Les outillages et moules de fonderie, terre d’innovation

Moule de fonderie.

Moule de fonderie sous pression aluminium comportant deux empreintes et quatre tiroirs.

Que ce soit pour les outillages métalliques ou pour les plaques modèles (et boites à noyaux), la chaîne de conception et de fabrication bénéficient aujourd’hui de solutions nouvelles, permettant des designs en rupture, des temps de développement réduits et des performances améliorées. Les outillages sont devenus aujourd’hui des terres d’innovation et au travers de projets collaboratifs menés récemment, nous vous en montrons les tendances fortes.

La durée de vie des outillages, un enjeu majeur

Sollicitations thermomécaniques sur les outillages métalliques

Sollicitations thermomécaniques sur les outillages métalliques et impacts sur la durée de vie.

Les coûts d’outillage entrent pour une part importante dans le prix de revient des pièces moulées en moule métallique (10 % à 15 %). La maîtrise des durées de vie des outillages, et l’optimisation de leur conception sont donc deux vecteurs fondamentaux de réduction des coûts. Plusieurs facteurs conditionnent la durée de vie des moules : le matériau des outillages (acier 5% de chrome, …), leur traitement thermique, les conditions d’usinage (UGV, électroérosion), les éventuels traitements de surface, et enfin les conditions d’utilisation. Lors de leur exploitation, les outillages métalliques sont endommagés selon plusieurs mécanismes combinés, et notamment, la fatigue thermomécanique transitoire et la corrosion par l’alliage (formation de composés Fe-Al-Si dans le cas de l’aluminium liquide).

Simulation thermomécanique sur un élément de moule (code ProCAST)

Simulation thermomécanique sur un élément de moule (code ProCAST).

Au niveau des dégradations constatées sur les outillages, deux types de fissurations majeures sont observés. Tout d’abord, les fissurations thermomécaniques (faïençage) des éléments moulants puis les fissurations de carcasse dues à des sollicitations mécaniques. Au-delà de l’expérience, l’enjeu est de disposer de critères d’endommagement  pour établir le lien entre contraintes et durée de vie et pouvoir développer ainsi des simulations numériques plus prédictives. Des critères ont été développés pour la prédiction de l’endommagement des outillages en coquille gravité. Pour la fonderie sous pression par contre, pas ou peu de modèles sont satisfaisants.

L’approche via des essais instrumentés permet de mesurer les déformations d’un moule de fonderie soumis à une montée en régime thermique. Les résultats en champ de températures et de déplacements donnent la possibilité de consolider et valider les outils et méthodes de calcul et la corrélation entre essais expérimentaux et modélisation. L’aboutissement à un critère établissant le lien entre contraintes et durée de vie des outillages requiert par contre un travail plus fondamental.

La chaine numérique s’allie aux nouvelles technologies pour devenir le plus court chemin vers des conceptions optimisées

Noyaux de moules de fonderie produits par fabrication additive sable

Noyaux de moules de fonderie produits par fabrication additive sable – projet I Techmould – partenaires : ARRK Shapers’, Safe Metal, FPSA, CTIPC, CTIF, ID PRO (Lycée Hector Guimard) et l’Enise.

Pour la conception des outillages, la chaîne numérique prend désormais une place essentielle avec à la fois des chemins de conception et de fabrication plus courts, et des outils de simulation qui permettent d’intégrer de nouvelles conceptions, notamment issues de fabrication additive. L’intégration de ces nouvelles conceptions, s’appuyant sur des technologies innovantes que sont la fabrication additive sable et/ou métal, permet le développement de moules optimisés thermiquement.

C’est l’objet de projets tels que I-Tech Mould  dans lequel des concepts exploitant le potentiel de la fabrication additive sable et métal sont mis en oeuvre pour l’obtention de designs optimisés de régulation thermique pour différents process (injection plastique, fonderie sous pression, composites) y compris sur des outillages de grandes dimensions.

Les logiciels d’aide à la conception Moldtherm, MCOOL et HydroMold (logiciels et brevets du CT-IPC) associés aux simulations (QuikCAST et Thercast), aboutissent à des conceptions inédites de canaux de régulation, générant des améliorations notables en fonderie sous pression (moindre propagation de la chaleur de la pièce, refroidissement plus rapide, présence plus limitée de défauts type « retassure »).

