
Loi de comportement elasto-plastique d'une fonte FGS.
Des surcharges ponctuelles et répétées dans le temps, rencontrées en service sur de nombreuses pièces en fonte, conduisent à des contraintes et des déformations qui ne peuvent pas être décrites par un modèle élastique. Ces sollicitations cycliques nécessitent la prise en compte du comportement élasto-plastique du matériau. La loi élasto-plastique pour la fonte EN-GJS-500-7 a tout d’abord été appréhendée expérimentalement puis a fait l’objet de calculs de structures (RDM et éléments finis sous MARC avec plusieurs lois de comportement) afin de prédire le plus précisément possible le comportement mécanique d’une poutre en T, soumise à de fortes charges cycliques.
Les pièces en fonte sollicitées au-delà de leur limite d’élasticité

Plaque de voirie en fonte moulée soumis à des surcharges.
De nombreuses pièces en fonte sont sollicitées de manière cyclique. Ainsi, les plaques de voirie, pour lesquelles la norme EN 124 prévoit une éventualité de surcharges, conduisent à une déformation plastique permanente mais maîtrisée. Le critère de conformité exige par exemple une déformation (flèche), située au centre de la plaque, demeurant inférieure à 1/100 (ou 1/300 de la côte de passage), après 5 mises en charge et à 2/3 de la force maximale exigée. Mais bien d’autres pièces telles que des leviers ou supports en fonte GS peuvent également supporter des surcharges occasionnelles d’où l’importance de bien intégrer ce type d’endommagement. Une étude a donc été conduite sur une poutre en T moulée en sable.
Éprouvette en T

Microstructure en zone située près du sommet de la nervure de la fonte GS.
La poutre en T, représentative de l’élément géométrique simple constitutif des plaques de voirie, est en fonte GS EN-GJS-500-7, a un allongement à rupture de 4% pour une limite élastique de 380 MPa en traction monotone. Lors de l’écoulement plastique, le module de Young (168 GPa) demeure peu modifié contrairement à la limite élastique qui varie significativement. L’examen de la microstructure a montré que les nodules de graphite étaient majoritairement de forme VI (avec parfois des nodules de forme V) avec des dimensions réparties entre les tailles 6 et 7 (ISO 945). La dureté mesurée varie selon les éprouvettes de 216 à 236 HB.

Déformation élastique et plastique de la fonte GS.
La caractérisation physique impose de bien découpler les composantes élastique et plastique dans le graphe (σ, ε) du matériau soumis à de fortes charges. On a alors une déformation totale, somme de la déformation élastique réversible et d’une déformation plastique irréversible.
Détermination expérimentale du comportement plastique – effet Bauschinger

Boucle expérimentale pour identification du modelé d’écrouissage.
Des boucles (σ, εp) en traction –compression ont été provoquées de manière à mettre en évidence l’écrouissage cyclique du matériau. Compte tenu du faible allongement de la fonte de l’ordre de 4 à 7%, les cycles à déformation plastique imposée ont été répétés 4 à 5 fois. Le premier chargement est effectué en commençant par la traction. Les éprouvettes d’essai ont été tirées près du raccord en T de l’éprouvette. Lors de la première mise en charge, la transition élastique–plastique est bien marquée. Mais pour les cycles suivants, en particulier pour la phase de traction, les points (σ, ε) s’alignent selon une allure plus courbe. Le seuil de plastification est moins net et visiblement abaissé. Pour cette raison, la transition élastique-plastique des boucles a été déterminée par convention, au point d’intersection avec une droite sécante passant à 0.1% d’allongement. En compression, la partie élastique demeure plus rectiligne.

