Influence des inclusions de laitier sur la tenue en fatigue des fontes

Inclusion de laitier dans une fonte - impact sur la tenue en fatigue.

Inclusion de laitier dans une fonte - impact sur la tenue en fatigue.

Dans cet article, nous précisons l’influence des inclusions de laitier situées en surface sur la limite d’endurance d’une fonte GS pour plusieurs modes de sollicitation : la traction-compression alternée (R=-1), la traction ondulée (R=0,1) et la flexion ondulée (R=0,1) quatre-points. En effet, de nombreuses pièces en fonte  GS soumises à des efforts cycliques occupent une place stratégique pour la filière fonderie (traverses d’essieux, moyeux…). Pour tenir compte d’éventuelles imperfections de fonderie sur la tenue en fatigue, le cahier des charges doit l’appréhender, tout autant que le coefficient de sécurité.

Trois classes de défaut d’inclusions de laitier

Les défauts d’inclusions de laitier ont été reproduits de manière contrôlée sur des éprouvettes coulées en fonte GS (C 3,40-3,80 %, Si 2,80-3,30%, S < 0,02 %, Cu<0,10%, Sn<0,01%) à matrice ferritique sans traitement thermique. Les inclusions débouchantes ont été réparties selon trois classes de défaut croissantes : des inclusions de taille comprise entre 0,5 et 1,5 mm, puis des inclusions entre 1,5 et 2,5 mm et enfin des inclusions entre 2,5 et 3,5 mm. A l’issue des tests de fatigue, on a procédé à une caractérisation de la géométrie de l’inclusion par analyse d’images. La profondeur réelle de l’inclusion a notamment été quantifiée précisément.

Profondeur d'inclusion selon la classe sur les éprouvettes en fonte.

Profondeur d’inclusion selon la classe sur les éprouvettes de fatigue en fonte.

Conditions des essais de fatigue et types d’éprouvettes

Les essais de fatigue en traction-compression alternée (R = -1) et ondulé (R= 0,1) ont été réalisés à 30-50 Hz et les essais de flexion ondulée quatre points (R=0,1) à 85 Hz. D’une manière générale, pour chaque catégorie de défaut, 20 éprouvettes ont été testées, réparties entre les méthodes de l’escalier (staircase) et Wöhler avec une limite à 10 millions de cycles. Deux états de surface (usiné et brut) ont été caractérisés. Pour l’état brut, seul un très léger brossage a été utilisé.  Les éprouvettes d’essai possédaient des sections rectangulaires de 18,5 x 12 mm (brut) pour la flexion et de 14 x 7 mm (brut) et de 11 x 4,5 mm (usiné) pour la traction compression.

Résultats en traction-compression

Limite d’endurance en fonction de la profondeur de l’inclusion.

Limite d’endurance en fonction de la profondeur de l’inclusion en traction-compression (éprouvette brute et usinée).

Le comportement en fatigue sous sollicitation alternée (R-1) de la série des éprouvettes usinées montre une forte baisse lorsqu’une inclusion est présente avec la limite d’endurance qui chute de 250 à 130 MPa lorsque l’on passe de la classe de référence (exempte de défaut) à celle de [0,5 – 1,5] ; soit une baisse de moitié environ. On note par ailleurs que l’état de surface usiné offre de meilleures limites d’endurance (de 50 MPa environ) que celui brut de fonderie. Les limites d’endurance obtenues en traction ondulée restent en outre bien supérieures à celles de la sollicitation alternée : le rapport de charge selon les différentes classes étant proche de 1,5 (tableau ci-dessous) .

Rapport des limites d’endurance obtenue.

Rapport des limites d’endurance obtenues en traction ondulée et en traction-compression.

Par contre, pour ce rapport de charge, la droite approximative présente une pente qui est plus forte rapportée à la même gravité de défaut. Par exemple la transition de la classe de défaut [0,5 – 1,5] à [2,5 – 3,5] montre une chute de 53 MPa en traction ondulée (R = 0,1) alors qu’elle atteint 30 MPa en traction-compression (R = -1).

