrite Arm Spacing), le SIM (Segment Intercepté Moyen) et l’Id (Indice Dendritique). En effet, ces indices peuvent être reliés à la vitesse de refroidissement par des lois de type exponentielle DAS(Id) = a tsoln. Les valeurs de cette étude conduisent à une relation entre DAS et vitesse de refroidissement :

Lien entre DAS et vitesse de refroidissement pour un alliage d’aluminium AlSi7Mg0,45.
L’analyse de l’ensemble de ces travaux montre que pour les Al Si7Mg les valeurs de DAS et d’Id sont identiques et que la relation peut s’écrire :

Relation entre DAS et vitesse de solidification.
Pour analyser les résultats des essais de traction, nous avons utilisé le logiciel QUALITAL basé sur les notions introduites par M. Drouzy, S. Jacob et M. Richard (CTIF) dans les années 1970 : l’indice de qualité (Q) et la limite d’élasticité probable (E*). Ces indices sont reliés aux caractéristiques mécaniques traditionnelles Rm, Rp0,2, A% et HB par différentes relations :

Relation entre Q (indice de qualité), E, HB pour un alliage d aluminium de type AlSi7Mg.
L’intérêt de ces deux notions (Q et E*) réside dans le fait que l’indice de qualité Q ne dépend «que» de la santé métallurgique et que la limite d’élasticité probable E* ne dépend «que» de la teneur en magnésium remis en solution et des conditions de revenu. L’indice de qualité est aujourd’hui mondialement utilisé.
Les valeurs des caractéristiques mécaniques (tableau ci-dessous) sont comparables à ceux publiés par J.Perrier dont les valeurs de l’indice de qualité se situent autour de 475 – 485 MPa pour les valeurs de DAS entre 25 et 30 µm, pour un Al Si7Mg0,6 modifié au strontium avec un traitement T6 de 8 h à 540°C, trempe à l’eau froide suivi d’un vieillissement artificiel de 4 h à 160°C. Ils sont aussi très proches des valeurs publiées par Pedersen et Arnberg pour un AlSi7Mg0,6 modifié au strontium avec un traitement T6 de 4 ou 24 h à 540°C, trempe à l’eau froide suivie d’un vieillissement artificiel de 4 h à 160°C, qui présente un indice de qualité de 477 MPa (estimé à partir des valeurs de Rm et A publiées) pour une éprouvette de diamètre 5 mm coulée dans une coquille en cuivre (DAS estimé entre 15 et 25 µm en se basant sur les valeurs obtenues dans cette étude).