Évolution des crêtes de contrainte à déformation imposée.
L’écoulement plastique répété a conduit à une augmentation sensible de la charge pour introduire une nouvelle déformation plastique, résultat de l’écrouissage (multiplication des dislocations). On remarque également que la déformation : -/+ dL symétrique, est associée à des contraintes de compression qui sont plus élevées que celles de traction. La contrainte moyenne est par conséquent non nulle. A contrainte imposée, ce comportement conduit à un effet de rochet comportant une translation dep , nommé effet Bauschinger. Comme souvent pour les matériaux métalliques courants, la répétition des cycles de fatigue provoque au fur et à mesure la disparition de la dissymétrie, résultat de la relaxation des contraintes résiduelles. C’est cette hypothèse qui a été retenue dans ce cadre avec par conséquent la disparition de l’effet de rochet.
Identification d’une loi d’écrouissage cinématique non linéaire
Sur la base de ces essais à écoulement plastique imposé, les lois d’écrouissage ont été recherchées. Les coefficients k, C et γ de la loi d’écrouissage ont été déterminés (k = 322 MPa, C = 45825 et γ = 235) sur la base d’un modèle d’intégration plus simple où les contraintes en traction et compression tendent vers un même niveau après multiplication des cycles. Cette échéance a été extrapolée à 10 cycles.
Chargement statique
Un premier chargement monotone a permis de déterminer le niveau de la déformation totale en fonction de l’effort, et de situer la transition élastique plastique. La déformation varie de manière assez linéaire. A 35 kN, la flèche est de 1 mm environ. Puis lorsque la charge atteint 75 kN, elle atteint une valeur de l’ordre de 2,4 mm.
Montage d’essais de fatigue sous forte charge

Montage d’essai de fatigue sous forte charge d’une fonte.
Le montage d’essai de fatigue en flexion plane ondulée possède des appuis, distants de 280 mm, constitués de rouleaux afin de réduire les frottements, en raison de la déformation importante de la poutre en T. Le contrôle de la déformée élastique et plastique a été réalisé par capteur et micromètre.

Premiers cycles de déformation en flexion plane sous 75 kN.
En flexion plane ondulée, les premières surcharges répétées provoquent une déformation importante qui par la suite décroît très rapidement. Ce phénomène résulte de l’écrouissage et du durcissement cyclique du matériau. De sorte qu’il contribue à modifier sa limite élastique, en particulier localisée au sommet de nervure, endroit des fibres les plus tendues. Lors du relâchement de la charge et ce à échéances successives, on note une flèche résiduelle très importante à 5 cycles (1 mm), qui tend vers une valeur stabilisée à 30 cycles de 1,25 mm.
Analyse des essais en fatigue oligo-cyclique

Déformation plastique fonction du nombre de cycle en fatigue.
La déformation plastique à rupture varie notablement selon l’éprouvette, entre 0,85 et 2,15 mm. De même, la durée de vie à rupture s’échelonne de 1900 à 10 000 cycles, ce qui traduit une forte dispersion du comportement des poutres. Il semble qu’une tendance soit observée entre la durée de vie et la déformée à rupture. De sorte que plus la déformée plastique diminue, plus la durée de vie est prolongée. A ce stade, néanmoins, on retiendra la forte dispersion. Deux poutres présentent une déformation anormalement élevée – de l’ordre de 2,15 mm – qui pourrait s’expliquer par une fissuration située sous le poinçon, quasiment à mi-longueur de l’éprouvette en T. Pour ces 2 poutres, la rupture n’a pas eu lieu à l’échéance du test.
Examen du faciès de cassure des éprouvettes en T

Faciès de rupture en fatigue – fissuration en haut a gauche.
La fissuration progressive, localisée en tête de nervure, montre de manière plus ou moins marquée une délimitation en «coup d’ongle». Cette dernière sépare la surface à rupture brutale, lors de la ruine de la poutre en T, de celle liée à la fissuration progressive. La fissure qui s’étend avant rupture avec une forme semi-circulaire atteint une hauteur 7 à 9 mm depuis le sommet. A ce stade, la poutre en T se rompt brutalement sous la contrainte.
95.5% des ruptures occupent une section positionnée à une distance de 60 à 115 mm et située en moyenne à 88 mm d’un des appuis de la poutre. Pour rappel, les bords du poinçon se placent à 65 mm au droit des appuis de la poutre. Par conséquent, la zone de cassure se superpose correctement à la zone de contrainte maximale. Seules, deux poutres en T se sont rompues en dehors de ces positions vers le centre (130 mm), mais à chaque fois elles comportaient un défaut assez important à mi- longueur.
Facteurs d’influence liés à la qualité du métal et à la microstructure
La majorité des fissures de fatigue ont été initiées à proximité ou dans l’un des angles (r=1) formant le sommet de la nervure. A cet endroit, un examen macroscopique a révélé, dans 75% des cas, la présence d’une petite inclusion ou porosité. Ces défauts, en relation avec des durées de vie plus courte, ont initié précocement la fissure. Le rayon de l’angle est important car dans une autre série de test en fatigue, la mise en place d’un rayon plus important a permis d’augmenter la durée de vie de l’éprouvette.
La microstructure localisée au sommet de la nervure a également un rôle important. Or, à l’extrémité de cette nervure, la proportion de ferrite peut décroître significativement vers un taux compris entre 15 et 20 %. Cette situation entraîne probablement une variation de l’allongement en déformation. Sur la base de cette étude, aucune tendance n’apparaît clairement. Quelques rares cas ont montré aussi la présence de quelques aiguilles de cémentite qui, par leur manque d’accommodation à l’écoulement plastique, conduisent très vite à la formation d’une fissure principale.
Les calculs RDM

