La technologie cold spray permet de déposer un matériau à très haute vitesse et à basse température sur un substrat pour en modifier les performances fonctionnelles (dureté, …). Les matériaux déposés peuvent être très divers (métaux, oxydes, …, céramiques), ce qui en fait une technologie intéressante pour fonctionnaliser la surface de pièces.
L’histoire du cold spray
Le Cold Gas Spray (CGS) a été développé au milieu des années 1980 par A. Papyrin et son équipe à l’Institut Khristianovich de mécanique théorique et appliquée à Novossibirsk en Russie dans le cadre d’un développement visant à évaluer les systèmes aérodynamiques dans une soufflerie supersonique en utilisant des particules de mélange d’acier et d’aluminium avec le système de gaz supersonique pour fabriquer un fluide à deux phases (solides et gazeuses).
Dans les années 80, deux brevets d’équipements cold spray ont été déposés par la suite et dans les années 90 les États-Unis ont établi un partenariat avec le gouvernement russe pour construire les premiers équipements de ce genre. A partir des années 2000, le procédé a connu un grand développement, et s’est considérablement répandu dans différents pays, principalement au cours des dernières années grâce à des actions de R&D et des efforts de production dans le monde entier.
Principe du cold spray
Par définition le cold spray est un procédé permettant de réaliser des dépôts en exposant un substrat à un jet de particules à haute vitesse (300 -1200 m/s) et à basse température (d’où son nom cold spray) à travers une tuyère d’accélération supersonique. Cette technologie permet de déposer des particules métalliques ou non métalliques qui se déforment plastiquement lors de l’impact avec la cible pour former des couches interconnectées adhérant au substrat conduisant à la formation d’un revêtement.
Contrairement à d’autres techniques de projection thermique, le cold spray utilise une énergie cinétique élevée et une faible énergie thermique pour le dépôt de revêtement. Par conséquent, les couches peuvent être plus épaisses, avec une porosité plus faible, sans fissures (les contraintes ont tendance à être en compression plutôt qu’en traction) et avec une oxydation minimale.
Les variantes du cold spray
Il existe deux familles principales en cold spray : la projection à froid en basse pression (Low Pressure cold spray-LPCS) et la projection à froid à haute pression (High Pressure Cold Spray-HPCS). Le cold spray basse pression envoie le gaz porteur à une pression relativement faible de l’ordre de 5 à 10 bars et à une température d’environ 550 °C. Dans ce système, le gaz est acheminé vers le système de chauffage puis dirigé vers une tuyère dite « laval » (de type convergent /divergent) A la sortie de la buse (côté divergent), la vitesse des particules peut atteindre entre 300-600 ms -1.
La deuxième configuration est le cold spray haute pression (b). Dans ce cas, de l’hélium ou de l’azote peuvent être utilisés comme gaz vecteur. La pression du gaz pendant le processus de projection est entre 25-40 bars et la température de d’alimentation peut atteindre jusqu’à 1000 °C. Les particules solides de la charge se mélangent au gaz propulseur dans la zone de préchambre et sont ensuite introduites axialement dans le flux de gaz, en amont de la section convergente de la buse à une pression plus élevée que le gaz d’accélération pour empêcher le reflux du gaz, à la sortie de la buse (côté divergent) la vitesse des particules varie entre 600-1200 ms -1.
La fenêtre de dépôt du cold spray
Le dépôt des particules en cold spray dépend de plusieurs paramètres notamment la vitesse critique. En effet le dépôt du matériau ne peut avoir lieu que si la vitesse des particules lors de l’impact sur le substrat dépasse une certaine valeur, appelée vitesse critique, qui est une relation entre la cinétique, l’énergie thermique et les caractéristiques physico-chimiques de la matière première.
Comme le dépôt de matériau ne se produit que lorsque la vitesse critique est atteinte, une augmentation supplémentaire de la vitesse conduit à une forte augmentation du taux de dépôt et peut atteindre une efficacité proche de 100 %. En revanche une augmentation excessive de la vitesse des particules, une fois que l’efficacité de dépôt à atteint son maximum, provoquera un phénomène d’érosion qui a pour conséquences de dégrader le dépôt.
