
Structures lattices de Schwartz et gyroïde par voie de fonderie.
Les structures lattices innovantes de type Schwartz et gyroïde par voie de fonderie permettent d’amener des fonctionnalités intéressantes complexes à obtenir de manière traditionnelle. Ces nouvelles géométries complètent les structures dites de Kelvin déjà mises au point en fonderie par le CTIF et objet de plusieurs brevets.
Les fonctionnalités des structures lattices
Les structures lattices permettent d’amener diverses améliorations fonctionnelles par rapport à une structure traditionnelle pleine (ou avec un évidement unique obtenu par noyautage). Elles permettent tout d’abord d’alléger en gardant une continuité de matière, ce que ne permettent pas des noyaux en sable traditionnels. Ensuite, la très forte porosité (85 % environ) permet d’y faire circuler différents fluides (air, eau, huile) ou d’y infiltrer un matériau transformable à l’état liquide (polymère, cire, …). Dans certains cas, et si le point de fusion est compatible, on peut imaginer y infiltrer un autre métal. Des structures lattice en acier et en cuivre ont été ainsi infiltrées par de l’aluminium. Les structures lattices permettent d’accroitre les échanges thermiques (dissipateur thermique, …) mais également d’absorber de l’énergie en cas de crash. Jusqu’à présent, seules les structures de kelvin avaient fait l’objet de développement en fonderie.
Les structures à surface minimale Schwartz et gyroïde

La courbure moyenne nulle des cellules de Schwartz et gyroïde signifie que la stabilité de ces surfaces est maximale. Ces sont des structures qui appartiennent à la famille des surfaces minimales triplement périodiques (TPMS pour Triply Periodic Minimal Surfaces). Cette stabilité est réalisée physiquement par exemple par tout film de savon soumis à des pressions égales de chaque côté (lorsque les pressions diffèrent, on obtient des surfaces à courbure moyenne constante). Il existe au total une centaine de structures connues à surface minimale : la gyroïde, l’hélicoïde, la surface minimale de Bour, la surface minimale de Catalan, la surface de Costa, la surface d’Enneper, la surface de Henneberg, la surface d’Hoffman, les surfaces de Scherk, les surfaces minimales de Schwarz, … ou encore la trinoïde.
La structure de Schwartz

La structure de Schwartz, théorisée dans les années 1867 dans la monographie «Bestimmung einer speciellen Minimalfläche » par Hermann Amandus Schwarz et son élève E. R. Neovius présentent des surfaces minimales périodiques. Elles sont décrites géométriquement par la formule cos(x) + cos(y) + cos(z) = 0. Cette structure dite Schwart-P a la particularité d’être constituée de 2 labyrinthes interconnectés complétement séparés qui permettent de croiser deux flux de matière sans les mélanger. Il existe plusieurs autres structures de Schwartz, dite Schwartz-D, Schwartz-H et Schwartz-CLP.
La structure gyroïde

La structure gyroïde, quant-à-elle, est beaucoup plus récente et a été découverte par le physicien Nord-Américain Alan Hugh Schoen en 1970 alors qu’il travaillait à la NASA. Le nom gyroïde provient de l’impression que donne la structure, à savoir que chaque canal continu du réseau, le long de différents axes cristallographiques principaux, est relié à d’autres canaux qui se croisent, et qui « tournent » sur la longueur du canal. Le gyroïde est devenu populaire parmi les scientifiques, car on a découvert au fil des années de plus en plus de formes de type gyroïde dans la nature (écailles d’ailes de papillon, plumes d’oiseaux, …) inspirant des travaux sur la biomimétique. Le gyroïde est décrite géométriquement par la formule sin(x)*cos(y)+sin(y)*cos(z)+sin(z)*cos(x) = 0. Alors que la cellule de Schwartz est facile à appréhender dans l’espace, le gyroïde est à contrario plus complexe à décrire. L’une des principales raisons pour lesquelles le gyroïde est si difficile à visualiser est l’absence de lignes droites ou de plans de symétrie. On peut l’appréhender par la visualisation de sinusoïde tournant sur une trajection hélicoïdale.
La concurrence de l’impression 3D métallique
Lorsque la taille des pores devient très petite (< 7 mm environ), l’impression 3D métallique est plus performante pour réaliser ces structures. En revanche, plus la taille des pores est importante (> 10 mm et au-delà) et plus le choix de la fonderie se justifie en termes technico-économique. La fonderie permet, en outre, de bénéficier d’une très large gamme de matériaux, alors que la fabrication additive est beaucoup plus limitative. Il est également possible sur une pièce de fonderie de grande taille d’adjoindre très localement une zone en structure lattice qui ne présentera pas de solution de continuité (réalisation monobloc) et sera aisée à réaliser. La continuité en surface des cellules de Schwartz et gyroïdes apporte également une meilleure coulabilité que les structures de Kelvin.
Caractéristiques fonctionnelles des surfaces minimales

En architecture, l’utilisation de surfaces minimales permet à la fois de minimiser la quantité de matériaux utilisés et de mieux gérer les contraintes physiques en mimant un film de savon sur une armature. Un exemple frappant en est le célèbre toit du stade olympique de Munich, qui date de 1972.
Impression 3D en ABS
Afin de mettre au point les 2 types de géométrie et la méthode, le CTIF a démarré les études sur des formes en ABS (Acrylonitrile Butadiène Styrène) sur une imprimante 3D polymère à fil. L’ABS permet d’obtenir très rapidement une forme à partir d’un fichier CAO Catia, d’optimiser les formes (taux de porosité, épaisseur de paroi, …) et de valider la géométrie avant de passer aux pièces métalliques de plus grande taille. L’ABS permet donc de faire des maquettes de petite taille peu couteuses selon un processus itératif très réactif. C’est d’ailleurs l’impression 3D et en particulier le SLM qui a permis de populariser ces formes, qui sans elle, sont difficilement réalisables en pratique et avec des moyens conventionnels.
La gyroïde pour le remplissage des pièces 3D en polymère

Pour remplir une pièce plastique 3D, il existe différents motifs possibles si on ne souhaite pas que la pièce soit pleine. Le remplissage gyroïde s’avère être l’un des meilleurs. Il s’agit en effet de l’une des rares structures 3D qui procure un très bon soutien dans toutes les directions (quasi-isotropie) comme le montre la figure ci-dessous. En plus son impression est relativement rapide, économise du matériau et ses lignes ne se croisent pas au sein d’une même couche. La gyroïde est donc un choix intéressant pour une pièce en polymère vouée à subir différentes contraintes physiques.
La gyroïde de pièces métalliques en SLM

Une étude (Compressive failure modes and energy absorption in additively manufactured double gyroid lattices) menée par Maskery et al. En 2017 a mis en évidence que l’énergie spécifique absorbée par les treillis DG (Double Gyroïd) en AlSi10Mg traités thermiquement jusqu’à une déformation en compression de 50 % était presque trois fois supérieure à celle absorbée par les treillis BCC (Body-Centered Cubic) comparables. Ces résultats plaident en faveur de l’utilisation de treillis de type gyroïde, et peut-être aussi d’autres types de treillis TPMS, dans des applications légères d’absorption d’énergie.
CAO des cellules de Schwartz et gyroïde

Le CTIF a développé le paramétrage sous CATIA des formes gyroïdes et Schwartz afin de mieux maitriser le taux de porosité en rapport avec les dimensions des cellules de base. Cette maitrise permet une meilleure adaptabilité des formes dans des délais très courts. Le lien est également directement construit avec la conception des noyaux.
Les noyaux sable imprimés en 3D

Les noyaux de fonderie sont imprimés en 3D et permettent de réaliser ces formes complexes en fonderie. Les taux de porosité importants réalisés (85 % ou plus) nécessitent de remplir les pièces de fonderie avec un temps de remplissage très court. Cette technologie avait déjà été développée par CTIF pour la réalisation des structures lattices de Kelvin et a été adaptée avec succès à ces nouvelles formes de géométries de type gyroïde et Schwartz. En particulier, alors que les noyaux à structure de Kelvin peuvent être réalisés en strates indépendantes qui seront ensuite assemblées, les cellules gyroïdes ne peuvent pas être découpées en strates et doivent être réalisées en noyau prototypé monobloc. Pour les cellules de Schwartz, la possibilité de découpage en strates dépend de l’orientation des cellules. Cette différence peut nécessiter les aménagements de forme pour faciliter la bonne venue ou la tenue des noyaux.
Conclusions
La fonderie est un moyen complémentaire à la fabrication additive métallique pour la réalisation de structures lattices de type Schwartz et gyroïde. En particulier, la fonderie peut être performante pour les cellules de taille supérieure à 14 mm ou davantage avec un grand choix de nuances d’alliage. Au-delà de ces formes très spécifiques, l’impression 3D de noyaux offre un potentiel de liberté de forme inatteignable en noyautage traditionnel.
Remerciements à Yves Gaillard, Sébastien Breysacher et Yves Longa et à la fonderie expérimentale de CTIF pour les travaux réalisés (CAO, conception fonderie, impression ABS, moulage, coulée des pièces, …) sur les cellules de Schwartz et gyroïde.