En fonderie d’alliage d’aluminium, on utilise très souvent des outillages métalliques (moulage coquille, basse pression ou fonderie sous pression) pour les moyennes ou grandes séries de pièces automobiles. Un outillage mal conçu thermiquement aura une influence durable sur la productivité, la qualité des pièces ou le prix de revient (durée de vie du moule réduite). Or, plusieurs solutions techniques sont accessibles en phase de conception ou d’utilisation du moule pour en optimiser le fonctionnement thermique : circuits et puits de refroidissement, thermorégulation, insert en cuivre (sous la surface), jet cooling, surface empreinte striée, élément de moule réalisé en fabrication additive, utilisation de caloduc, modification de portée des éléments (lame d’air) mais aussi poteyage sans eau. On vous dit tout sur la thermique d’un moule.
La thermique outillage: des enjeux de première importance
La thermique du moule est de première importance en fonderie sous pression et plus généralement dans tous les procédés de transformation à chaud en moule métallique (forge, plasturgie, MIM, extrusion, …).
En effet, la cadence de production est directement conditionnée par la capacité du moule à absorber la chaleur de la matière transformée puis à l’évacuer hors du moule. Ensuite, l’absence de points chauds dans l’empreinte (faible gradient thermique en surface) est favorable pour la santé interne des pièces. Enfin, la limitation des chocs thermiques en surface (faible gradient thermique dans la profondeur) contribue à l’augmentation de la durée de vie des empreintes par la réduction du faïençage (réseau de microfissures en surface qui s’amplifient dans le temps), la cause majeure de dégradation des moules en surface.
Les circuits et puits de refroidissement à eau
Le moyen le plus utilisé pour refroidir un moule est de positionner un réseau de circuits d’eau traversant (plus ou moins parallèle à la surface de l’empreinte) et de puits de refroidissement (perpendiculaire à la surface moulante). Le bon dimensionnement des circuits d’eau (nombre, position, diamètre, distance à la surface de l’empreinte) peut être réalisé de manière empirique. On sait ainsi par expérience que plusieurs canaux de faibles diamètres répartis sont préférables à un nombre réduit de canaux de grand diamètre.
Cependant, l’optimisation du refroidissement nécessite de réaliser des calculs de simulation numérique (ProCAST / QuikCAST) intégrant la modélisation du moule, des circuits d’eau et de la grappe et prenant en compte la montée en régime thermique (10 cycles d’injection environ) de l’outillage. De par leur complexité, certains circuits d’eau nécessitent un bouchonnage (perçage débouchant), qui peut être à l’origine de fuite durant la fabrication si certaines précautions ne sont pas prises. Deux types de bouchons sont conseillés ; des bouchons acier coniques ou bouchons « Expander» et des taraudages coniques sur l’empreinte.
Les circuits de thermorégulation
Alors que les circuits d’eau ont pour objectif de refroidir le moule, les circuits de thermorégulation vont servir à amener des calories au moule pour le préchauffer au démarrage de la fabrication en limitant les chocs thermiques et le maintenir en température en cas d’arrêts de fabrication.
Il existe deux technologies de thermorégulation ; la thermorégulation à l’huile (chauffage jusqu’à 250°C à 300°C) et la thermorégulation à l’eau (180°C sous 15 bars de pression) plus récente. Cette dernière technologie, qui a tendance à se généraliser sur les nouveaux chantiers, a pour avantages de limiter la pollution au pied des presses d’injection (en cas de fuite des circuits de thermorégulation) et de maximiser les échanges thermiques (meilleure capacité calorifique de l’eau par rapport à l’huile).
Un insert en matériau diffusif
Les empreintes de moule sont réalisées traditionnellement en acier X38CrMoV5 (dit quelquefois 5% de chrome ou H11/H13 dans les pays anglo-saxons). Ces nuances forgées, utilisées pour les éléments moulants offrent un bon compromis entre tenue aux chocs thermiques et conductivité thermique. Cependant, on peut utiliser sous la surface moulante des matériaux plus diffusifs et permettant de stocker provisoirement une plus grande quantité de chaleur. Ainsi des inserts en cuivre permettent de maximiser les échanges thermiques grâce à leur effusivité thermique très importante (x 3 par rapport à l’acier).
L’effusivité thermique (fonction de la conductivité thermique, de la masse volumique et de la capacité thermique massique) d’un matériau décrit la rapidité avec laquelle il absorbe les calories. Plus l’effusivité est élevée, plus le matériau absorbe d’énergie sans se réchauffer notablement. A contrario, plus elle est faible, et plus vite le matériau se réchauffe.