Dans l’option fabrication additive sable, les précautions portent sur les dimensions accessibles (diamètre mini, longueur libre de noyau sans support au remmoulage, distance entre noyaux) alors que pour la fabrication additive métallique, il faut veiller au maintien d’une épaisseur de tubes suffisante pour éviter qu’ils ne percent lors du surmoulage par de l’acier, ce qui limite le rapprochement des canaux, compte tenu du risque de non venue. Plutôt que la fabrication de tubulures acier en 3D, on optera pour la réalisation directe en ALM de petits blocs de thermorégulation insérés à la coulée.

La simulation des échanges thermiques lors du remplissage et de la solidification de l’alliage (dans le cas de la fonderie) montrent tout le potentiel des conceptions optimisées, avec l’ouverture sur de nouvelles règles de conception des moules (diamètre, position des canaux par rapport à l’empreinte, aptitude au moulage, alternatives avec fabrication directe en ALM métal…).

Optimisation du système de régulation d'un moule de fonderie sous pression

Optimisation du système de régulation d’un moule de fonderie sous pression – MCOOL (CT-IPC) – Travail d’Alban Aggazi

De nouvelles conceptions d’outillages mettant en œuvre des préformes de fonderie intégrant la fabrication additive peuvent ainsi être envisagées, avec l’ambition de réduire de 25% les temps de fabrication des moules, et de réduire également les temps de cycle de fabrication des pièces (de -10 à -20 % pour la fonderie / de -20 à -40 % pour le plastique), en exploitant tout le potentiel du « Conformal Cooling» pour la fabrication de pièces de moyennes et grandes dimensions.

Et le moule non métallique dans tout ça ?

Comme les outillages métalliques, les modèles et moules sables bénéficient du potentiel de l’intégration de la chaîne numérique dans le développement rapide des produits. Dès 2013, les développements du projet ORI Fonderie Sable et les potentiels de la stratoconception® appliquée aux modèles de moules sables ont été présentés aux assises européennes de la fabrication additive en prenant pour exemple les développements réalisés avec Saint Gobain PAM et ensuite Ferry-Capitain.

Stratoconception® d'un outillage de grande dimension

Stratoconception® d’un outillage de grande dimension (crédit photo : Cirtes).

Le projet a démontré que la réalisation par Stratoconception® de plaques modèles et boîtes à noyaux éphémères utilisés pour des petites séries, puis détruits et recyclés après utilisation, permet de supprimer le stockage physique d’outillages encombrants et d’évoluer vers la notion de stockage numérique, notamment pour les outillages peu utilisés.

Le projet a ensuite abouti à une application d’envergure avec l’entreprise Ferry-Capitain, qui, pour réduire les délais de réalisation sur ses modèles de très grandes dimensions, a fait le choix de passer du modelage traditionnel au modelage « numérique » en intégrant dans ses ateliers la technologie de la stratoconception®. La simplicité d’utilisation du logiciel (pas de FAO), la rapidité de réalisation, la capacité à réaliser de très grandes dimensions et le choix diversifié des matériaux font partie des arguments qui ont abouti à ce choix industriel.

Aujourd’hui, l’utilisation de noyaux et moules sables et modèles issus de fabrication additive est rentrée dans les usages de la fonderie en France. On peut notamment citer Danielson Engineering et Boutté Fonderie (avec la Solution VoxelJet) parmi les fondeurs intégrés proposant le développement de moules et noyaux sur mesure issus de Fabrication Additive Sable.

A chaque tranche d’outillage sa fonction intégrée…

Des solutions telles que la Stratoconception® ont également commencé à faire la preuve de leur apport et de leur potentiel en fonderie, notamment sur des conceptions de moules de fonderie (métallique ou non métalliques) et de boîtes à noyaux.

Outillage metallique stratonconçu

Outillage métallique stratonconçu (développement CIRTES).

De nouvelles conceptions de boîtes à noyaux ont par exemple pu être développées dans le cadre du récent projet ORIBAN, dédié à la mise en œuvre de la Stratoconception®. Ces conceptions inédites de boîtes à noyaux intègrent ainsi des réseaux optimisés de canalisations internes, destinées au gazage et/ou à l’évacuation des gaz.

