La spectrométrie par étincelle pour mesurer la composition chimique

Spectrométrie par étincelle.

Spectrométrie par étincelle pour mesurer rapidement la composition chimique d'un alliage.

Dans le cadre des essais de laboratoire, la détermination de la composition chimique par spectrométrie d’émission optique à source étincelle est un essai rapide et simple à mettre en œuvre pour valider la conformité d’une pièce par rapport à une norme produit ou une spécification particulière ou pour en connaitre la nature. Cette technique est par ailleurs très couramment utilisée dans l’industrie.

Analyser un pion lors de la coulée d’une pièce

Pion spectro pour mesure de la composition chimique.

Pion spectro pour mesure de la composition chimique.

Les spectromètres actuels ont des tailles assez variables : du pistolet portatif au spectromètre couplé à un robot et occupant une pièce entière, en passant par l’appareil de paillasse. L’analyse s’effectue sur un échantillon massif après préparation de la surface soumise à essai : par meulage, dressage au tour, voire polissage. L’importance de cette préparation est non négligeable dans la qualité des résultats obtenus. Un cas typique consiste à pratiquer l’analyse d’une médaille ou d’un pion obtenu à l’issue de la coulée d’une pièce. Cet échantillon peut aussi être obtenu par refusion d’une partie de pièce, et dans ce cas certains des éléments peuvent disparaitre en tout ou partie selon la température de fusion.

Le principe de la spectrométrie étincelle

Excitation d un atome - spectrométrie a étincelle.

Excitation d un atome – spectrométrie a étincelle.

La spectrométrie étincelle repose sur le principe de l’émission d’énergie lumineuse produite par un échantillon métallique à la surface duquel on applique un courant. Celui-ci est obtenu par l’utilisation d’un générateur d’arc ou étincelle. Au niveau du statif d’étincelage (table de Petrey), le matériau étant conducteur, il est placé entre l’anode (en tungstène) et la cathode. Une décharge d’étincelles crée un plasma formé par le passage d’argon au voisinage des deux électrodes entre lesquelles on applique une tension électrique.

Cela permet aux électrons des atomes présents de passer des couches électroniques les plus proches du noyau aux couches périphériques les plus éloignées. Au niveau de l’échantillon, cet apport d’énergie (température d’environ 3000°C) conduit à une fusion de la surface. La matière soumise à la décharge à étincelles est vaporisée, atomisée et ionisée et les atomes la composant excités dans le plasma. On observe la formation d’un cratère qui se resolidifie.

Deux sortes de conditions d’excitation étincelle et arc sont possibles ; la première plus énergétique permet de mesurer les raies ioniques tandis que la seconde est utilisée pour les raies atomiques. L’énergie d’excitation requise s’exprime par la formule E = hc/λ où « h » est la constante de Planck, « c » est la vitesse de la lumière et où λ est la longueur d’onde considérée. En revenant à l’état stable, les électrons émettent des photons, soit une énergie lumineuse caractéristique de chaque atome et proportionnelle à la quantité de l’élément dans l’échantillon.

Energie des niveaux des atomes - spectrométrie étincelles.

Energie des niveaux des atomes – spectrométrie étincelles.

Quantifier la composition chimique d’un matériau en la comparant à un matériau de référence (MRC)

Zone de mesure du spectromètre

Zone de mesure du spectromètre – passage de courant entre 2 électrodes – MRC de calibration de l’alliage – aluminium.

On comprend donc qu’il est possible de quantifier la composition d’un échantillon en le comparant aux différentes énergies lumineuses émises par une série d’échantillons de compositions connues. C’est le principe de la mise en place d’un programme analytique par spectrométrie étincelle : on pratique l’acquisition des intensités lumineuses de tous les éléments présents dans une série de Matériaux de Référence Certifiés (MRC). Ces échantillons appartiennent à une même famille d’alliages et les teneurs des éléments sont certifiés et comportent des écart types.

L’énergie lumineuse émise par l’échantillon se présente comme une lumière polychromatique ou spectre d’émission composé de l’ensemble des énergies lumineuses émises par les éléments qui composent le matériau. Dans le système optique, cette lumière polychromatique va, à travers une lentille d’entrée, être émise vers un réseau qui va séparer celle-ci en ses différentes composantes (ou lumières monochromatiques). En spectrométrie d’émission, on peut mesurer environ 70 éléments sur les différentes raies spectrales, entre 120 nm et 800 nm – de l’ultraviolet au visible –  selon le réseau concave installé. Les raies les plus sensibles se trouvant entre 320 et 450 nm.

