La fabrication additive métallique fait l’objet de beaucoup d’attention de la part des industriels et des média. Ce qui est étonnant, c’est la prédominance des technologies de fusion laser sur lit de poudre dans les articles de presse alors qu’il existe de nombreuses autres solutions dignes d’intérêt. Parmi celles-ci, les technologies de dépôt de matière sous flux d’énergie dirigé (DED pour Directed Energy Deposition) sont particulièrement prometteuses.
Le détournement de technologie assez anciennes
La dénomination dépôt de matière sous flux d’énergie dirigé (DED) désigne un ensemble de technologies similaires dans leur principe général. Elles ont toutes comme point commun d’être des procédés de dépôt de matière sous forme de poudre ou de fil métallique sur un substrat. La matière est déposée par une buse montée en général sur un bras robot à 5 axes et elle est fondue par un faisceau laser ou un faisceau d’électrons (à part dans le cas très particulier de la technologie MPA). Rien de bien nouveau, me direz-vous…
En effet, ces technologies ne sont pas nouvelles et ont été utilisées depuis plusieurs dizaines d’années pour des opérations de soudage en particulier dans le secteur aérospatial. Mais ce n’est que plus récemment que ces équipements ont été utilisés pour fabriquer des géométries near net shape ou pour mener des opérations de réparation (d’aubes de turbine par exemple). Petit à petit, le DED s’étend au sein de l’aviation civile et du spatial (satellites) et les industries automobile et navale commencent à s’y intéresser.
Concernant la technologie MPA, elle est développée par la société Hermle qui fabrique une machine très originale n’embarquant pas de laser ou de canon à électrons. Celle-ci met en œuvre une technologie sensiblement différente qui est le cold spray. L’apport d’énergie est assuré par la vitesse de projection des particules métalliques, celles-ci venant s’écraser et s’agglomérer par déformation plastique sur le substrat.
Pourquoi utiliser du DED alors que le SLM existe ?
Contrairement aux technologies de lit de poudre, les technologies DED peuvent à la fois fabriquer entièrement une pièce, recharger des parties endommagées ou déposer un revêtement en surface. Une autre différence avec les technologies à lit de poudre est leur capacité à fabriquer des pièces de grande dimension (plus d’1 m, voire jusqu’à 5 m de long) et ce, à une vitesse de fabrication bien plus élevée. En contrepartie, l’état de surface est en général assez mauvais. C’est pourquoi ces technologies peuvent nécessiter plus d’opérations d’usinage qu’en SLM pour obtenir l’état de surface requis.
Cette limitation de la technologie a mené au développement de machines hybrides associant des capacités conventionnelles de fraisage CNC aux capacités du DED. Cela se fait soit par des configurations de machine clés en main, soit par des systèmes modulaires intégrables aux machines-outils CNC existantes. La flexibilité de ces machines permet d’utiliser alternativement la technologie DED et celle de fraisage. Ainsi, il est possible d’usiner en cours de fabrication des zones d’une pièce qui deviennent ensuite inatteignables lorsque la pièce est entièrement fabriquée. Grâce à cette opération de finition, on peut obtenir des états de surface meilleurs que ceux obtenus par les systèmes SLM classiques.
