Les alliages de cuivre aux multiples propriétés fonctionnelles

Couverture en cuivre et béryllium d'une chambre à vide d'un tokamak

La couverture de la chambre à vide d'un tokamak (réacteur nucléaire à fusion) est constituée de dalles en cuivre et recouverte de béryllium.

Depuis environ 9 000 ans, le cuivre accompagne l’être humain. Aujourd’hui encore, de nombreuses réalisations ne sauraient s’en passer. Ainsi le projet Tore Supra (fusion nucléaire) fait appel au métal rouge dans la réalisation des Tokamak. De même, sans le cuivre, le navire « Harmony of the Sea » ne serait jamais sorti du chantier naval de Saint Nazaire car 700 tonnes de câble en cuivre ont été nécessaires à sa construction. Dans cet article, nous vous donnons les fondamentaux sur le cuivre (son histoire, ses caractéristiques, ses utilisations industrielles et les principales familles d’alliages de cuivre).

Un peu d’histoire

Développement historique des métaux dans l'histoire

Développement historique des métaux dans l’histoire et du cuivre en particulier.

Son nom vient du grec kupros (« Chypre » car ce pays possédait des mines exploitées par les Romains) via le latin aes cyprium (métal/bronze de Chypre). Le cuivre est le premier métal à avoir été utilisé par l’homme. Les plus anciens objets manufacturés en cuivre sont des aiguilles en cuivre martelé datant de 9 000 ans, découvertes à Coyonn. La raison de cette utilisation précoce est l’existence de cuivre natif c’est-à-dire à l’état métallique et ne nécessitant pas de traitement spécifique du minerai pour récupérer le cuivre, hormis sa fusion. Dès l’antiquité, les deux principaux alliages de cuivre sont utilisés : d’abord le bronze (airain) puis le laiton. Dès lors, les alliages de cuivre n’ont cessé de se diversifier, avec le cupro-aluminium à la fin du 19ème siècle et encore aujourd’hui avec le développement des alliages sans plomb.

Les propriétés du cuivre et de ses alliages

Son esthétique et son coût très inférieur à celui de l’or et de l’argent le rendent très vite incontournable pour la fabrication de bijoux ou de statues. Ainsi, le Colosse de Rhodes dans l’Antiquité ou la statue de la Liberté utilisent tous deux la même technique de plaques de cuivre fixées sur une armature (en bois pour le colosse de Rhodes ou en fer pour la statue de la Liberté). Les caractéristiques mécaniques de ces alliages, en particulier du bronze, font que les premières armes ont été réalisées avec ce métal jusqu’à ce que les progrès techniques permettent d’obtenir du fer (puis de l’acier). Néanmoins, les canons resteront en bronze jusqu’à la guerre de 1870 durant laquelle les canons prussiens en acier Krupp ont montré leur supériorité sur les canons français en bronze.

Évolution dans le temps de la consommation mondiale de cuivre

Évolution dans le temps de la consommation de cuivre au niveau mondial.

La tenue à la corrosion des alliages de cuivre a été mise à profit pour la réalisation des premiers instruments scientifiques tels que boussoles, chronographes, sextants, ou autres pièces métalliques des navires. Les propriétés anti-biofouling du cuivre sont mises à profit dès le 17ème siècle. Les navires en bois étaient alors « taraudés » par le taret (mollusque bivalve s’attaquant au bois  dans l’eau de mer). L’apposition de plaques de cuivre a permis ainsi de prolonger la durée de vie des coques sous réserve cependant de ne pas utiliser de clous en fer pour les fixer.

Aujourd’hui, l’important effet bactéricide des alliages de cuivre (Cu>60%) est utilisé pour lutter contre les maladies nosocomiales et la propagation des bactéries (hôpitaux, crèches, …). Mais c’est la découverte de l’électricité et son développement industriel qui ont conduit à l’essor de l’utilisation du cuivre (figure ci-dessus). Le cuivre s’est fait plus discret, miniaturisation oblige, mais les applications électriques représentent encore plus de la moitié du tonnage du cuivre et de ses alliages.

Des propriétés de mise en forme exceptionnelles

L’utilisation du cuivre et de ses alliages s’expliquent donc par leurs propriétés fonctionnelles mais aussi par des propriétés de mise en forme exceptionnelles. Les alliages de cuivre peuvent être coulés (tout procédé), laminés, forgés, étirés, filés …. La grande ductilité du cuivre permet en effet de fabriquer des fils de diamètre 0,25 mm en partant d’un diamètre de 8 mm sans recuit intermédiaire et avec des vitesses pouvant atteindre 50 m/s.

Enfin, la fonderie d’alliage cuivreux est l’exemple parfait du recyclage. Les alliages sont en effet élaborés à partir de scraps (déchets) : toiture en zinc et en cuivre, plaque offset, pièce de robinetterie (compteur, robinet…), fils électriques, étui de munition, pièces de monnaie… On considère en particulier que 80% du cuivre alors utilisé dans l’Antiquité est toujours utilisé (après un grand nombre de refusions et transformations).