Une énergie lumineuse transformée en signal électrique

A l’aide d’une fente correctement positionnée, on obtient le maximum du pic de lumière émise et on mesure son intensité (sommet du pic ou intégration de celui-ci) grâce à des photomultiplicateurs (PM) ou des capteurs CCD (Charged Couple Device), les deux dans le cas des spectromètres hybrides. Selon le type d’appareil, l’analyse des différentes énergies lumineuses peut s’effectuer de façon séquentielle ou simultanée. Le système optique est soit maintenu en permanence sous vide, soit balayé par un gaz neutre de type azote pour éliminer l’oxygène perturbateur des faibles longueurs d’ondes. A ce stade, l’énergie lumineuse envoyée sur les PM ou sur les capteurs CCD est transformée en signal électrique. Le travail consiste ensuite à construire des courbes pour chaque élément présent à l’aide des intensités obtenues en fonction des concentrations connues et certifiées.

Un étalonnage initial et des corrections en cours de vie du programme

Pilotage et visualisation des résultats du spectromètre par étincelle.

Pilotage et visualisation des résultats du spectromètre par étincelle.

Plusieurs étapes à ce stade sont nécessaires : le choix des raies d’analyse les plus pertinentes, les corrections d’interférences des éléments entre eux, le calcul des courbes de régression et des limites basses et hautes de quantification. Sachant que les intensités obtenues sont à chaque fois la somme du fond spectral et instrumental ou bruit de fond et de l’énergie de l’élément considéré. Il est par ailleurs possible de quantifier le bruit de fond ou BEC (Background Equivalent Concentration). Les possibilités sont fonction du logiciel installé. Les plus performants permettent par exemple d’utiliser plusieurs raies pour un même élément par basculement de l’une à l’autre selon l’intensité obtenue et d’appliquer des degrés de régression différents à des tronçons de courbes.

Cet étalonnage n’a lieu qu’une fois, chaque courbe peut être utilisée à l’infini grâce à l’utilisation d’échantillons d’ajustage ou correcteurs de dérive. Les intensités des éléments de ces échantillons mesurées à la création, puis au cours de la durée de vie du programme, permettent de corriger toutes variations en appliquant à chacune des courbes un coefficient tenant compte de ces évolutions.

L’utilisation des MRC pour calibrer les courbes

L’étape suivante est la validation de ce programme et la vérification de la justesse et de la robustesse de chacune des courbes. Pour cela, l’analyse d’autres MRC ne faisant pas partie des courbes du programme, et pour laquelle les valeurs obtenues sont jugées acceptables statistiquement est nécessaire. La participation à des circuit inter laboratoires permet de confronter le programme à ceux utilisés par d’autres organismes pour juger de sa validité.
On voit ici toute l’utilité de l’utilisation des MRC qui tout en permettant la construction des courbes d’analyse, servent à valider les résultats obtenus, à suivre l’évolution des mesures dans le temps et à pratiquer bons nombres de tests statistiques à l’aide de la base de données acquise au fur et à mesure  des acquisitions. Notons que les utilisateurs de spectromètres sur massifs sont dépendants de la production et de la vente de MRC susceptibles de répondre à leurs besoins en analyses concernant les éléments à analyser aux concentrations en adéquation avec les normes ou besoins du marché des pièces produites.

27 commentaires

  1. Hugo GIULIANI dit :

    Un article très intéressant sur le plan scientifique ! ?
    Existe-il une publication qui explique comment s’affranchir de la ségrégation intrinsèque à l’échantillon ? On a tous déjà été confronté à des écarts-type gênants entre plusieurs points d’un disque ! Des essais ont-ils déjà mis au jour des profondeurs d’usinage ou des diamètres de mesure recommandés ?
    Merci pour tout ! ?

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Hugo et merci pour votre intérêt pour notre article et pour votre question pertinente. Effectivement, la mesure par spectrométrie par étincelle suppose que l’échantillon soit homogène. Pour des analyses courantes, on pratique plusieurs étincelles en les répartissant sur le pourtour de l’échantillon (médaille, tronçon de barre,…) afin d’éviter le risque d’une différence de structure due à la vitesse de solidification. Dans certain cas le prélèvement et donc l’analyse se fera au cœur de la pièce (problème de décarburation ou recarburation, traitement thermique, …). Par ailleurs la technique de préparation de la surface doit être étudiée en fonction du matériau et reproductible. Ainsi dans le cas de matériaux tendres il faut adapter l’usinage de la surface pour éviter un « tartinage » de certains éléments sur la surface à analyser.
      En analyse courante on ne pratique pas celle-ci dans le but d’obtenir une cartographie de l’échantillon ou pièce mais cela peut se pratiquer dans le cadre de la R&D, par exemple lorsque les ségrégations doivent faire l’objet d’une étude spécifique. Dans ce cas, après avoir fait le choix d’un usinage adapté on peut descendre l’échantillon par une succession de passes entrecoupées d’analyses de la surface ainsi obtenue.