Données d’entrée du calcul de RDM.
Le calcul de Résistance des Matériaux (RDM) a permis de comparer les résultats du code de calcul éléments finis MARC avec la solution analytique (issue de la RDM), afin de valider les hypothèses de mises en données (maillage, conditions limites et chargement). La flèche calculée maximale, obtenue par intégration des moments fléchissants M(z), est de 1,38 mm au centre de la poutre.
Les calculs statiques linéaires

Maillage du quart de poudre – code MARC.
Nous avons effectué, en parallèle, les calculs correspondants en statique linéaire avec le code de calcul par éléments finis MSC.MARC avec un maillage comportant 2270 nœuds et 1488 éléments hexaèdres. La symétrie des chargements et de la géométrie autorisent la modélisation d’un quart du modèle.

Comparatif de la flèche avec RDM (courbe bleue) et code MARC (rouge).
Le niveau de contraintes maximum qui atteint 655 MPa, est localisé à la verticale de la zone d’application de l’effort, soit exactement le niveau calculé avec le modèle RDM. Cette étape a permis de valider la mise en données et le maillage, afin de s’assurer de la représentativité du modèle. Les contraintes obtenues étant largement supérieures à la limite élastique sous chargement de 75 kN, l’étape suivante consiste à faire l’hypothèse d’un calcul élasto-plastique.
Les calculs en élasto-plastique

calcul MARC – courbe contraintes déformations plastiques stabilises.
Les calculs ont été réalisés avec les données matériaux de la fonte suivants : module d’Young 168 000 MPa, coefficient de Poisson 0,3, Rp0.2 de 322 MPa, Rm de 517 MPa, allongement de 7 %. Le comportement du matériau choisi pour la fonte est élasto-plastique. L’écrouissage est dit isotrope, ce qui suppose en cas de dépassement de la limite élastique, une variation de la limite élastique identique en traction et en compression.

Contraintes sous charge maximum.
La courbe de traction stabilisée isotrope permet une meilleure représentativité du comportement de l’écrouissage cyclique par rapport à une courbe de traction monotone.
Ainsi sous 75 kN, on observe un dépassement de la limite élastique sous chargement maximum (458 MPa). On note également la présence de contraintes résiduelles négatives après relâchement de l’effort, d’un niveau compris entre –174 à –150 MPa en sommet de nervure. La poutre se situe alors dans un nouvel état d’équilibre, avec un champ de contraintes résiduelles équilibré et la géométrie est déformée de manière permanente, avec une flèche résiduelle de 0,61 mm.
Évolution de la contrainte dans la section de la poutre fonction du modèle utilisé

Évolution de la contrainte dans la section.
L’évolution de la contrainte dans la section de la poutre est très dépendante du modèle de calcul utilisé. Avec la RDM traditionnelle, l’évolution demeure linéaire, avec des contraintes de compression localisées à la surface supérieure et des contraintes de traction situées en sommet de nervure. En mode plastique, par contre, le calcul sous chargement maximal montre une évolution non-linéaire des contraintes de compression en surface vers un état de contraintes de traction en sommet de nervure. Les contraintes évoluent de manière analogue à la courbe de traction du matériau. Après retour élastique, l’état de contraintes résiduelles s’équilibre de manière très différente, avec la particularité d’être en compression en sommet de nervure. Afin de prendre en compte un éventuel écrouissage non-isotrope, les calculs suivants ont été effectués avec une loi de Chaboche. Elle permet d’intégrer en plus un comportement purement cinématique, ce qui signifie qu’en cas de dépassement de la limite élastique, le seuil d’écoulement plastique en traction augmente et celui en compression diminue de la même valeur.
Une stabilisation de la flèche au bout de quelques cycles