L’approche éco-conçue du design des boîtes à noyaux via une stratoconception® bien appréhendée peut permettre des designs inédits pour la réduction des rejets de gaz dans l’atmosphère (grâce à un système de collecte conçu pour travailler en circuit fermé), la réduction des consommations de gaz, une meilleure gestion de l’écoulement à l’intérieur des boîtes et des noyaux, un meilleur contrôle de la fabrication, des temps de cycle réduits grâce à un positionnement optimal des évents, l’optimisation de la qualité des noyaux et la réduction des taux de rebuts.

La production des noyaux à partir des boîtes à noyaux strato-conçues présente un potentiel avant tout pour la maîtrise de la consommation de gaz (DMEA) et la maîtrise de la qualité des noyaux. De manière générale, le gazage par la peau permet de diminuer la quantité de gaz nécessaire pour polymériser les noyaux et obtenir la même qualité de noyaux. Cette diminution peut atteindre 60 à 70 % et dépend de la géométrie du noyau et/ou de la fonderie ainsi que de la température ambiante lors des essais. La conception a par contre des impacts sur les coûts de fabrication et de maintenance des outillages qui sont à maîtriser par rapport aux approches en outillage conventionnel.

Et si on mettait l’énergie (et l’intégration de fonction) au bon endroit ?

La fabrication additive apporte également une large palette de solutions pour les surfaces fonctionnelles et zones localisées sur les outillages. Différentes technologies (indépendantes ou combinées) peuvent être citées dans les solutions à potentiel : laser cladding, cold spray, jet d’azote supercritique. Les solutions innovantes ne manquent pas. Pour leur mise en œuvre, la maîtrise des interactions est indispensable.

Laser cladding sur outillage de grande dimension en fonte

Laser cladding sur outillage de grande dimension en fonte (PSA, Institut Maupertuis, CTIF).

Dans le cas du laser cladding, la maîtrise des interactions entre les paramètres laser, les alliages déposés et le substrat est indispensable. Applicable tant sur des outils d’emboutissage que sur des outillages de fonderie, les renforts en laser cladding présentent un potentiel de gain sur la durée de vie des outils avec des duretés élevées (> 500 HV) qui peuvent être atteintes y compris sur une matrice support en fonte à caractéristiques moyennes, mais dont le coût sera plus compétitif. Des modifications de géométrie sont également possibles, avec, dans le cas des essais de surface large sur plus de 20 mm de haut, des duretés correctes qui peuvent également être obtenues sur les fontes à caractéristiques moyennes.

Cold spray pour revêtement superficiel d'outillage

Principe du cold spray pour revêtement superficiel d’outillage (crédit photo : TJFU).

Dans le cas du cold spray, de nouvelles approches sont envisagées, et notamment l’association avec les effets d’un jet d’azote supercritique. La combinaison sera notamment étudiée dans le projet COSTHEDI  ayant pour objet l’étude des relations « préparation de surface microstructures – comportement à la corrosion » de revêtements obtenus par projection dynamique à froid post traités thermochimiquement, avec couplage de l’expérimentation et de la simulation numérique en application aux outillages de fonderie.

Les modes de dégradation évalués sont ici la fatigue thermique, l’érosion (moules d’injection sous pression) et l’étamage. L’enjeu est de développer des couches de poteyage innovantes, épaisses, stables et fortement adhérentes sous cyclage thermomécanique, dépôts obtenus par préparation spécifique de la surface (azote supercritique chargé), et projection dynamique à froid (Cold spray) de composites base métallique puis traitements thermiques et thermochimiques subséquents (diffusion N et ou C) à température maîtrisée tendant à former des nitrures et/ou carbures complexes.

Dans les différentes configurations (laser cladding, cold spray, jet de fluide …), des travaux de qualification et essais préalables sont nécessaires pour qualifier et anticiper les paramètres critiques, les conditions de maîtrise de la qualité finale, notamment à l’interface des matériaux. Sont également étudiés les défauts qui peuvent conditionner la fiabilité du revêtement, les contrôles à mettre en place pour garantir la robustesse du processus et enfin le comportement à l’emploi des outillages.

Dis monsieur (madame), dessine-moi un moule…

La conception du moule, c’est avant tout du savoir-faire, tant sur le choix des matériaux que sur l’optimisation des conceptions. Sans se substituer à ce savoir-faire et ce retour d’expérience humain, l’optimisation de la conception passe aujourd’hui par l’utilisation d’outil de pré-conception intégrant des règles métier spécifiques.