Coefficient de réduction de la résistance à la fatigue lié à l’inclusion

La catégorie des éprouvettes usinées sous sollicitation alternée qui comprend une limite d’endurance de référence permet d’approcher les valeurs du coefficient dynamique de réduction de la résistance à la fatigue en traction compression, noté Kf en fonction d’une inclusion. Cette dernière agit effectivement comme une entaille.

Coefficient Kf dans le cas des éprouvettes usinées.

Coefficient Kf dans le cas des éprouvettes usinées soumises à la traction-compression (R= -1).

Relation entre l’évolution de la limite d’endurance et la taille de l’inclusion

On peut chercher à hiérarchiser l’importance relative de la profondeur par rapport à la surface de l’inclusion. Jusqu’à présent, la relation à la profondeur de l’inclusion a été préférée.
On s’aperçoit que le taux surfacique moyen qu’occupe l’inclusion par classe de défaut est doublé dans le cas des éprouvettes usinées. Or, malgré ce doublement, la limite d’endurance rapportée aux éprouvettes usinées reste supérieure à celles qui sont issues des éprouvettes brutes.

Relation entre la limite d’endurance et le taux surfacique de l’inclusion.

Relation entre la limite d’endurance et le taux surfacique de l’inclusion.

Sur la figure ci-dessus, on observe un glissement des courbes entre les éprouvettes brutes et usinées lorsqu’on les relie à leur taux surfacique (surface de l’inclusion rapportée à la section de l’éprouvette). Par exemple, la classe de défaut [1,5 – 2,5] présente une limite d’endurance qui atteint 98,6 MPa pour l’état brut et 117 MPa pour l’état usiné alors que le taux surfacique du défaut passe de 5,6 % à 11,6%. A noter que l’effet d’entaille produit par l’inclusion est fortement influencé par le rayon au  fond de celle-ci.

Modèle de la limite d’endurance fonction de la profondeur de l’inclusion de laitier en flexion plane (R = 0,1)

Limite d’endurance en flexion plane.

Limite d’endurance en flexion plane fonction de la profondeur des inclusions.

En plaçant les limites d’endurance en fonction de la profondeur de l’inclusion, on remarque une position des points qui s’orientent selon une courbe de type hyperbole. Une chute de 102,7 MPa, soit une baisse de 29% est provoquée lorsque du matériau de référence, on passe à la classe [0,5 – 1,5]. Au delà , la baisse est beaucoup plus faible lorsque la profondeur de l’inclusion s’accroît fortement (variant de 2 à près de 6 mm). On détermine ainsi l’équation de la limite d’endurance.

Modèle de la limite endurance en flexion plane (fonte FGS).

Modèle de la limite endurance en flexion plane en fonction de la profondeur de l’inclusion pour une pièce en fonte GS.

Par ailleurs, on remarque que les résultats portant sur l’état brut se positionnent comme ceux issus de l’état usiné avec néanmoins de plus faibles valeurs. Pour une inclusion profonde de l’ordre de 6 mm, la contrainte de fatigue converge à 160 MPa environ pour les deux états de surface.

Coefficient de réduction de la résistance à la fatigue en flexion plane

Coefficient de réduction de la résistance à la fatigue en flexion plane.

Coefficient de réduction de la résistance à la fatigue en flexion plane fonction de la taille de l’inclusion.

Compte tenu de la limite d’endurance du matériau sain, usiné (351,6 MPa), on calcule le coefficient Kf de réduction de la résistance à la fatigue due à une inclusion en flexion plane. Une évolution inversée du coefficient est notée pour les deux dernières classes.

Construction de diagrammes de Goodman-Smith

On a construit pour la série des éprouvettes usinées de la classe [0,5 – 1,5] un diagramme de Goodman-Smith. Le point d’intersection des deux droites de contraintes maximale et minimale se croisent à l’intersection égale à 433,3 MPa. Cette valeur et la position des points expérimentaux signalent une bonne cohérence dans les essais de fatigue. Pour cette même catégorie de défaut, les résultats portant sur l’état brut ont abouti à une intersection de 424,1 MPa. Le diagramme de Goodman permet de valider la tenue mécanique d’une pièce en fonction des contraintes.

Diagramme de Goodman pour des éprouvettes en fonte usinées

Diagramme de Goodman pour des éprouvettes en fonte usinées classe 05-15 mm.

Synthèses des résultats

En conclusion de cette étude, on peut donc dire que pour les sollicitations axiales, sous sollicitation alternée (R –1), le passage d’un matériau sans inclusion à celui présentant une inclusion de 1,19 mm provoque une chute manifeste de la résistance à la fatigue qui atteint 120 MPa (soit 48%), puis celle-ci baisse de manière moins prononcée pour des défauts croissants.  Aux profondeurs d’inclusions considérées, la limite d’endurance obtenue pour les éprouvettes usinées sous sollicitation ondulée (R 0,1) reste en moyenne 1,5 fois supérieure à celle obtenue sous sollicitation alternée. Les valeurs de résistance à la fatigue relatives à l’état usiné dépassent dans tous les cas ceux résultant d’un état brut et ce malgré un doublement du taux surfacique du défaut. Enfin, du point de vue de la tolérance au défaut de ce type, on note qu’elle est très limitée puisque la zone d’infléchissement correspond approximativement à un défaut de moins de 1 mm de profondeur.

Concernant la sollicitation en flexion plane ondulée (R=0,1), on a confirmé une évolution de type hyperbole (dans le domaine expérimenté) entre la profondeur de l’inclusion et la résistance à la fatigue. C’est-à-dire que la limite d’endurance décroît rapidement pour les petites inclusions puis baisse lentement pour celles qui sont plus grandes. Une inclusion de 0,7-0,8 mm de profondeur fait chuter la limite d’endurance du matériau exempt de défaut de 29 %. Comme pour la sollicitation axiale, on estime que l’infléchissement de la courbe (délimitant un domaine de forte chute d’un domaine de lente diminution de la tenue en fatigue) intervient pour une inclusion d’environ 1 mm de profondeur.

Tolérer ou non des inclusions

Selon les exigences de tenue en service ou de prix de revient, deux positions industrielles peuvent être adoptées (résultat de l’évolution de type hyperbolique de la limite de fatigue en fonction de la gravité de l’imperfection). Soit on ne tolère pas d’imperfections de fonderie en vue d’optimiser le composant et son dimensionnement. Dans ce cas, un contrôle strict sans tolérance possible est exigé notamment dans les zones les plus sollicitées mécaniquement. Soit on tolère des imperfections de fonderie en connaissance de cause c’est-à-dire en ajustant le coefficient de sécurité. Dans ce cas, la qualité des produits est encadrée par des limites d’acceptation clairement définies entre le sous-traitant et le donneur d’ordres.

Remerciements à notre partenaire Renault qui a notamment pris en charge les essais de fatigue.

5 commentaires

  1. A.MONTMARTIN dit :

    Bonjour,

    Bravo pour arriver à reproduire des défauts d’inclusions de laitier de manière contrôlée sur des éprouvettes coulées en fonte GS!! En production, nous avons bien du mal, non pas à les reproduire (sic), mais à les contrôler (re-sic)…
    Trêve de plaisanterie. Encore une étude pragmatique et complète, mais qui demandera une lecture studieuse pour en retirer la substantifique moelle.

    Cordialement

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Andre. Merci pour votre interet soutenu pour cet article de Metalblog. Au dela des fontes GS et des inclusions de laitier, la quantification de l’impact des imperfections de fonderie sur les performances mecaniques est un thème de R&D important. L’enjeu : dimensionner les pieces et les produire à la juste qualité.

      • André MONTMARTIN dit :

        Bien d’accord sur le constat : déjà fait de manière souvent impromptue ou empirique, par ceux qui nous ont précédé, mais sans le formalisme et la rigueur d’étude ici présentée.

        Maintenant, il importe de passer à l’aspect pratique et aux conseils avisés, afin que les fondeurs puissent connaitre et intégrer dans leur pratique quotidienne, les réelles mesures adaptées pour ce faire. Et ce n’est surement pas le plus évident.

  2. cafe rule dit :

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