Caractéristiques mécaniques fonction du DAS et du traitement de mise en solution pour un alliage d’aluminium AlSi7Mg.
Inutile d’abaisser le DAS en dessous de 25 µm
Les résultats de cette étude montrent que, pour les alliages de la famille des Al Si7Mg0,3 ou Al Si7Mg0,6, il est difficile d’abaisser de façon notable le DAS en dessous de 25 µm. En effet, pour atteindre un DAS de 15 µm, il faut utiliser une semelle refroidissante en cuivre avec circulation d’eau. De plus, cette finesse n’est que superficielle (5 mm environ). Outre la relation entre le DAS et la vitesse de refroidissement qui indique qu’il faut multiplier par un facteur 4,5 la vitesse de refroidissement pour diviser par deux le DAS, cette difficulté est probablement aussi imputable à la formation d’une lame d’air entre l’éprouvette et la semelle refroidissante. Comme le suggérait les résultats d’une étude de J.Perrier, il apparait inutile d’abaisser le DAS en dessous de 35 µm, puisque cette diminution du DAS ne s’accompagne pas d’une amélioration notable de l’indice de qualité. En effet, l’indice de qualité est de 477 MPa (étude Perrier) à 488 MPa pour un DAS de 25 µm contre 484 MPa pour un DAS de 15 µm, valeurs non significativement différentes.
L’indice de qualité
Les résultats de Richard montrent que pour un barreau de 18 mm (DAS estimé à 40 µm) l’indice de qualité continue à évoluer après 8 heures de mise en solution mais que 88% de la valeur maximale est atteinte après 2 heures. La limite d’élasticité présente, quant à elle, un palier après seulement 1 heure de mise en solution. L’étude de Pedersen et Arnberg confirme que le durcissement maximum est obtenu après seulement 1 heure (DAS estimé entre 15 et 25 µm). Au contraire des résultats de M. Richard, leur étude montre que l’indice de qualité atteint un palier après 4 heures de mise en solution. Les résultats de notre étude confirment ceux de Pedersen et Arnberg, puisque pour un DAS de 15 µm, l’indice de qualité et la limite d’élasticité maximum sont atteints dès 2 heures de mise en solution.
Réduire la durée de mise en solution pour des pièces de faible épaisseur en moulage coquille
Il est donc inutile de rechercher un DAS inférieur à 30 µm, si l’on se réfère aux caractéristiques mécaniques statiques. Le durcissement maximum est atteint après seulement 1 à 2 heures de mise en solution. La durée de mise en solution pour atteindre l’indice de qualité maximum semble dépendre de la finesse dendritique. Pour un DAS entre 15 et 30 µm, une durée de 2 à 4 heures semble suffisante. Il est donc possible de réduire la durée de mise en solution, sous certaines conditions en particulier pour des pièces de faible épaisseur (<10 mm) coulées en coquille (ou sur refroidisseur).
Un article très instructif, comme souvent ! Pouvez-vous nous donner les liens vers les travaux de J.Perrier, M.Richard et Pedersen & Arnberg auxquels vous faites référence ?
Un autre article qui fait écho à propos de l’effet (ici négatif) de l’augmentation de la durée de mise en solution pour un AS7G03 : https://doi.org/10.1016/j.msea.2012.12.093
Cela engendrerait une migration du Mg vers les porosités, réduisant la quantité de Mg disponible pour la précipitation durant le revenu. Dommage par contre, les auteurs ne se basent que sur des mesures de dureté et non des essais de traction.
Bonjour Marc et merci de l’intérêt que vous trouvez à consulter MetalBlog. Nous allons vous faire parvenir ces articles. Merci pour votre lien et bien d’accord avec vous sur l’insuffisance des mesures de dureté pour conclure valablement.
Je sais que la tradition utilise la vitesse de solidification V en C/min comme mesure de la rapidité avec laquelle l’alliage se solidifie. Il faut d’abord définir ce qu’on appelle vitesse de solidification puisqu’elle change tout au long du phénomène (dérivée de la courbe d’analyse thermique). D’autre part, le nombre en C/min ne donne aucune idée de la rapidité du phénomène. 1 C/min correspondra à une solidification rapide pour un métal pur …et à une solidification très lente pour un alliage à large intervalle de solidification.
Utiliser le temps de solification t (temps écoulé entre liquidus et solidus) dissipe toutes ces ambiguïtés. En particulier, je doute que la formule citée pour le DAS en fonction de V soit valable pour des teneurs en silicium différentes (disons entre 6% et 11%) , alors que
DAS (micromètres) = 40 . t ^ 0.333333 (minutes) s’applique à toutes les sauces..
Bonjour Franco. Pour répondre à votre question, effectivement, le terme vitesse de solidification est flou mais largement utilisé. En générale, la valeur est obtenue en divisant l’intervalle de solidification (Tliq-Tsol) par la durée de solidification c’est-à-dire t(Tsol)-T(Tliq), ce qui donne une vitesse moyenne. Pour le DAS, on pourrait supposer que ce qui compte est le temps de solidification entre le liquidus et la température eutectique (intervalle où se forme et se développe les dendrites). Néanmoins, il y a un certain degré de coalescence des dendrites durant la solidification eutectique qui permet d’utiliser la vitesse moyenne. On trouve effectivement des formules différentes suivant les alliages, mais a priori les formules données dans l’article couvrent les Al-Si (5 à 11%) voir les Al-Si-Cu. Il est intéressant de noter que l’une des première formule a été proposée par Drouzy, Jacob et Richard (CTIF). Cette relation ne concernait pas le DAS mais l’indice dendritique (ID) autre paramètre caractérisant la finesse dendritique. (Mal)heureusement, dans les AlSi7Mg les valeurs du DAS et de ID sont identiques ce qui n’est pas le cas pour les autres alliages. Cette relation a ensuite été reprise allègrement en remplaçant ID par DAS ! des relations similaires mais différentes ont été proposées pour d’autres types d’alliages en particuliers Al Cu4MgTi. L’exposant varie entre 0.25 et 0.5.
La relation, DAS=40 t^(1/3) est probablement métallurgiquement et physiquement plus juste mais se corrèle moins bien aux résultats expérimentaux (comme la relation Rp=2.4 HB se corrèle moins bien que Rp=3 HB-80). L’exposant 1/3 découle, probablement de l’augmentation de volume des objets proportionnelle au temps pendant les traitement thermique (coalescence du silicium eutectique par exemple). D’un point de vue pratique, une relation DAS=a t^0,5 associé au modèle de Chvorinov t=b Mth^2 ce qui conduit à DAS proportionnel au module thermique.