  2. ANDRY dit :

    Bonjour,
    cette technique est–elle aussi adaptée dans la recherche visant à identifier des différences de nature pour le plomb métal . Je pense à celle du plomb 1ère fusion et 2ème fusion (batteries automobiles) ?

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Jean-Pierre et merci pour votre question. Il n’y a pas de différence de « nature » du plomb (comme pour les autres métaux d’ailleurs) qui constitue les alliages de première fusion (issus des affineurs) et les alliages de 2eme fusion (issus du recyclage). Par contre, les alliages de deuxième fusion ont en général des niveaux d’impuretés (fer, …) plus importants que ceux issus de 1er fusion, ce que peut permettre de mettre en évidence une mesure par spectrométrie de fluorescence X à condition que les concentrations ne soient pas à l’état de traces. En effet, cette technique n’est pas la plus adaptée pour le dosage de très faibles teneurs, sauf à pratiquer des analyses de longues durées afin d’obtenir suffisamment de signal.

  3. chouaffa dit :

    Bonjour,
    Merci de nous orienter, comment faire pour réaliser une création des échantillons de contrôles pour la spectrométrie.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Chouaffa. Vous pouvez soit utiliser des MRC (pour Matériaux de Référence Certifiés) qui doivent être achetés auprès de revendeurs (TECHLAB par exemple) ce qui vous permettra de juger de la justesse de réponse de votre spectromètre (en comparant sa réponse à la valeur du MRC de référence). Soit utiliser des échantillons de correction de dérive, acquis lors de la réalisation de l’étalonnage initial de votre spectromètre.

  4. VG dit :

    Bonjour,
    Merci pour cet article très instructif sur une technique qui m’était inconnue!
    J’ai beaucoup travaillé en R&D sur de la Fluorescence X et je me pose la question des avantages de la spectrométrie d’étincelle versus l’XRF. Pouvez-vous me donner votre avis ?
    Bien cordialement,
    Vincent

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Vince et merci pour votre intérêt marqué pour l’article de CTIF sur la spectrométrie par étincelle.
      Pour répondre à votre question : les deux méthodes sont complémentaires. Leurs sensibilités respectives permet à la spectrométrie étincelle de doser les éléments traces et mineurs et la Fluorescence X plutôt les mineurs et majeurs. Par ailleurs les éléments légers sont difficiles à quantifier en Fluorescence X. Le peu « d’usure » des échantillons en Fluorescence X est une donnée non négligeable par rapport à la spectrométrie étincelle qui nécessite un usinage régulier des échantillons types MRC. De plus la Fluorescence X permet l’analyse de tous types de matériaux conducteurs ou non (poudres, liquides, plastiques,…..), ce qui n’est pas possible en SEO.

  5. CHOUAFFA dit :

    Je dispose d’un spectromètre OES VUV qui fonctionne bien, après une opération de nettoyage et de maintenance, nous avons rencontrées un problème de vide qui ne monte pas à sa valeur de service.
    Nous avons effectuer le changement des deux pompes membrane et moléculaire avec le changement du joint torique de la fente, sans résultat positive.
    Je me demande un conseil à suivre pour faire fonctionner ce spectromètre.
    Merci

  6. Chouaffa dit :

    Bonjour,
    Effectivement, car je suis en contacte permanent avec le fournisseur en question, qu’il s’agit toujours d’avoir connaitre les nouveautés de cet technologie récente.
    Pour ce problème, nous à été orienté par ce fournisseur, et l’anomalie finalement résolu.

    Merci à vous aussi

  7. PA - DTLab dit :

    Bonjour,

    Est-ce que pour ce type de méthode, la LQ (limite de quantification) peut-être assimilé en 1ère approche comme une incertitude minimale et/ou bien comme une approximation des « arrondis » du résultat obtenu ?
    Par exemple, si nous avions une LQ de 0,05% pour un élément, des mesures de 18,54 % seraient en fait assimilables à un résultat « effectif » de 18,5 % ?