La technologie de jet cooling
Les petites broches (qui réalisent des trous borgnes dans les pièces) de diamètre extérieur inférieur à 10 mm ne peuvent pas être refroidies par un puit d’eau. Seul le poteyage permet d’éviter leur élévation en température. Malgré cela, de nombreux problèmes sont constatés en production ; défaut de type retassure en bout de broche (zone trop chaude), collage (interaction moule/métal) nécessitant des arrêts de production fréquents pour changement de broches ou encore hors dimensionnel au niveau du pré-trou.
Le jet cooling (technologie d’origine japonaise) – qui consiste à percer la broche et à injecter de manière séquentielle un flux d’eau (pendant l’injection du métal) et un flux d’air (pendant le reste du cycle) – est un moyen efficace, bien que relativement technique, de traiter la thermique des broches de faible diamètre.
Surface d’empreinte striée pour modifier la thermique d’un moule
Un moyen relativement simple pour augmenter le refroidissement d’une zone de pièce consiste à strier la surface de l’empreinte. Ces stries augmentent localement les surfaces de contact avec l’aluminium. Ces stries sont généralement utilisées sur des surfaces non fonctionnelles des pièces, là où cet artifice n’est pas pénalisant. Les stries ne doivent cependant pas créer de contre-dépouilles qui gêneraient le démoulage de la pièce.
Elément de moule en fabrication additive
Des éléments de moule de faible dimension peuvent être réalisés en fabrication métallique SLM avec la possibilité de créer des circuits de refroidissement très complexes géométriquement (conformal cooling) et impossibles à réaliser en usinage conventionnel. Si cette technologie est encore récente et donc encore onéreuse, elle offre indéniablement un potentiel important pour les zones difficiles à refroidir par des moyens conventionnels.
Utilisation de caloduc
Les caloducs (heat pipe en anglais) sont des tubes creux en acier avec un rainurage interne (réalisé par brochage) remplis partiellement par un fluide (eau, …). Dans la zone chaude (dit zone d’évaporation), le fluide interne va s’évaporer et ainsi prélever une quantité très importante de chaleur (chaleur latente de vaporisation) qui va être transmise quasi-instantanément (très faible inertie du caloduc) à la zone froide (dite de condensation) dans lequel le fluide va se condenser et libérer la chaleur qui devra être évacuée (circuit d’eau). Le fluide condensé retourne ensuite rejoindre la zone chaude par capillarité pour répéter le cycle d’évaporation/condensation.
Les caloducs présentent l’avantage de pouvoir évacuer une grande quantité de chaleur pour un faible volume d’encombrement. Leur utilisation est cependant très techniques car leur efficacité thermique est très dépendante de leur orientation dans l’espace (zone chaude vers le bas ou à l’horizontal), de leur bon dimensionnement par rapport à la zone à refroidir et ils ont besoin d’être relié à un point froid du moule (en zone de condensation) pour évacuer les calories extraites sans saturer.
Lame d’air entre éléments du moule
Si l’on souhaite au contraire limiter les échanges thermiques (et conserver les calories dans une zone de moule), on peut réaliser une lame d’air – de plusieurs millimètres – entre 2 éléments de moule (élément d’empreinte et carcasse par exemple).
Le poteyage sans eau
Le poteyage en fonderie sous pression est une phase de pulvérisation d’un produit aqueux (eau 98% et d’agents démoulant 2%) sur le moule après l’éjection et évacuation de la grappe par le bras robot. Le poteyage, qui a pour fonction de permettre le démoulage de la grappe (film lubrifiant en surface d’empreinte) mais aussi de refroidir le moule (pour garantir un temps de cycle court) est suivi d’un soufflage (buse d’air) pour évacuer l’eau résiduel de la surface avant l’injection de l’aluminium.
Le poteyage présente cependant l’inconvénient de créer des chocs thermiques très importants en surface de moule, de générer des quantités importantes d’effluents (à traiter ensuite), d’être une cause importante de non qualité (soufflure générée par l’interaction aluminium/eau résiduelle lors de l’injection) et enfin d’être très chronophage (20 à 30 % du temps de cycle total). De nouvelles technologies, dites de « poteyage sans eau » permettent de déposer – par micro-pulvérisation ou par voie électrostatique – des produits gras très concentrés (base eau ou base huile) qui ne présentent pas les inconvénients évoquées plus haut. Par contre, le poteyage sans eau a seulement une fonction démoulante et protectrice de l’empreinte et ne contribue plus au refroidissement du moule qui doit donc être conçu spécifiquement avec des circuits d’eau internes en nombre suffisants.
Une combinaison de technologies
Selon les besoins, ces différentes technologies de refroidissement (circuits et puits d’eau, thermorégulation, jet cooling, …) ont souvent combinées ensemble pour permettre un refroidissement optimisé des outillages.