Mécanisme du dépôt
Le mécanisme de formation du revêtement est régi par la déformation plastique des particules lors de leur projection sur le substrat. La qualité du revêtement dépend considérablement du matériau. En effet lorsqu’une particule est projetée sur le substrat, son énergie cinétique est transformée en énergie de déformation et en chaleur, ce qui peut impliquer une déformation plastique intense à la fois de la surface de la particule et du substrat ou principalement de l’un des deux. Lorsque le substrat est beaucoup plus dur que la particule, cette dernière a tendance à s’aplatir tandis que, dans le cas contraire, la particule a tendance à s’incruster dans le substrat.
Un process en deux étapes
Le processus peut être divisé en deux étapes majeures : le dépôt de la première couche puise le dépôt des couches ultérieures. Pendant le dépôt de la première couche de particules sur un substrat, les particules thermiquement activées et pressurées se « déchainent » à la surface du substrat en éliminant la couche d’oxyde formée préalablement et en augmentant la rugosité. La première étape est liée aux propriétés des particules et du substrat (rugosité, dureté, …). Cette étape est responsable de la force d’adhésion. Dans la seconde étape, les particules adhèrent à la première couche, se déforment et forment un revêtement multicouche.
Pendant la suite du processus de pulvérisation, la réduction des vides et la liaison métallique se produisent en raison du martelage successive par la projection de poudre. Ce processus peut conduire au durcissement du revêtement et à la formation d’une contrainte de compression. Les particules qui n’adhèrent pas nettoient et rendent rugueux le substrat. Le revêtement épais ne se forme que lorsque le nombre de particules collées est supérieur au nombre de particules ayant rebondies.
Les matériaux déposés par cold spray
Le cold spray est une technologie qui permet de déposer un large panel de matériaux par exemple : les verres métalliques, les cermets (composites métal/céramique), certaines céramiques et certains polymères, ainsi que des mélanges de poudres sur une variété de matériaux de substrat, y compris les métaux, céramiques et polymères. Le tableau ci-contre donne un bref aperçu des différents types de systèmes de matériaux typiques utilisables en projection à froid.
Influence de la dureté du matériau de base
La dureté des matériaux est souvent considérée comme l’un des critères d’évaluations clé qui détermine l’aptitude du matériau au cold spray. Pour les matériaux dont la dureté est inférieure à 30 HRC, la projection à froid peut produire un excellent dépôt sans avoir une contrainte d’épaisseur. Pour les matériaux dont la dureté est comprise entre 30 et 40 HRC, la projection à froid donne des performances de dépôt acceptables mais elle peut nécessiter un traitement thermique ou un CIC ultérieur. Pour les métaux dont la dureté est supérieure à 40 HRC, la projection à froid peut être utilisée comme méthode pour produire des structures poreuses. Et enfin, pour les composites à matrice métallique, il faut avoir un composant métallique ductile présentant un effet « coussin ». L’effet « coussin » permet d’aider à amortir le dépôt fragile, ce qui est du au fait que le rendement de dépôt varie en fonction du mélange des matériaux et leur proportion.
Facteurs influençant les propriétés du revêtement
La pression et la température du gaz sont les principaux paramètres en cold spray car de petites modifications de ces paramètres peuvent produire une augmentation ou une diminution de la vitesse et du taux d’oxydation des particules, caractéristiques qui peuvent réduire l’efficacité du dépôt et l’adhérence du revêtement sur le substrat. Plus la pression utilisée est élevée, plus la vitesse critique atteinte sera elle aussi élevée. D’autre part, des pressions trop élevées peuvent provoquer la déviation ou la cavitation des particules en fonction des caractéristiques de la poudre de base et du matériau du substrat, ce qui entraîne une diminution de l’efficacité du dépôt.
Distance de projection
La distance de projection est la distance entre la buse du pistolet de pulvérisation et la surface du substrat et définit le chemin que parcourent les particules à la sortie du pistolet jusqu’à ce qu’elles entrent en collision avec le substrat. Les distances de pulvérisation utilisées en cold spray ne dépassent pas généralement 50 mm, bien inférieures à celles utilisées dans les autres techniques de projection, qui vont de 120 à 300 mm. Ce paramètre peut déterminer la vitesse et la température au point où il peut influencer directement la formation du revêtement avec une conséquence directe sur le rendement. A noter que plus la distance augmente, plus le rendement diminue quel que soit le matériau.
