
Inconel 718 - super alliage base nickel pour applications à haute température.
Les Inconel®, bien que moins connus que les alliages d’aluminium ou de titane, n’en constituent pas moins des alliages à très hautes caractéristiques mécaniques incontournables dans certaines industries (aéronautique, …). L’Inconel® 718 est le leader de cette famille d’alliage.
L’Inconel® 718
Inconel®, c’est la désignation commerciale donnée par Special Metal Corporation à un groupe d’environ 25 alliages. Parmi eux, l’Inconel® 718, un superalliage avec des caractéristiques exceptionnelles. Il possède tout d’abord une excellente résistance à la corrosion, d’où son utilisation dans les secteurs maritimes et nucléaires. Ensuite, ses caractéristiques mécaniques à l’ambiante et à chaud sont très bonnes comparées aux caractéristiques mécaniques d’autres alliages. Ainsi, à l’ambiante la résistance mécanique de l’Inconel® 718 est plus de deux fois supérieure à celle de l’acier CK45 et à chaud l’Inconel® 718 reste rigide jusqu’à 700°C.

Caractéristiques mécaniques comparées de différents alliages.
Les marchés de l’Inconel® 718
L’Inconel® 718 , à lui seul, représente 70% du tonnage produit des pièces en super alliages bases nickel. Il est principalement utilisé pour des marchés avec de fortes exigences techniques et de forts coefficients de sécurité comme l’aérospatial ou l’aéronautique.

Evolution du marché des alliages base nickel.
Evolution du marché des super alliages
Le marché mondial des super alliages devrait connaître un taux de croissance annuelle moyen de 8.9% sur les 7 prochaines années (selon une étude réalisée par la société Lucintel). Le marché passerait donc de 4.1 millions à 7.6 millions de dollars. Ce marché est donc en bonne santé et tend même à devenir de plus en plus lucratif. Le marché doublerait ainsi en faisant la part belle aux bases nickel. En 2016, les alliages base nickel représentaient ainsi la moitié du marché des superalliages. Il est prévu qu’en 2023, non seulement ils maintiennent leur dominance aéronautique, mais qu’en plus cette dernière augmente. L’écart se creusera alors avec les bases fer et les bases cobalt qui eux stagnent.
Les turbines à gaz terrestre
Selon l’International Nickel Study Group, le second plus important marché des superalliages de nickel, derrière l’aéronautique, se trouve dans la fabrication de turbines à gaz industrielles utilisées dans la génération d’électricité et dans la propulsion marine. Les turbines à gaz industrielles sont disponibles sur toute une gamme de dimensions avec une évolution vers la fabrication de plus petites pièces. Le marché des turbines à gaz industrielles pourrait être tiré par le développement et l’exploitation du gaz de schiste et la bonne santé de l’industrie pétrolière et gazière offshore dans le monde entier. Le marché des turbines à gaz industrielles pour l’industrie de la marine restera stable (les nouveaux navires commerciaux ou militaires remplaçant les anciennes flottes).
La microstructure très particulière de l’Inconel® 718

Diagramme TTT d’un Inconel® 718.
Il faut regarder du côté de la microstructure si l’on veut comprendre d’où l’Inconel® 718 tire ses performances. L’Inconel® 718 possède en effet une matrice nickel austénitique ϒ composée d’un réseau Cubique Face Centrée (CFC). Dans cette matrice sont présents des précipités intermétalliques ϒ’ Ni3 (Al – Ti). Ces précipités intermétalliques possèdent une résistance mécanique qui augmente jusqu’à dépasser une température critique TC, alors que la résistance de la matrice ϒ ne fait que décroître. Les précipités sont également CFC et leur maille atomique est très proche de celle de la matrice, ce qui permet une cohérence entre ϒ et ϒ’, à laquelle on doit la bonne résistance à chaud des Inconel® 718.
Les composés intermétalliques ϒ’ font partie des phases « durcissantes » des superalliages base nickel. Parmi ces phases on trouve également des carbures (MC, M6C, M23C6, …), des borures (M3B2) et des oxydes (Y2O). Les proportions de cobalt et de niobium sont suffisantes dans l’Inconel® 718 pour qu’il existe une deuxième forme de précipité intermétallique : la phase ϒ’’ Ni3Nb. Cette phase est quadratique centrée ou orthorhombique. L’Inconel® 718 a la particularité d’être principalement durci par la précipitation de cette phase ϒ’’. Ces phases durcissantes bloquent le glissement intergranulaire, responsable de la déformation par fluage, en se plaçant dans les joints de grains.
La composition chimique de l’Inconel® 718
La composition standard d’un Inconel® 718, selon la norme UNS N07718, contient majoritairement du nickel (50-55 %) suivi d’une forte proportion de chrome (17-21 %), puis de fer (15-21 %) et des éléments d’addition en plus faible proportion (niobium, molybdène, titane, aluminium).