Le cuivre, pour quoi faire ?

Il suffit de regarder autour de nous pour observer que nous sommes cernés par le cuivre et ses alliages. Il est présent dans de nombreux domaines industriels. Ainsi le bâtiment (plomberie, robinetterie, canalisations, chauffage, toitures, ascenseurs, systèmes incendie…) l’utilise massivement. Ensuite, les applications électriques (circuits imprimés, télécommunications, informatique, câbles, générateurs, moteurs, transformateurs…) font appel à ses performances pour un peu plus de 50 % du tonnage.

On retrouve le cuivre dans les secteurs de l’industrie et de l’équipement (roulements à billes, pistons, bagues, outillages, machines industrielles, machines agricoles, pompes…), qui représentent 10 % du tonnage. Enfin, les transports représentent 8 % environ des applications (automobile, matériel ferroviaire, navires, avions).

N’oublions pas enfin les pièces de monnaies, la bijouterie et les ustensiles culinaires. L’utilisation de bassines en cuivre permet ainsi de favoriser la polymérisation de la pectine (gélification) par l’intermédiaire des ions Cu2+.

Quels alliages de cuivre ?

Conductivité électrique (IACS) des différents alliages de cuivre

Conductivité électrique (IACS) et tenue mécanique des différents alliages de cuivre.

En replaçant le cuivre et ses alliages sur un diagramme conductivité IACS (International Annealed Copper Standard)/tenue mécanique, on s’aperçoit que les alliages à forte tenue mécanique ont généralement une plus faible conductivité. Aujourd’hui, il n’existe pas d’alliage « miracle » présentant à la fois la conductibilité du cuivre pur et la résistance mécanique du cupro-aluminium.

Le cuivre pur

Excellent conducteur électrique et thermique et doté d’une bonne résistance à la corrosion, le cuivre est utilisé pour la fabrication de fils et autre pièces électriques/électroniques (guide d’ondes), de tubes de plomberie ou industriels. Principalement issues de corroyage, les pièces en cuivre pur peuvent être aussi obtenues par moulage mais avec une conductibilité plus limitée (< 95 % IACS). Sa limite est une faible résistance mécanique.

Les cuivres peu alliés

L’addition de chrome, de zirconium, de cobalt ou encore de nickel + silicium permet de renforcer le cuivre mais au détriment de la conductibilité. En particulier, le CuCr permet de conserver une conductivité électrique de 80 % de celle du cuivre pur mais avec une résistance mécanique considérablement augmentée. Cette nuance est utilisée pour réaliser, entre autres, des pièces de robot de soudage.

Les bronzes

Cloche en bronze Cornille Havard

Cloche en bronze (crédit photo : fonderie Cornille Havard).

Si légalement, le terme bronzes peut s’appliquer à tout alliage contenant plus de 65 % de cuivre (loi du 10 mars 1935), le terme bronze désigne ici l’alliage cuivre-étain. Les bronzes présentent de bonnes propriétés mécaniques. En particulier, la présence de la phase intermétallique delta leur permet d’atteindre des valeurs élevées de dureté (> 120 HB). Cette phase confère aussi une excellente sonorité aux bronzes à haute teneur en étain (> 20 %) d’où leur utilisation dans l’art campanaire. En contrepartie, cette phase fragilise l’alliage et la teneur de 25 % d’étain n’est jamais dépassée et rarement utilisée.

L’ajout de plomb permet d’associer une phase fusible (plomb) et la phase dure delta pour réaliser des paliers autolubrifiants. Leur résistance à la corrosion ont fait des bronzes des alliages pour la robinetterie extérieure. Leur aptitude à la patine en font les alliages des sculpteurs par excellence.

Les laitons

La teneur élevée en zinc des laitons (jusqu’à 40 %), permet d’abaisser le prix de la matière. Le zinc permet aussi de durcir l’alliage. La plupart des nuances de laitons contiennent du plomb (≈1%) pour favoriser leur usinabilité et/ou de l’étain pour améliorer la tenue à la corrosion. De l’automobile à l’ornement, les laitons sont utilisés dans tous les secteurs industriels. Le laiton 60/40 (60 % de cuivre et 40 % de zinc) est la nuance la plus connue.

Les cupro-aluminiums

Derniers développés, les cupro-aluminiums se sont imposés dans la réalisation de pièces mécaniques devant résister à la corrosion ou à la cavitation (vanne papillon, roues Pelton et Francis, hélice de bateau, moules de verrerie, pièces de caténaires, …). Pour de nombreuses applications, ils concurrencent les Inox. En plus de l’aluminium, ils contiennent principalement du fer pour les propriétés mécaniques et du nickel pour la tenue à la corrosion.

Les cupro-nickel et les cupro-manganèse

Diagramme de phase cuivre-nickel

Diagramme de phase cuivre-nickel.