Derrière le DED, beaucoup de technologies similaires mais pas identiques
De manière encore plus marquée que pour la technologie de fusion sur lit de poudre, il est très compliqué de s’y retrouver dans toutes les appellations des technologies DED. De façon non exhaustive, nous avons :
- Pour les technologies à base de dépôt de poudre métallique : Direct Metal Tooling (DMT®), Laser Aided Additive Manufacting (LAAM), Laser Cladding Technology (LCT), Direct Laser Deposition (DLD), Directed light fabrication (DLF), Direct Metal Deposition (DMD), Laser consolidation (LC), Laser Deposition Technology (LDT), Laser Engineering Net Shaping (LENS®), Laser Freeform Manufacturing Technology (LFMT), Laser Metal Deposition (LMD), Metal Powder Application (MPA)…
- Pour les technologies à base de dépôt de fil métallique : Electron Beam Additive Manufacturing (EBAM®), Electron Beam Direct Melting (EBDM), Electron Beam Freeform Fabrication (EBF3), Laser Metal Deposition-wire (LMD-w), Rapid Plasma Deposition (RPD™), Wire And Arc Deposition (WAAM), Wire Feed Metal Deposition (WFMD)…
Et cette liste est probablement très partielle tant chaque institut de recherche ou fabricant se montre inventif pour décrire son procédé de manière différente. Plutôt que de se perdre dans le maquis des nuances qu’il y a derrière chacune de ces dénominations, limitons-nous à un aspect particulier de ce procédé : celui de l’apport en matière métallique.
Dans le cas d’une buse déposant de la poudre métallique, 2 configurations sont possibles. La poudre peut être injectée latéralement (parfois avec une symétrie radiale) ou coaxialement au faisceau laser. La première solution, plus simple à fabriquer, est difficile à contrôler, l’asservissement de la zone de fusion de la poudre étant difficile à réaliser lorsque les formes à imprimer sont complexes. C’est pourquoi les buses coaxiales sont privilégiées pour les machines de fabrication additive. Celles-ci permettent également une meilleure homogénéité du dépôt, due à une irradiation du matériau d’apport plus longue et régulière.
Pour ce qui est des machines à dépôt de fil, le problème se pose différemment. L’apport de fil se fait forcément latéralement par rapport au faisceau d’énergie. Mais il y a aussi 3 possibilités d’orientation de l’apport en fil par rapport à l’orientation du dépôt. L’apport peut se faire par l’avant (front feeding), par l’arrière (back feeding) ou par le côté (side feeding). Des études ont montré que la forme et la qualité du dépôt dépendent de l’orientation du fil d’apport et que l’orientation optimale dépend du matériau déposé.
Les fabricants de machines
Les fabricants de machines sont à l’image des différentes appellations contrôlées du process : ils sont très nombreux. La liste ci-dessous est loin d’être exhaustive mais elle vous donne une idée de la variété des machines disponibles sur le marché.
BeAM
BeAM est un constructeur français de machines de fabrication additive par dépôt de poudre métallique. Ses machines, en 3 et 5 axes sont conçues pour la construction et la réparation de pièces. Elles sont basées sur le procédé CLAD (Construction Laser Additive Directe) qui est un procédé DED à poudre. Ce procédé permet l’utilisation d’un mélange homogène de poudres de natures différentes afin de réaliser un dépôt multi-matériaux. En théorie, ceci permet une variation continue d’un matériau à un autre et donc d’une propriété souhaitée à une autre, au sein d’une même pièce. La réalité est bien sûr plus complexe, la maîtrise de la microstructure dans un matériau dont la composition change dans l’espace n’étant pas forcément simple…
La plus petite machine est la Modulo 250 qui vise des applications de R&D avant tout. La plus grande machine est la Magic 800.
Pour en savoir plus sur BeAM, c’est ici.
DM3D
DM3D Technology est une entreprise américaine qui a acheté la société The POM Group en 2013, ce qui lui a donné accès à une technologie DED à poudre appelée Direct Metal Deposition (DMD). La gamme est composée de 3 machines (applications de petite échelle : DMD IC106, échelle intermédiaire : DMD 103D/105D, grande échelle : DMD 503D/505D), d’une tête laser sur bras robot (DMD 44R/66R) et de solutions custom en fonction des besoins du client. Les poudres disponibles sont l’acier à outillage, le stellite, l’Inconel® et le titane.
Pour en savoir plus sur DM3D, c’est ici.