Composition chimique Inconel® 718 (Ni 50-55 %, Cr 17-21 %, Fe 15-21 %, Nb 4,75-5,5 %, Mo 2,8 – 3,3 %, …).
L’influence des éléments d’alliages dans les superalliages base nickel
La grande variété des nuances de superalliages base nickel vient des différents éléments d’addition possibles. Certains consolident la matrice ϒ par effet de solution solide : Fe, Co, Ni, V, Cr, Mo, W, Re, Hf, Y. D’autres, comme Al, Ti, Nb, et Ta participent à la formation de phase ϒ ou ϒ’’ (Ni3X). Pour finir les éléments B, C et Cr ségrégent aux joints de grains. Beaucoup d’alliages base nickel contiennent de petites quantités d’aluminium, de titane, de niobium, de molybdène et de tungstène pour améliorer la résistance à la corrosion des alliages.
Plus précisément : le chrome apporte également une résistance à l’oxydation, le molybdène et le tungstène forment de carbures M6C, le niobium et le tantale précipitent de phase ϒ’’ et forment des carbures MC, le titane est ϒ -gène et forme des carbures MC, l’aluminium précipite de phase ϒ -Ni3 (AI,Ti) et retarde la formation de Ƞ-Ni3 Ti et enfin le bore et le zirconium améliorent la ductilité et retardent la formation de la phase Ƞ. Ces éléments d’alliage, onéreux, conduisent à un coût de matière première relativement élevé, compatibles avec des applications à forte valeur ajoutée (aéronautique, spatial, …).
Le procédé d’élaboration des billettes d’Inconel® 718
Pour que l’Inconel® 718 puisse atteindre les caractéristiques attendues, le procédé d’élaboration de la billette se déroule en 3 grandes étapes. La première étape est l’élaboration et la coulée d’un lingot sous vide à l’aide d’un four VIM (Vacuum Induction Melting). Ces lingots cylindriques serviront d’électrodes pour les fusions secondaires (VAR/ESR). La fusion par induction sous vide permet de minimiser les teneurs en carbone et en oxygène et de maîtriser la composition chimique, mais pas de contrôler la structure de solidification.

Schéma de principe d’un système VAR (Vacuum Arc Remelting).
Les fusions secondaires sont réalisées par le procédé VAR (Vacuum Arc Remelting). L’électrode consommable produite par le VIM est à nouveau fondue sous vide pour produire un lingot secondaire. Dans le principe, c’est un arc électrique généré grâce à un courant continu entre l’électrode et le haut du lingot secondaire qui fait tomber de petites gouttes de métal de l’électrode.
Ces gouttes tombent et se solidifient au niveau du creuset en cuivre pour former le lingot secondaire. Le procédé VAR permet d’améliorer la propreté inclusionnaire ainsi que l’homogénéité chimique et physique.