Très bon article et beaucoup d’informations intéressantes. Je pense il est interesant de combiner le poteyage sans eau avec un acier très conducteur. Ces acier sont disponible au marché et developpé par la soscieté espagnoel Rovalma pour laquelle je travaille actuellement.Cordialement,, Anwar Hamasaiid
http://rovalma.com/product/htcs-130-dc/
Bonjour Anwar. Merci tout d’abord d’avoir apprécié cet article où nous avons essayé d’etre assez exhaustif dans les solutions technologiques. Et comme vous le dites, il nous semble à nous aussi tres pertinent de combiner plusieurs solutions. L’utilisation de materiaux d’empreintes hautes performances en fait partie.
Bonjour
Article intéressant et complet.
L’utilisation des 5% de Chrome avec insert cuivreux ou directement insert en TZM est une solution éprouvée et qui fonctionne.
Bonjour Frédéric et merci pour votre commentaire. Oui les inserts dans des éléments de moule en acier 5% de chrome permettent d’en doper la capacité d’extraction de calories. Et c’est mature et assez facile a mettre en oeuvre.
Bonjour DEZON
Tu parle d’un alliage cuivre chrome ou bien du chrome déposé J ai pas bien compris votre remarque
Merci bien
Bonjour Ghanmi
Quand DEZON dit « L’utilisation des 5% de Chrome avec insert cuivreux … », il veut parler de l’acier X38CrMoV5, traditionnellement appelé « 5% de chrome » (car possédant 5 % de chrome dans la masse) et l’insert cuivreux est une autre partie de moule (en alliage base cuivre) inséré en dessous de la surface du moule et permettant d’avoir un impact thermique (pour évacuer les calories) plus efficace que l’acier.
Bonjour, merci pour cet article assez exhaustif, je voudrais savoir plus en profondeur l’impact des lames d’air, d’une sur la solidification et d’autre part sur le moule.
Merci
Bonjour Malik et merci tout d’abord d’avoir apprécié notre article sur la thermique des moules. Pour répondre à votre question: une lame d’air va limiter fortement le flux thermique par conduction vers l’arrière du moule et la chaleur va donc rester davantage en surface du moule. Cela va conduire à un double effet : un temps de solidification local (là où on a positionné la lame d’air) plus important et des températures en surface d’outillage plus élevées. Les lames d’air peuvent en particulier être une solution pour favoriser la réalisation de pièces minces en moule métallique (fonderie sous pression, moulage coquille, basse pression). Nous vous conseillons la lecture d’un autre article sur MetalBlog en rapport où le concept a été utilisé par le CTIF avec succès en moulage coquille.
Bonjour, et merci bien pour cet article si important. J’ai pas tout compris sur cet article mais bon! J’ai une question pour vous; j’ai un moule en fonte pour des petits supports en aluminium de 10 cm d’épaisseur. Il se chauffe trop mais j’arrive pas à trouver la solution pour le refroidir à part l’eau sachant que l’eau a un mauvais effet sur le métal. Merci
Bonjour Pascalor et merci de votre intérêt marqué pour notre article de Metalblog sur l’optimisation de la thermique des moules métalliques. Bien compris votre problème mais la réponse est difficile sans visualiser votre moule. L’épaisseur de votre pièce en aluminium (10 cm) paraît très importante tout d’abord. Vous avez raison de ne pas privilégier le refroidissement à l’eau par l’extérieur même si c’est réalisable mais à condition d’éliminer ensuite complètement cette eau par du soufflage a l’air. Sinon, réaliser des circuits d’eau interne, augmenter l’épaisseur du moule pour mieux évacuer les calories, …, ralentissez le temps de cycle ou encore plaquer un pavé en cuivre au dos du moule pour extraire les calories. Cependant, lorsque le moule est déjà réalisé , il est souvent trop tard. L’utilisation de la simulation numérique permet notamment d’optimiser le fonctionnement thermique d’un outillage.
Bonjour l’équipe CTIF !
Un article très intéressant qui couvre de manière synthétique les grandes problématiques de thermique en fonderie sous pression et les solutions existantes.
Quelques sujets ne sont pas abordés, qui mériteraient un petit paragraphe : l’importance de la régulation thermique des parties d’outillage « pré-empreinte » (enclumes, conteneurs, douilles), le couplage fabrication additive/réduction de poteyage, et les revêtements PVD.
Quelques images d’inserts issus de fabrication additive et de conformal cooling pourraient apporter un plus !
Bonjour Nikolas et merci de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur la thermique des outillages en fonderie sous pression. Et merci pour vos suggestions.
En ce qui concerne les bouchons, je vous conseils :
https://www.baier-michels.com/en/products/closing-and-sealing-systems/
solution tester et valider
Bonjour Frédéric et merci de ce lien vers le site et de votre REX.