Évolution de la flèche – calcul MARC.
On observe une stabilisation de la flèche au bout de quelques cycles. Dans notre cas, l’effort est ondulé, ce qui ne permet pas de mesurer une différence de comportement en compression par rapport à un comportement isotrope. L’ajout d’une fissure centrale de 4 mm en sommet de nervure n’augmente pas la flèche résiduelle obtenue, toutes choses égales par ailleurs. Ce résultat ne recoupe pas les deux constatations expérimentales, qui présentent une flèche anormalement élevée. En effet, le calcul ne permet pas de prendre en compte l’avancée de fissure sous charge.
Des résultats numériques et expérimentaux assez proches

calcul MARC de la flèche en fonction du type de modèle.
Sous charge de 75 kN et au premier cycle, les essais expérimentaux montrent une flèche de 2,4 mm alors que les résultats de calcul lors du premier cycle montrent une flèche allant de 1,94 à 2,19 mm selon le modèle utilisé. Au bout de quelques cycles, la flèche résiduelle se stabilise autour de 0,76 mm à 0,97 mm selon le modèle. Les flèches les plus importantes sont données par les modèles 2 et 3.

Contraintes uni axiales selon le type de modèle utilisé.
Ces valeurs calculées sont à comparer avec les valeurs expérimentales se stabilisant à 1.25 mm au bout de 30 cycles et se situant en général entre 0.8 et 1.5 mm lors de la rupture en fatigue. Lors des essais en fatigue, la flèche varie entre le moment des premiers cycles de charge et celui de la rupture en moyenne de 0.35 mm. Globalement, le recoupement entre calculs par éléments finis et expérimental est assez satisfaisant. Il semble que la variation de la flèche est mieux décrite en tenant compte d’un modèle qui intègre le comportement d’écrouissage cyclique isotrope et cinématique combiné.
Resserrer les dispersions de qualité pour mieux maîtriser la tenue en service
La caractérisation plastique en cycles répétés d’une fonte GS perlito-ferritique n’est pas aisée en raison de son faible allongement. Aussi ces essais à déformation imposée, contribuent à mieux déterminer le comportement de ce type de matériau, en particulier la transition élastique-plastique sous forte charge. Par ailleurs, la fatigue oligo-cyclique qui met en évidence une dispersion importante en durée de vie et en flèche résiduelle, souligne l’importance pour les pièces moulées soumises à des surcharges de resserrer la dispersion en termes de microstructure perlito-ferritique, de santé matière et de dimensionnel.
Le sommet de la nervure joue à ce titre un rôle déterminant et mériterait une exigence spécifique. L’intégration d’une loi élasto-plastique dans la simulation contribue à mieux approcher le comportement réel sous fortes charges et en particulier l’évolution des contraintes résiduelles, participant à l’histoire mécanique. Les essais et calculs montrent ainsi que la flèche résiduelle a tendance à se stabiliser rapidement au bout de 20 à 30 cycles.
Bel article qui reprend les aspects microstructures, essai mécanique et calcul numérique appliqué à une fonte.
Super !
Bonjour Frank et merci de votre commentaire. Notre projet couple en effet le numérique et l’expérimental. Comme vous, nous aimons bien cette double approche.
Merci pour cet article que j’ai lu avec intérêt dans le cadre d’un litige que nous avons abordé ensemble: je cherchais la différence de résistance entre traction et compression pour une fonte GS…
Bonjour GAURY Jean-Pierre,
J’aurais un exemple à vous soumettre si vous le voulez bien concernant un regard de trottoir étudié a la fonderie de pont à mousson il y a quelques années.
Je n’arrive pas à avoir la seconde approche que vous maîtriser ( application numérique ) .