Les matériaux architecturés (appelés encore structures lattices) présentent deux applications majeures : l’échange thermique et l’absorption d’énergie. Dans un article précédent sur MetalBlog, nous faisions le point sur la technologie de fabrication (par voie de fonderie) et les principales caractéristiques structurales de ces matériaux. Nous en détaillons à présent les performances en absorption d’énergie et les paramètres qui pilotent ces propriétés.
Une courbe de compression avec 3 zones
Les matériaux architecturés de type mousses métalliques présentent un comportement à la compression bien particulier. L’intérêt pratique d’un tel comportement réside dans le fait que l’énergie extérieure fournie pour comprimer le matériau est absorbée en garantissant un niveau de contrainte contrôlé.
En effet , tant que la mousse n’est pas complètement comprimée (zones 1 et 2 de la courbe), le niveau de contrainte est relativement constant. On peut alors utiliser ce palier pour protéger (homme, équipement électronique, système mécanique, …), en le calant sur la limite supportable en force ou en décélération. La valeur quasi constante de la contrainte dans la zone 2 de la courbe est généralement désignée par le terme de « valeur plateau ».
Les applications qui en découlent concernent naturellement des protections passives vis-à-vis de chocs dans les transports, en cas de chutes d’objets ou pour stopper un objet en mouvement. La quantité d’énergie absorbable par la mousse correspond à l’aire située sous la courbe dans les zones 1 et 2.
Les facteurs qui pilotent la forme des courbes
Quels sont les facteurs qui pilotent les formes de ces courbes ? Le facteur principal est évidemment le matériau constitutif de la mousse métallique (aluminium, fonte, acier, …). En effet le méta-matériau mousse, constitué d’une grande partie de vide et d’une petite partie de métal (10 à 20 %), est très dépendant des caractéristiques mécaniques de la partie métal, notamment de ses capacités de déformation.
Lors de la compression d’une mousse métallique, les brins se déforment, au fur et à mesure de la compression, jusqu’à ce qu’ils se touchent dans la phase finale de densification (zone 3 de la courbe). Si le matériau constitutif n’est pas assez ductile, certains brins se brisent et peuvent de détacher de l’ensemble. Les brins restants se touchent ensuite lorsque la compression les ramène au contact. Ces phénomènes, bien qu’encore mal appréhendés, sont vraisemblablement à l’origine des effondrements constatés sur certaines courbes. Ils sont d’autant plus marqués que le nombre de cellules est faible dans la section de l’éprouvette.
Trois modes de comportement distincts
On a ainsi établi, à iso condition géométrique, un classement de mode de comportement pour plusieurs matériaux dont l’utilisation induit des mousses métallique au comportement ductile, fragile, semi ductile ou semi fragile. Le second facteur qui pilote la forme des courbes correspond à la quantité de matière qui travaille dans le sens de la compression. Si le matériau est isotrope, ce paramètre correspond à la densité relative de la mousse et peut être rattaché, en première approche, aux caractéristiques du matériau constitutif.
Performances fonctionnelles et géométrie des matériaux architecturés
Les relations entre géométrie et performances fonctionnelles dépendent de lois basées sur les caractéristiques du matériau constitutif (limite élastique, valeur plateau, module d’Young, …) pondérées généralement par la densité relative élevée à une puissance donnée [1]. Par exemple, dans le cas d’une mousse d’aluminium à structure fermée, la valeur plateau peut être estimée par la relation σp = 260 * (ρ/ρs) 1,99 [2] Si, comme dans le cas des mousses régulières Castfoam ® de CTIF, le matériau n’est pas isotrope les caractéristiques sont alors fonction de la direction de compression au sein de la mousse.
Dans tous les cas, l’incidence d’un surplus de matière dans le sens de la compression se traduit par une augmentation de la valeur du plateau, une diminution du pourcentage de déformation avant la densification (début de la zone 3), une augmentation de la pente du plateau et enfin une diminution des variations de la courbe, dans le cas de mousse fragiles ou quasi-fragiles.
Les facteurs modifiant les résultats en compression
D’autres facteurs, généralement moins sensibles, impactent également les résultats.
Tout d’abord, la vitesse de sollicitation qui a d’autant plus d’incidence que la quantité de matière est élevée. Par exemple, dans le cas de mousses d’aluminium, le passage d’une vitesse de compression de 1,7 10-5 m/s (1 mm/min) à 7 m/s a une incidence marquée pour une porosité de 70% et une incidence très faible pour une porosité de 85 %. Une augmentation de la vitesse de compression se traduit par des augmentations de la valeur du plateau et du début de densification ainsi que par la diminution des ondulations de la courbe.
Ensuite, le rapport d’élancement (rapport entre la hauteur dans le sens de compression et les dimensions de la section de la mousse) modifie l’apparition de la densification. Une éprouvette plus haute présentera une densification plus tardive.
Enfin, la forme et la taille et des cellules impactent également les courbes de compression. Les courbes présentées ici utilisent toutes la cellule de KELVIN quasi-isotrope à l’origine des mousses Castfoam® K de CTIF. Une cellule différente, par exemple plus anisotropique, induira une différence plus marquée entre des courbes de compression dans les différentes directions de la mousse. Une cellule plus isotropique, cas des mousses Castfoam® S (stochastique), limitera cette différence. La taille de la cellule a un impact sur la qualité des brins obtenus du fait des vitesses de refroidissement et des risques de défauts de retassures qui en découlent. A qualité égale elle n’a pas d’effet majeur à condition que l’on respecte le nombre minimum de cellules (10) dans les dimensions de l’éprouvette.
L’outil SmartFoam
Il a été développé, dans le cadre d’un projet ANR, un outil métier SmartFoam qui permet de pré-dimensionner une structure lattice pour les échanges thermique et et pour l’absorption d’énergie. Cet outil regroupe en particulier les données matériaux étudiés (type d’alliage, taux de porosité, volume, …) et appréhende les 3 zones de la courbe de compression et l’énergie totale absorbée.
L’apport des matériaux à structures lattices en absorption d’énergie
Les matériaux architecturés de type mousses métalliques présentent un réel intérêt. Ils sont déjà exploitées dans des applications industrielles. L’utilisation de la voie par fonderie, mise au point par CTIF pour ses mousses Castfoam®, autorise une très grande souplesse et permet de s’adapter à des besoins très variés. Il est ainsi possible de mettre en œuvre de nombreux alliages ou d’ajuster le taux de porosité, dans les limites des possibilités de réalisation, pour obtenir le résultat souhaité.
Ce mode de fabrication présente de plus un compromis technico économique favorable à l’industrialisation et promet un nouveau marché très technique aux fondeurs qui auront acquis ces techniques spécifiques. Il a été ainsi possible de réaliser, pour des prototypes industriels, des mousses métalliques avec des valeurs de plateau variant de 1 à 30 MPa.
Références
[1] Ashby MF, Evans AG, Fleck NA, Gibson LJ, Hutchinson JW, Wadley HNG – Metal foams: a design guide. Boston: Butterworth–Heinemann (2000)
[2] Jean–Sébastien Blazy – Comportement mécanique des mousses d’aluminium : caractérisations expérimentales sous sollicitations complexes et simulations numériques dans le cadre de l’élasto-plasticité compressible. Thèse Centre de Mise en Forme des Matériaux de l’Ecole des Mines de Paris (2003)