DMG MORI
DMG MORI est une compagnie japonaise de machine outils fondée en 1946. Elle propose des machines hybrides qui intègrent une technique de dépôt laser de métaux à des machines de tournage/fraisage et à 5 axes complètes. La gamme de machines DED à poudre inclut 3 modèles. L’entrée de gamme est la LASERTEC 65 3D. La LASERTEC 65 3D Hybrid a les mêmes capacités de fabrication mais embarque en plus la possibilité d’usiner la pièce en cours de fabrication. Au sommet de la gamme se trouver la LASERTEC 4300 3D Hybrid qui permet des déplacements beaucoup plus importants de la buse (x : 660 mm, y : 400 mm, z : 1 500 mm) tout en combinant impression 3D et usinage.
Pour en savoir plus sur DMG Mori Seiki, c’est ici.
Hermle
Hermle est une société allemande dont le core business est l’usinage. Elle en a d’ailleurs fait son slogan (« Mieux fraiser »). La machine hybride qu’elle a développée (la MPA 40) est basé sur la technologie MPA (Metal Powder Application) qui est adaptée à la fabrication des moules d’injection et des outillages de fonderie. Elle peut aussi être utilisée pour ajouter des composants à des pièces de fonderie. La MPA 40 est basée sur un centre d’usinage 5 axes C-40 auquel est ajouté un système thermique de pulvérisation de poudre métallique. Les particules sont déposées à grande vitesse (200 cm3/h) grâce à un gaz qui les propulse dans un tube en forme de tuyère de Laval (principe du cold spray). La machine peut ainsi traiter des pièces qui ont un diamètre de plus de 500 mm et différents matériaux (acier, inox, titane, aluminium, cuivre…).
Pour en savoir plus sur Hermle, c’est ici.
Hybrid Manufacturing Technologies
La société Hybrid Manufacturing Technologies, basée au Royaume-Uni, a développé un système modulaire AMBIT qui est intégrable sur une machine CNC. Selon HMT, le système AMBIT Series 7 permet d’intégrer 7 technologies d’impression 3D, d’usinage et de métrologie. Il est capable en particulier de déposer du métal sur des largeurs allant de 0,5 mm à 3 mm, de percer grâce à un spot laser de 0,15 mm de diamètre ou de faire des opérations de finition grâce à un laser QCW (Quasi-Continuous Wave). Après les opérations de dépôt et d’usinage, la qualité du résultat peut être contrôlée par une tête à courants de Foucault qui est optimisée pour détecter les défauts en surface ou proches de la surface.
Pour en savoir plus sur Hybrid Manufacturing Technologies, c’est ici.
InssTek
InssTek est une entreprise sud-coréenne qui développe tant des machines standards que des systèmes sur mesure pour des applications industrielles de toutes tailles. Elle s’est fait une spécialité de l’impression de circuits de refroidissement de moules métalliques (conformal cooling), ce qui explique le nom donné au process DED utilisé (DMT® – Direct Metal Tooling). Selon elle, sa technologie permet d’imprimer des pièces combinant plusieurs alliages. À titre d’exemple, elle a présenté une vidéo montrant une impression simultanée d’Inconel® 718, de cuproaluminium et d’acier inoxydable SUS420J2. La gamme de machines comprend un modèle Desktop (la MX-Mini qui pèse 300 kg…) et quatre modèles de taille croissante : de la MX-400 pour des applications de R&D à la MX-Grande qui porte bien son nom (17 500 kg…).
Pour en savoir plus sur InssTek, c’est ici.
Norsk Titanium
Norsk Titanium est une entreprise norvégienne créée en 2007 qui fabrique des machines DED à fil. Le procédé utilisé (RPD™ – Rapid Plasma Deposition) est principalement utilisé pour le dépôt de fil de titane (même si l’utilisation de fil de bases nickel ou d’aciers est possible). Norsk Titanium revendique une qualité métallurgique exceptionnelle du matériau imprimé (propriétés mécaniques proches des pièces forgées, microstructure constante d’un cordon à l’autre, zéro porosité…). Elle ne vend qu’un seul modèle de machine qui en est à sa 4e génération (d’où le nom : MERKE IV) et qui est très volumineux.