Dans le domaine, il est important de rappeler l’apport d’outils tels que Salsa 3D en fonderie sous pression. Destiné aux Services Méthodes et Conception des fonderies et des moulistes, Salsa 3D permet le dimensionnement de systèmes d’alimentation en fonderie sous pression (aluminium, Zamak, magnésium et laiton).

Simulation du remplissage d'un boitier en aluminium AlSi9Cu3

Simulation du remplissage (système conçu avec Salsa 3D) d’un boitier en aluminium AlSi9Cu3 (Salsal 3D développé par CTIF et valorisé par ESI).

L’approche via l’outil métier permet, par rapport à une conception empirique, l’équilibrage des pertes de charges aux attaques, la maîtrise d’un écoulement pulvérisé, l’aboutissement rapide à un système convergent et optimisé (mise au mille adaptable) ou une vitesse aux attaques maitrisée (moins de collage et d’usure moule).

Salsa 3D permet de construire un système d’alimentation sur la base de briques élémentaires, positionnées bout à bout : pastille (ou carotte), canaux d’alimentation, attaques (canal tangentiel, éventail, double tangentiel et delta central), talons de lavage. Le dimensionnement et le respect des règles métiers sont en outre très rapides (quelques minutes).

C’est ensuite l’intégration d’un modeleur géométrique dans le logiciel métier et différentes améliorations fonctionnelles (export des résultats au format Excel, calcul de coupe des canaux et attaques, tracé et définition des talons de lavage, définition automatique des raccords entre canaux, export de la géométrie au format STEP pour utilisation en simulation ou usinage de moule, modification de tracé (convergence, aplatissement des canaux…) par sélection multiple qui font la performance de l’outil.

La relative simplicité de l’outil permet trois niveaux d’utilisation possibles, du plus simple au plus complet : soit comme « boîte à outils » (prise en main rapide), soit en traçant les fibres neutres avec les outils du modeleur (tracé de ligne, en appuyant les attaques sur le contour géométrique de la pièce importée) ou soit enfin en important la pièce entière et en extrayant directement la ligne d’attaque. Ensuite, la géométrie de la grappe est récupérée pour réaliser une simulation numérique comme l’illustre la vidéo ci-dessus (couplage SolidWorks – Salsa 3D – ProCAST).

Les innovations ne sont pas finies !

Autant le dire, la révolution numérique est bien en route dans la conception de nos moules de fonderie, boîtes à noyaux, modèles et autres outillages… Les innovations sont là, tant en termes de conception que de fabrication, et ce sont les associations de compétences (conception, simulation, métallurgie, expertise, instrumentation) et l’intégration de nouvelles technologies qui font que les conceptions hier impossibles deviennent aujourd’hui réalité. La révolution n’est pas finie, et les quelques exemples cités ici sont loin d’être exhaustifs. Bienvenue dans un nouveau monde.

5 commentaires

  1. Pierre Pays dit :

    Merci Clotilde pour ce résumé très complet des moules de fonderie. Les technologies évoluent mais les mécanismes de fusion des métaux et leur impact est quelque chose d’assez stable et connu depuis longtemps. Même si les technologies avancent vite les principes généraux de métallurgie sont toujours là.

  2. Bonjour Clotilde et merci pour cet article. Un élément à rajouter de mon côté : le texturage laser des moules de fonderie sous-pression. En effet, certaines géométries de texturage laser des surfaces d’outillages permettent une amélioration notable des flux de matière en fusion (principe des écailles de poissons, par exemple). Le coût du texturage est ainsi couvert par la diminution de l’usure du moule.

    • Dimitri Germain dit :

      Bonjour Christophe,

      J’avais vu des travaux de recherche à ce sujet il y a quelques années, j’ignorais que c’était désormais en production. Combien d’injections supplémentaires peut-on envisager avec un moule ainsi texturé ? Merci.

  3. BOUDAOUD dit :

    Je recherche un logiciel permettant la conception des modèles pour fonderie à partir des pièces à réaliser.
    Le point important est la prévision des retraits de refroidissement selon la complexité des formes.
    Salutations.
    Smail B.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Smail et merci de votre intéressante question. Il n’existe pas, à ce jour, de logiciel permettant de transmuter la pièce ‘fonctionnelle usinée’ en modèle de fonderie. Il existe des règles de tracé métier qui peuvent être adaptés sur une pièce (tributaire de l’expérience du bureau d’études) et dépendant de la géométrie, de l’alliage et du procédé de réalisation. Les retraits sont en général traités par une boucle itérative de prototypage.

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