Alliages préférés des apprentis métallurgistes, les alliages cuivre nickel sont surtout utilisés pour leur tenue à la corrosion en milieux extrêmes : eau de mer chaude (CuNi10-30) vapeur de H2S (NiCu10-30 appelé Monel). Par contre, le coût élevé du nickel n’est pas sans effet sur le prix des pièces. Bien que d’une utilisation plus confidentielle, les cupro-manganèses se caractérisent par une capacité d’amortissement supérieure à celle des fontes.

Un grand choix de nuances

Les nombreuses familles de cuivre disponibles (cuivre pur, laiton, bronze, cupro-aluminium, cupro-nickel, …) permettent d’adapter finement le choix de la nuance en fonction des contraintes d’utilisation de la pièce. Si le cuivre et ses alliages peuvent être dans certains cas mis en concurrence avec d’autres alliages (acier, …), ils sont dans de nombreux autres cas incontournables (conductivité électrique, tenue à la corrosion, anti-bactéricide, …) de par leurs performances.

21 commentaires

  1. Jean-Michel Royer dit :

    Très bon article!

  2. Nicolas dit :

    Très bel article merci

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Nicolas. Merci de votre avis sur notre article. Nous sommes convaincus des multiples applications des alliages de cuivre et MetalBlog contribue à mieux les faire connaître dans toute leur diversité.

  3. vibert dit :

    Un article sur les cuivreux, ça change !

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Thierry
      Oui, sur MetalBlog, nous traitons des différentes métallurgies et donc des cuivreux aussi. Nous n’avions pas encore publié d’article sur le metal rouge mais le blog est encore jeune et il faut un début a tout, comme on dit.

  4. Olivier Gouriou dit :

    Super d’avoir partage ce résumé. Les cuproalu ont tendance à être mis de côté au profit des inox, mais c est souvent faute d’une connaissance suffisante de ces alliages. Il existe un super guide « Guide to aluminium bronze for engineers » édité par le Copper Institute.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Olivier. Effectivement,certains matériaux métalliques ne sont pas assez connus par les BE. C’est aussi notre objectif sur MetalBlog de mieux les faire connaître et de susciter l’envie de les utiliser.

  5. Nicolas LOUIS dit :

    Bonjour M.Stucky,

    Très bon article qui complète les cours que vous nous aviez fait à l’ESFF.
    J’aurais une question pratique sur la métallurgie des Cupro-Nickel. Quels sont les éventuels problèmes que l’on pourrait rencontrer à la refusion du nuance type Monel (oxydation? type d’inclusions? etc.)

  6. Shems dit :

    Très bon blog, je suis même tech en métallurgie et je vous remercie pour ces infos. D’ailleurs, le blog est bien placé en référencement Google.

  7. Bonjour,
    Je voudrais savoir quel alliage ont optiendrési ont faisait fondre du fer puis du cuivre. Est-ce que les deux éléments se mélange ?
    Cordialement.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Raphael. Merci de votre intéressante question. Oui, on peut faire fondre fer et cuivre et les liquides se mélangent (miscibilité totale à l’état liquide). Par contre, à l’état solide, comme pour de nombreux alliages, il n’y a pas miscibilité totale et l’alliage présentent deux ou plusieurs phases que l’on observe facilement au microscope. Il existe d’ailleurs quelques alliages de cuivre dont l’élément d’addition principale est le fer (ex CuFe3P) mais pas seul. On le retrouve aussi en tant qu’élément d’addition mineur dans les cuproaluminiums, les laitons HR,… Inversement, on peut ajouter du cuivre dans certains aciers ou certaines fontes

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Magnon86. C’est nous qui vous remercions de votre intérêt pour cet article de MetalBlog sur les alliages de cuivre. Car un blog sans lecteurs, c’est un peu comme un four de fusion sans métal dedans, comme on dit.

  8. Dorothee hermann dit :

    Très bon article de Michel, qui connaît parfaitement le monde des cuivreux. Un monde un peu à part, presque confidentiel, avec des alliages qui permettent une grande adaptation aux process clients. Les Laitons qui ont des propriétés de ductilites de RmRp, permettant de travailler aussi bien dans le roulage jusqu’aux application automobiles ou haute ressistance pour les laiton HR. Les cuproluminium avec des caractéristiques mécaniques très fortes et une bonne résistance à la corrosion.
    Un monde fascinant, en effet ça fait du bien de voir des articles sur les cuivreux, car souvent les theories et les expérimentations qui sont valables pour les aciers et les alus ne le sont pas pour les cuivreux.

    Merci Michel Stucky.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Dorothee et merci d’avoir apprécié cet article de MetalBlog sur les alliages de cuivre. Comme vous dites, les alliages cuivreux ont de multiples applications. Ils peuvent servir à fabriquer, comme les Lego 🤣, de très nombreux produits. Et nos Experts, dont Michel, sont au service des diverses problématiques (R&D, métallurgie, process, conception, caractérisation, …) de nos clients.

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