Vitesse transversale du pistolet et température du substrat
La vitesse transversale du pistolet définit la quantité de matière qui sera déposée. Pour un nombre de passes défini, une faible vitesse transversale du pistolet implique une plus grande quantité de matière déposée. Une vitesse transversale du pistolet plus élevée entraînera le processus inverse, avec moins de dépôt de matière. La température du substrat peut également influencer les performances du revêtement. L’augmentation de la température du substrat contribuera à déposer à une vitesse de particules inférieure, puisque l’effet d’adoucissement thermique peut être présent lors de l’impact des particules sur le substrat.
Influence de la morphologie et de la granulométrie de la poudre
Pour le cold spray, la taille et la morphologie des particules sont des paramètres très importants pour déterminer si la vitesse critique est dépassée ou non. En effet, les particules de forme irrégulière sont plus facilement accélérées que les particules sphériques de même taille en raison des effets hydrodynamiques, mais les particules irrégulières et grossières voient leur vitesse diminuée qui peut être inférieure à celle des particules sphériques plus petites.
La vitesse de la particule pendant la projection est inversement proportionnelle à sa taille. En conséquence, des vitesses plus élevées sont obtenues en utilisant une taille de particules plus petite. Cependant, des études montrent des difficultés à pulvériser de petites particules (taille <5 μm), car celles-ci subissent une agglomération, ce qui peut entraîner des problèmes tels que le colmatage des buses. La taille des particules de CGS peut être comprise entre 5 et 400 µm, mais la taille idéale des particules est beaucoup plus faible.
Conclusion
Des revêtements épais à faible porosité, sans fissures et à faible teneur en oxydes peuvent être produits par la technique de cold spray en raison de l’énergie cinétique élevée et de la faible énergie thermique utilisées pour le dépôt du revêtement. L’optimisation de tous les paramètres de pulvérisation est obligatoire pour réussir à préparer des revêtements à haute résistance à la corrosion et à hautes propriétés mécaniques. Une caractérisation globale des revêtements comprenant analyse chimique, physique, microstructurale, mécanique et évaluation de la résistance à la corrosion est essentielle pour avoir un retour d’expérience et améliorer les performances des revêtements qui peuvent être appliqués à des fins multiples. Le cold spray n’est pas seulement une technologie prometteuse pour aider l’industrie à résoudre de nombreux problèmes d’usure ou d’oxydation, elle permet aussi d’améliorer la tenue à la corrosion en prolongeant leur durée de vie des pièces. C’est une technique également prometteuse pour fonctionnaliser les surfaces pour différentes applications notamment dans le domaine de l’énergie.
Bonjour, merci pour cet article. Sur le plan pratique, existe-t-il un moyen de monitorer si l’on reste bien dans la bonne fenêtre de déposition efficiency?
Et au delà de la dureté de surface, reste-t-il de la souplesse à cœur ?
Merci d’avance
David
Bonjour David et merci de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur le Cold Spray. Le matériau déposé en surface étant différent du matériau à coeur, le structure à coeur est très peu affectée. Pour le monitoring, comme tout process de fabrication, il faut maitriser au mieux les variables process importantes, la qualité du matériau déposé et l’état de surface de la pièce à revêtir (rugosité, dureté, …).
Bonjour,
Les dépôts par CS dans le cas des céramiques sont très loin d’être la norme. Les propriétés ne sont pas au niveau de celle des métaux tout comme les rendements de dépôt. Les exemples sont (très) rares. La tendance est plus à l’utilisation d’une matrice métallique ductile chargée en particules céramiques.
Pour fonctionner, il conviendrait de baisser la taille des particules céramiques pour augmenter la plasticité de la céramique et donc, se placer dans des conditions particulières (comme sous vide avec le procédé d’Aerosol Deposition qui marche avec des poudres strictement céramique).
Cordialement.
Bonjour Thomas et merci de votre commentaire très intéressant sur notre article sur le Cold Spray. Bien d’accord avec vous sur les très rares applications des céramiques dans cette technologie par rapport aux métaux.