Schéma de principe d’un ESR Electroslag Remelting (Source knise sop ).
Enfin, le procédé ESR (ElectroslagRemelting), qui correspond à la troisième fusion, s’appuie sur un système électromécanique, dans lequel la chaleur de refusion est générée lorsqu’un courant électrique traverse le laitier synthétique ajouté (effet Joule). Le laitier a une capacité d’affinage importante, en éliminant les inclusions non métalliques lorsque les gouttes fondues le traversent. Le système est complété par un moule refroidi à l’eau, affinant la structure de solidification de l’alliage refondu. Par conséquent, tous les phénomènes métallurgiques dans le procédé ESR conduisent à produire un lingot avec un niveau de ségrégation réduit et une excellente microstructure de coulée.
La triple fusion VIM+ESR+VAR permet de combiner les avantages respectifs des procédés. Cependant elle augmente le coût global de fabrication et c’est pourquoi elle est uniquement employée pour des applications critiques comme l’aéronautique et l’aérospatial.
Les procédés de transformation à chaud de l’Inconel® 718
Deux procédés peuvent être utilisés pour mettre en forme les superalliages de nickel et en particulier l’Inconel® 718 ; le forgeage et la fonderie en cire perdue. Les alliages avec peu de précipités ϒ’ (<50 %) ont une résistance importante qui diminue brutalement au-delà d’une température d’autant plus élevée que la fraction de ϒ’ est importante. Ces alliages sont adaptés au forgeage standard ou « Hot Die » (matrice chaude). A contrario, les alliages avec une fraction volumique de γ’ plus grande (60 à 80 %) voient leur résistance mécanique augmenter jusqu’à 1100°C. Ces alliages ne sont plus forgeables et seront mis en œuvre en fonderie de cire perdue.
Du point de vue du fluage, la résistance est plus particulièrement liée à la résistance des joints de grain. Or, les superalliages élaborés de manière conventionnelle possèdent des joints de grains qui vont donc altérer les propriétés mécaniques à haute température à cause du glissement intergranulaire. Cet inconvénient a été supprimé, en fonderie de cire perdue, grâce à la solidification dirigée (grains colonnaires, dont l’axe est dirigé parallèlement à la contrainte), puis par la solidification monocristalline (un seul grain dans toute la pièce).
Conclusions
Le marché des superalliages est en bonne santé économique et tend à augmenter en termes de tonnage. Si le principal secteur porteur est bien l’aérospatial, les turbines à gaz industrielles sont de plus en plus présentes sur le marché et de nouveau secteur comme le solaire ou la verrerie font leur apparition. L’Inconel® 718, principal superalliage base nickel utilisé, peut être mis en forme soit par forgeage, soit par fonderie cire perdue (avec si besoin une structure colonnaire ou monocristalline).
Magnifique ! Le commun des mortels ne peut ,malheureusement pas l’imaginer.
Bonjour Patrick. Les super-alliages sont effectivement beaucoup moins connus du grand public que l’acier, l’aluminium ou la fonte par exemple qui composent les objets du quotidien ou du mobilier urbain et dont le tonnage est tres important.
L’Inconel 718, C’est un peu la « Marilyn Monroe » des alliages refractaires ! ? intemporel et toujours aussi efficace !
…et puis, c’est à peu de chose près à la même période qu’il a été développé ! La même année que « certains l’aiment chaud ! », 1959 (un signe ?…pour un alliage résistant aux hautes températures ! ?)
Un peu d’histoire à découvrir avec le lien ci-dessous :
https://www.tms.org/Superalloys/10.7449/1989/Superalloys_1989_269_277.pdf
Bonjour David. Votre reference à Marilyn nous a bien fait poêler (pour « filer la metaphore » comme on dit). Et merci pour votre lien historique et tres intéressant.
Très bonne soudabilité malgré un bain éblouissant.
Bonjour Bruno et merci pour cette précision sur la soudabilite de l’Inconel.
Et très utilisé en fabrication additive
Bonjour Samuel. Effectivement, l’Inconel 718 est tres utilise en fabrication additive lit de poudre. En attendant sans doute des alliages specifiquement développés pour cette technologie en forte progression en particulier dans l’aéronautique (mais pas que).
bonjour,
j’ai des anneaux toriques à réaliser en Inconel 718.
Est il possible de mouler cette matière?
cordialement.
Bonjour. Oui tout à fait
Bonjour, quelle norme ou publication conseillerez-vous de lire pour quelqu’un cherchant à se documenter sur les caractéristiques en fluage de ce super alliage (couples température – durée de chargement marquant la frontière entre le domaine du fluage négligeable et celui du fluage significatif ; lois de comportement en fluage primaire et secondaire etc.) ? Merci !
Bonjour,
Voici quelques sources:
– Metallic Materials properties development and standardization (MMPDS)
– ASM Handbook (volume 2)
– la data sheet de l’inconel 718 de Special Metals
Nicolas
Bonjour Nicolas et merci de ces sources sur l’Inconel 718
Bonjour,
Sur ce point la fonderie S+C a également fait de belle avancé sur les micros alliants pour améliorer les caractéristiques de fluage à hautes températures.
Les axes sont bien décrit dans cet article :
– les précipités intermétalliques de carbures
– les phases intergranulaires
– la génération d’oxydes de différentes natures
Merci pour cet article qui m’a permis de retrouver tous ces concepts décrits dans une source de manière claire et précise
Bonjour et merci de votre intérêt pour notre article sur l’Inconel 718.