    Merci d’avance pour votre éclairage.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Philippe. L’incertitude peut être calculée à partir de la collecte des résultats obtenus sur une série d’échantillons homogènes et analysés dans le temps pour chacun des éléments présents. Les statistiques montrent que l’on obtient une courbe non linéaire lorsque couvrant le domaine de quantification.

  8. Musta dit :

    Bonjour,
    Merci de nous orienter, comment faire pour réaliser une calibration et standarisation d’un spectro model gnr metal lab plus car nous avons un ecart enorme sur les mrc de standarisation et un erreur s’affiche lors de l’analyse ainsi que le logiciel se trouve en etat de blocage

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Musta. Bien vu votre question. Nous vous suggérons de vous rapprocher du fournisseur du spectro qui pourra vous conseiller et vous assister.

  9. Abbe dit :

    Salut,
    Pouvez vous me proposer un spectromètre qui répond aux caractéristiques suivantes:
    – l’analyseur devra être équipé d’un système d’induction et un système de passeur d’echantillons
    – il ne devra pas nécessiter de dispositif de refroidissement grâce à un générateur LDMOS ni de purge pour le système optique scellé
    – il devra être équipé de la technologie de mesure radiale directe DSOI
    – il devra permettre d’obtenir après calibration une analyse simultané de la quasi totalité des métaux présents à l’état de traces ou non, des échantillons sols, des minerais ou d’eau ayant préalablement subit la préparation adaptée
    Nb: le spectromètre devra en outre permettre de déterminer la composition chimique élémentaire des matériaux comme le ciment , le béton et eaux de décharges.
    Merci de m’apporter une réponse urgement.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour. Le CTIF, qui anime ce site, n’est pas un revendeur de spectromètres. Nous vous conseillons donc de contacter des fabricants de spectromètres.

  10. Merlin MBA dit :

    merci pour cet article ca m’a beaucoup aidé pour l’avancé de mes recherches. par ailleurs, pourrais-je savoir le coût de cette machine si possible bien évidement et aussi existe t’il en model réduit ?

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Merlin et merci tout d’abord de votre lecture de MetalBlog. Nous vous conseillons de vous rapprocher des fournisseurs de spectromètres pour avoir des prix.

  11. CHOUAFFA dit :

    Bonjour,
    Pour les spectromètre de photomultiplicateur (PMT), un élement n’affiche pas, mais pas tous le temps cvd de temps en temps, ma question, est ce que le PMT est en defaut, ou y a un autre problème.

  12. Ba dit :

    Bonjour,
    Existe-t-il un spectromètre par étincelle portable ou en pistolet ? Avec cette technique est il possible de doser le bore? Merci

  13. Dorothee dit :

    Bonjour, l’article est comme à son habitude pour métallos de bonne qualité avec une vulgarisation permettant au non spécialiste de comprendre la méthode c’est top. J’ai une suggestion néanmoins il serait utile pour ceux qui travaillent avec les cuivreux d’ajouter une section sur les métaux non analysables avec cette méthode. En effet la spectroscopie par étincelle est très incertaine pour les laitons. Je crois que c’est du au fort taux de zinc qui par ses propriété volatiles et de perte au feu, empêche une analyse correcte vous pourrez sans doute me donner la réponse) . Mais de façon certaines ,il y a de grands écarts de concentration entre des analyses de laiton par étincelles comparé à de la fluo X ou de l’ICP.
    Merci à vous

  14. Lorenzo dit :

    Bonjour, dans le cadre de mon alternance en Ecole supérieure de Fonderie et Forge, je travail sur un spectromètre à étincelle dans une fonderie d’aluminium. Savez vous pourquoi une mesure peut ne pas être juste ni précise? nos échantillons testés montrent des valeurs absolument pas précise du taux de silicium ( variation de 40% sur un même échantillon ).
    merci

  15. Bali dit :

    Bonjour
    Merci pour cet excellent article !! Puis je savoir si une longueur d’échantillon est indispensable pour mesurer la composition chimique? Merci mon fournisseur m’ayant transmis 15cm seulement
    Bonne journée
    OM,

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Christina, Merci de votre question. Il faut une quantité minimum de matière afin que l’étincelle impacte bien la matière. 15 cm en longueur est largement suffisant si la largeur n’est pas trop réduite.

  16. Christina dit :

    Merci beaucoup pour votre réponse ! Je suis rassurée, en ce qui concerne la largeur il s’agit d’un rail de chemin de fer
    Vous êtes vraiment formidable !
    Merci infiniment Virginie !
    ,🙏👍👏

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *