La dégradation des éléments de moule en acier X38CrMoV5

Endommagement par fatigue thermique faiençage d'un acier X38CrMoV5.

Endommagement par fatigue thermique faiençage d'un acier X38CrMoV5.

La dégradation de l’acier des moules de fonderie en X38CrMoV5 est un phénomène complexe. Les éléments de moule (empreintes, broches) en moulage coquille et en fonderie sous pression subissent en effet de fortes contraintes thermomécaniques qui limitent leur durée de vie. Cet article rappelle certains mécanismes et les paramètres intrinsèques (composition de l’acier, TTH) et extrinsèques (température de moule, oxydation, traitement de surface, …) qui impactent la durée de vie du moule.

Durée de vie et fatigue des matériaux

La durée de vie est une notion qui a été développée pour prédire la durée de vie des pièces de sécurité fortement sollicitées dans des situations de plus en plus complexes et sévères, où interviennent de hautes températures ou des environnements agressifs. Elle est généralement mesurée par le nombre de cycles à rupture N. L’exécution de n cycles (n < N) entraîne également un endommagement qu’il peut être important d’évaluer quantitativement. Cet endommagement détermine la capacité de vie restante d’une pièce et il indique s’il faut ou non la remplacer pour éviter sa rupture finale en fonctionnement.  D’une manière générale, les phénomènes de fatigue se manifestent lorsque l’on est en présence d’efforts variables dans le temps. Le danger de ce phénomène est la possibilité que possède un matériau à se rompre pour des contraintes apparentes relativement faibles, souvent inférieures à la résistance à la traction et même à la limite d’élasticité du métal, lorsque leur application est répétée un grand nombre de fois.

Les méthodes d’essai d’endommagement des aciers à outil X38CrMoV5

L’endommagement des aciers à outils en X38CrMoV5 sous sollicitations thermomécaniques peut être étudié par trois approches scientifiques et techniques complémentaires : la fatigue mécanique, la fatigue thermique et la fatigue thermomécanique. L’essai de fatigue mécanique le plus simple consiste à soumettre chaque éprouvette à des cycles d’efforts périodiques, généralement sinusoïdaux, d’amplitude maximale et de fréquence constante. On note ensuite le nombre de cycles au bout duquel la rupture se produit. On obtient ainsi une courbe (contrainte, nombre de cycles) dite de Wöhler ou courbe d’endurance.

Dans l’approche « fatigue thermique », une éprouvette est chauffée et refroidie sans contrainte externe avec des chocs thermiques plus ou moins sévères. Deux types de paramètres contrôlent le comportement et l’endommagement (la durée de vie) des matériaux en fatigue thermique : les paramètres extrinsèques (les caractéristiques de cyclage thermique) et les paramètres intrinsèques (les propriétés thermo-physico-chimiques et mécaniques des matériaux). Les sollicitations thermiques et mécaniques ne sont pas directement accessibles et doivent être calculées par des analyses thermo-mécaniques appropriées. Des lois de comportement sont donc nécessaires. Ces dernières doivent être examinées dans des conditions de sollicitations isothermes (fluage, fatigue, relaxation de contrainte…) et anisothermes (fatigue thermomécanique).

Enfin, dans l’approche thermomécanique, une éprouvette de fatigue subit un cycle de température – déformation mécanique répétée de sorte que le gradient thermique dans sa partie utile soit quasi nul (ou acceptable). L’histoire « température – déformation mécanique – contrainte » d’une éprouvette de fatigue peut être approchée par des mesures directes de ces grandeurs.

La tenue de l’acier X38CrMoV5

L’acier X38CrMoV5 présente une déconsolidation (adoucissement) cyclique continue jusqu’à la rupture sans atteindre de stabilisation. Ce comportement est caractéristique des aciers martensitiques ou bainitiques revenus quelle que soit la température de travail. La déconsolidation cyclique (écarts d’amplitude de contrainte entre le premier et le « dernier » cycle) dépend fortement des conditions de sollicitation, de la résistance du matériau et de la température d’essai. L’instabilité est toujours constatée y compris pour des durées de vie importantes, supérieures à 105 cycles.

L’instabilité cyclique de l’acier X38CrMoV5 peut être décomposée en trois stades : Le domaine A  (fatigue oligocyclique) correspond aux amplitudes de contraintes fortes. Ce domaine conduit à une rupture pour un nombre de cycles inférieurs à 104 ou 105. L’éprouvette subit une déformation plastique à chaque cycle. Le domaine B correspond aux amplitudes de contraintes moyennes : c’est la zone de l’endurance limitée où la rupture se produit dans le domaine 104 – 106 cycles. La plastification reste confinée autour des défauts géométriques ou métallurgiques (inclusions, porosités…) lors de la phase d’amorçage de fissure et en tête de fissure lors de la propagation.  Le domaine C correspond aux amplitudes de contraintes faibles : c’est la zone de l’endurance illimitée ou zone de sécurité. La rupture ne se produit pas pour des durées de vie bien supérieures à la durée de vie estimée de la pièce (107 – 109 cycles).

Influence des éléments d’addition

Influence des éléments d'addition - acier X38CrMoV5.
Influence des éléments d’addition – acier X38CrMoV5.

Afin d’obtenir les caractéristiques nécessaires aux aciers d’outillages, les aciéristes ajoutent à l’acier de base un certain nombre d’éléments d’alliage (tableau ci-contre) comme le carbone pour obtenir la dureté et les éléments carburigènes (chrome, tungstène, molybdène, vanadium) pour avoir des carbures spéciaux aussi bien après une élaboration et une transformation à chaud (carbures primaires) qu’après un traitement thermique de qualité (carbures secondaires), ce qui conduit à une plus grande pénétration de trempe (chrome).

Les aciers de type X38CrMoV5 à bas vanadium possèdent une meilleure résistance aux chocs thermiques et donc à la fissuration. Le succès de ce type d’acier a conduit les aciéristes à encore améliorer cette nuance avec la naissance au début des années 90 d’une nuance optimisée (H11 modifié). D’après des études, cette nuance à bas silicium et impuretés permet d’augmenter nettement la résistance à la fatigue thermique à haute température, tout en conservant une bonne résistance à l’abrasion.

Les nuances H11 et H13

Comparatif du Rm et Rp0.2 des aciers H11 et H13.
Comparatif du Rm et Rp0.2 des aciers H11 et H13.

Il existe deux types de nuances d’acier très répandus pour les empreintes de moule en fonderie de non ferreux, le H11 (utilisé majoritairement en Europe) et le H13 (utilisé en Amérique du Nord en particulier). Le H11 contient  0,39%C; 5,15%Cr; 1,25%Mo; 0,39%V alors que le H13 contient  0,40%C; 5,15%Cr, 1,35%Mo; 1,00%V. Ces deux nuances sont cependant relativement proches et diffèrent en particulier par leur teneur en vanadium. Les caractéristiques mécaniques (Rm et Rp0.2) à chaud (de 20°C à 550°C) de ces 2 aciers sont également très similaires et diminuent toutes deux fortement au-delà de 350°C. De nombreuses controverses de part et d’autre de l’atlantique existent sur la meilleure tenue en fatigue thermique de l’une ou l’autre nuance. Si des différences existent, elles nous semblent être relativement limitées comme le montre la figure ci-contre.

Influence des traitements thermiques

Les moules de fonderie en acier X38CrMOV5 subissent, après usinage, un traitement thermique (austénitisation puis trempe à l’air suivie de deux revenus) afin de leur conférer une dureté ou une ténacité ad hoc. En général, les broches par exemple sont traitées pour obtenir des duretés comprises entre 42 et 48 HRC. Le traitement thermique aboutit à une structure martensitique revenue.

La gamme des traitements thermiques est fonction des caractéristiques intrinsèques de l’acier et des fonctions auxquelles l’acier doit répondre. La qualité du traitement thermique dépend de la qualité du recuit, de l’austénitisation et des deux revenus. En pratique, le fondeur demande l’obtention d’une dureté à son fournisseur de traitements thermiques pour obtenir le meilleur compromis dureté – ductilité. Les aciers chargés en carbone et traités avec un niveau de dureté plus élevé sont sujets à une décarburation. C’est la conséquence de la réaction superficielle d’oxydation de l’acier au cours du traitement. Cet adoucissement est le plus souvent la conséquence d’une décarburation se produisant lors d’un traitement thermique effectué en atmosphère oxydante. Il en résulte une baisse de l’endurance de la couche superficielle dont la limite est alors celle d’un acier à bas carbone d’où la formation possible de fissures se propageant dans la pièce pour des contraintes inférieures à la limite d’endurance du métal non décarburé et non entaillé.

De plus, en dehors des problèmes de fragilité superficielle, la décarburation peut faciliter l’amorçage des tapures de trempe (diminution de la résistance en surface), accentuer les variations de forme (en particulier pour les décarburations hétérogènes) et exercer une action défavorable sur la tenue en service des couches dures apportées par un traitement de surface tel que la nitruration par exemple. De même, la décarburation conduit à diminuer la résistance à l’abrasion et confère à l’acier une mauvaise résistance à la cavitation. Pour les éléments de moule en X38CrMoV5, on utilise systématiquement une gamme de traitement sous vide.

Influence de l’oxydation

Le traitement thermique de nombreux aciers à outils contenant des teneurs importantes en molybdène (Mo>1%) et vanadium (V>0.5%) est pratiqué entre 1000°C et 1050°C. Ce domaine de température correspond à un phénomène d’oxydation lié à l’enrichissement de la calamine en molybdène et vanadium (éléments très oxydables) et à la formation de composés du type Mo03 ou V205 (fusibles dès 750°C et gazeux aux températures de traitement). La calamine, fragmentée par les dégagements gazeux ainsi créés, laisse pénétrer l’oxygène de l’air, ce qui provoque une augmentation de la cinétique de décarburation superficielle.

Influence des traitements de surface

Eprouvette après 20 000 cycles traitée PVD TiAlN et non traitée.
Eprouvette après 20 000 cycles traitée PVD TiAlN et non traitée.

Les traitements de surface (type PVD ou CVD) présentent une protection efficace de la surface et semblent globalement limiter l’apparition de microfissures qui retarderaient également le développement des macro-fissures. On peut penser que la très faible oxydation de la surface de l’acier, protégée par le traitement de surface, contribue fortement à cet effet.

Influence des revenus

La technique du double revenu est recommandée pour les aciers à outils. Le premier revenu est effectué au niveau du pic de durcissement secondaire (550°C pour l’acier X38CrMoV5), ce qui provoque la précipitation intensive de carbures spéciaux (M2C, MC, M7C3) et la transformation de l’austénite résiduelle en martensite secondaire pouvant entraîner une certaine fragilité. Le second revenu, effectué à température plus élevée pour obtenir le niveau de dureté souhaité, permet de relaxer les contraintes et donne une structure stable avec une meilleure répartition des carbures, ce qui est à l’origine de l’amélioration des caractéristiques mécaniques.

Cet ordre présente l’avantage d’éviter la transformation partielle de l’austénite résiduelle en agrégats de ferrite et de carbures, qui est aisée lorsque le premier revenu est effectué vers 600°C. Le second revenu, pratiqué sur une structure contenant de la martensite secondaire, donne de meilleures caractéristiques mécaniques que s’il était fait sur une structure contenant des précipités de ferrite et de carbures. Par ailleurs, le second revenu, à température plus élevée fait grossir les carbures secondaires précipités très finement lors du premier revenu. Il en résulte une meilleure répartition de ces carbures secondaires qui est à l’origine de l’amélioration des caractéristiques mécaniques constatées.

Influence de la température de travail et de la dureté initiale

L’adoucissement en surface dépend fortement de la température du moule en fonctionnement. L’adoucissement après 500 cycles à 850°C est ainsi bien supérieur à celui obtenu après 1 000 cycles à 700°C ou 20 000 cycles à 600°C. Sur éprouvettes, la dureté a une influence sensible sur les durées de vie uniquement lorsqu’elle devient supérieure à 47 HRC. En effet, la durée de vie est divisée par un facteur pouvant aller de 3 à 10 suivant la température et l’amplitude de déformation plastique pour une augmentation de 8 points HRC. Sur moule industrielle, l’effet de la dureté est beaucoup moins net car d’autres paramètres se superposent et entre en interactions.

Influence de l’état de surface du moule

Les fissures de fatigue prennent le plus souvent naissance dans les couches superficielles (davantage sollicitées). Ainsi, pour améliorer l’endurance des éléments de moule, il convient d’améliorer l’endurance de ces couches. Dans un premier temps, cette amélioration s’exprime par le choix de la nuance d’acier. Ensuite, l’élévation de la résistance des couches superficielles s’obtient par des traitements de durcissement (carbonitruration en bains de sel, …) et possiblement par le développement de précontraintes de compression.

Les irrégularités de surface se comportent comme des micro-entailles provoquant des concentrations de contraintes dans les couches superficielles les plus chargées. Ces concentrations de contraintes peuvent atteindre un niveau suffisant pour amorcer la fissuration par fatigue et diminuer sensiblement la durée de vie. Il s’agit donc d’éviter de créer des contraintes résiduelles défavorables : contraintes de tension après une gamme de rectification trop sévère. Un polissage mécanique (contrainte de compression) est de ce point de vue plus favorable.

Les sites d’amorçage des fissures

Des études ont mis en évidence les sites d’amorçage préférentiels : ce sont les inclusions et les joints des lattes pour les basses températures  et ce sont les anciens joints de grain de la structure austénitique aux températures élevées (environ 500-600°C). Cependant, les mécanismes d’amorçage sont fortement dépendants de la température d’essai et des effets de l’environnement. En effet, des essais réalisés, sous atmosphère contrôlée, ont montré que l’amorçage aux joints de latte devient prépondérant aux températures élevées. Les effets de l’oxydation semblent enfin jouer un rôle essentiel sur l’amorçage des fissures.

Conclusions

Le vieillissement des outillages n’a pas uniquement une origine purement thermomécanique, mais bien souvent il résulte d’une sollicitation « thermo-physico-chimique » à cause de l’interaction complexe de la sollicitation thermomécanique et d’un environnement oxydant ou corrosif. Ainsi, l’adoucissement d’un acier sollicité cycliquement à chaud est dû à l’effet simultané de la température, du temps, de l’amplitude de déformation mécanique cyclique, de l’environnement et du nombre de cycles. Les effets de l’oxydation semblent jouer un rôle essentiel sur l’amorçage des fissures. L’analyse de la durée de vie d’un moule (zone d’empreinte moulante) en conditions industrielles s’avère complexe car elle dépend de multiples paramètres lié au moule (acier, TTH, usinage, traitement de surface, …, conception), mais également aux conditions d’utilisations (température en surface, gradient thermique en peau de pièce, conditions de préchauffage, choc thermique, …).

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