Pour en savoir plus sur Norsk Titanium, c’est ici.
Optomec
La société Optomec est une société américaine basée au Nouveau Mexique. Elle est spécialisée dans le développement de solutions de fabrication additive qui utilisent un procédé de dépôt de poudre par laser appelé LENS®. Optomec fabrique des machines de fabrication additive clés en main. 3 modèles coexistent : la LENS 450 qui est un appareil d’entrée de gamme de petites dimensions, la LENS MR-7 qui est dédiée aux travaux de R&D et la LENS 850-R qui est le système haut de gamme dédié à la réparation de pièces. Elle fournit aussi un module, le Print Engine, qui peut être intégré à des machines-outils CNC.
Pour en savoir plus sur Optomec, c’est ici.
Sciaky
Sciaky est une société américaine qui a commencé à développer sa technologie de fabrication additive par fusion de fil par faisceau d’électrons (EBAM® – Electron Beam Additive Manufacturing) en 1996. Elle revendique que ses machines permettent de fabriquer des pièces et des structures de très grande taille pouvant atteindre 5,8 m x 1,2 m x 1,2 m ou des pièces circulaires de 2,4 m de diamètre. Les alliages qui ont été validés jusqu’à présent sont de manière classique le titane et les alliages de titane, les aciers inoxydables (série 300), certains Inconel® mais aussi le tantale, le tungstène et le niobium, ce qui est beaucoup plus original. La gamme de machines comprend cinq modèle : la plus petite est l’EBAM 68 et la plus grande l’EBAM 300.
Pour en savoir plus sur Sciaky, c’est ici.
Trumpf
Trumpf est une société allemande à capital familial qui s’est construit une solide réputation de fabricant de lasers et de technologies de production. Leurs machines destinées à la fabrication additive sont de deux types : les machines TruPrint sont des machines SLM (décrites dans l’article Les machines de fusion sur lit de poudre en 3 minutes) ; les machines TruLaser Cell série 7000 sont quant à elles des machines DED incluant également des capacité de découpe et de soudage laser. La gamme correspondante est composée de deux modèles la TruLaser Cell 7020 et la TruLaser Cell 7040, la deuxième ayant une plage de déplacement en x double de la première (4 000 mm au lieu de 2 000 mm).
Pour en savoir plus sur Trumpf, c’est ici.
Excellent article.
Merci Ana pour votre commentaire. Il y aurait beaucoup plus à dire sur les machines DED, ce n’est qu’une introduction !
Bonjour,
Bravo pour la pédagogie de vos articles que j’ai dévorés. Difficile en effet de s’y retrouver avec cette profusion d’acronymes.
J’ai constaté que récemment Add-up avait racheté BeAM et qu’il était entré majoritairement au capital de Poly-Shape. A ce rythme, on peut s’attendre à d’autres mouvements tectoniques dans le monde de la FA.
Merci encore
Cordialement
Bonjour Philippe.
Merci beaucoup pour votre commentaire.
Il y a effectivement beaucoup de mouvements dans le monde de la fabrication additive qui reste pour l’instant une technologie naissante.
Intéressant d’avoir un point détaillé comme cela. Une idée des différents coûts de fabrication aurai également été intéressante, mais on ne peut pas tout avoir. 🙂
Bonjour Aranud et merci d’avoir apprécié notre article de MetalBlog sur l’impression 3D metal DED. Le cout de fabrication des pièces est fonction de multiples paramètres (le cout machine, le temps de construction, le prix de la poudre, le nombre de pièces par batch de fabrication, le temps de parachèvement, …). Il est donc très délicat de donner un chiffre moyen. D’autant plus que la productivité des machines étant en progrès continue, le prix des pièces est plutôt sur une tendance baissière sur le long terme. Le prix des pièces en impression 3D est encore bien plus important qu’en fabrication par un process traditionnel (usinage, forge, fonderie, …) et n’est donc pas compétitif, sauf exception, pour de la fabrication moyenne ou grande série.