Le magnésium dans l’automobile – vers des structures allégées

Magnésium dans l'automobile

Dossier de siège automobile en tôle de magnésium. Même après un bon repas (copieux), on s'y sent léger...

Les alliages de magnésium offrent un potentiel intéressant grâce à leurs multiples propriétés : légèreté (1,7 g/cm3 contre 2,7 g/cm3 pour l’aluminium), possibilité de réaliser des pièces complexes (intégration de fonction) avec zones fines (bonne coulabilité), caractéristiques mécaniques spécifiques intéressantes (ramenées à la masse volumique), cadences de production supérieures (20 %) à celles de l’aluminium, bonne capacité d’amortissement, bonne tenue à chaud (fluage) et enfin une bonne usinabilité (puissance de coupe nécessaire de 1,8 pour l’aluminium contre 1 pour le magnésium).

Les procédés de transformations

Chaîne de montage automobile

Des pièces en aluminium en très grand nombre, mais un volume de magnésium encore limité.

La fonderie sous pression chambre froide est clairement le procédé leader (> 90 %) pour la transformation des alliages de magnésium avec quelques spécificités par rapport aux alliages d’aluminium : vitesse du métal aux attaques plus grande (80 m/s au lieu de 50 m/s), temps de cycle plus court (-15  % à 20 %). On utilise également le moulage en sable ou plus rarement la fonderie de cire perdue. Dans tous les cas cependant, le four de fusion/maintien doit être inerté par un gaz de protection (mélange d’air sec + C02 + SO2 + SF6) pour éviter l’inflammation et l’oxydation. Le gaz SF6, s’il est très efficace pour inerter le bain liquide n’en reste pas moins un gaz à effet de serre très impactant. Enfin, le thixomolding est un procédé récent, encore en croissance, utilisé en Asie, qui permet de rester en phase pâteuse (chips de magnésium extrudé dans une vis sans fin) et de s’affranchir en partie de la protection par un gaz inertant. La sécurité enfin occupe une place importante durant l’étape de transformation (atelier magnésium séparé, exercice pompier…).

Les alliages de magnésium

Il faut distinguer les alliages standards utilisés en fonderie sous pression (AZ91HP, AM50 et AM60) pour le marché automobile des autres alliages haut de gamme (AE42, AM20, AS21, AS41…, AZ80) dopés au zirconium et aux terres rares pour en améliorer les caractéristiques mécaniques pour le marché aéronautique. Ces derniers sont cependant beaucoup plus onéreux. Les ressources minières en magnésium sont relativement importantes et bien distribuées; le magnésium étant même le 4éme élément le plus abondant (après le fer, l’aluminium et le silicium) de la croute terrestre. Son utilisation est en croissance constante (400 000 t/ an en 2000 contre 900 000 t/an en 2015 au niveau mondial). Il faut bien noter que la fonderie sous pression d’alliage de magnésium ne constitue que le tiers environ (300 000 t/an) de son utilisation. Le magnésium est en effet largement utilisé également comme élément d’alliage pour l’aluminium (AlSiMg0.3, AlMg3Ti…), pour l’inoculation de la fonte GS, la désulfuration de l’acier ou l’affinage du titane. Les tonnages du magnésium en fonderie sous pression au niveau mondial restent encore très modestes (300 000 t/an) quand on les compare à ceux de la fonderie sous pression aluminium (6 000 000 t/an environ), même s’ils sont en croissance régulière.

La Chine, acteur incontournable

Acteur modeste il y a encore 25 ans, la Chine est devenue aujourd’hui le leader de la production de magnésium primaire avec près de 90 % du marché mondial. Le Brésil, Israël (Dead Sea Magnesium), la Russie et le Kazakhstan sont des acteurs de faible poids par rapport à l’empire du milieu.

Les applications dans les industries automobile, aéronautique et électronique

A ce jour, les applications du magnésium sont dans l’industrie automobile, l’aéronautique militaire (et les hélicoptères), dans l’AVIT -Audio-Vidéo-Informatique-Téléphonie – (boîtier de caméra, coque de manette de jeu ou de smartphone…) et le loisir (cycle, outillages portatifs…). Les pièces automobiles qui ont fait l’objet d’applications du magnésium sont les supports de colonne de direction, les armatures de volant, les couvre-culasse, les corps de boîte de vitesses (AZ91D), les tableaux de bord, les panneaux de porte, les structures de portes et de sièges, les carters et collecteurs d’admission, les jantes (AZ91D, AM60B) et plus généralement des pièces diverses à l’intérieur de l’habitacle en remplacement du mécano-soudé. Seule l’armature de volant en magnésium AM50 est devenue incontournable en remplacement du surmoulage aluminium d’un insert en tubes en acier. Les constructeurs nord-américains (Ford, GM) sont des gros utilisateurs de magnésium dans leurs modèles.

Les freins au développement

Les freins à une plus grande utilisation du magnésium sont encore nombreux et ne pourront être levés que progressivement. La sécurisation des approvisionnements et les coûts matière fluctuant constituent sans doute le frein majeur car ils rendent problématique la décision de lancer des projets magnésium qui s’étaleront sur 10 ans pour une nouvelle génération de véhicule. En effet, la mainmise de la Chine sur ce métal et les inconnues sur la stratégie future (exportation de lingots vs exportation de véhicule) constituent une menace sur la stabilité des cours. Le faible tonnage au niveau mondial et la décision par exemple d’un constructeur d’augmenter l’utilisation du magnésium peut aussi booster la demande et faire décoller le cours du métal qui dans le passé (2005) a déjà connu des épisodes de forte hausse des prix (passant ainsi de 2000 $/t à 6000 $/t en 3 ans).

La recyclabilité des alliages de magnésium est également un frein. En effet, le recyclage est plus complexe (protection, nettoyage, risque de perte des caractéristiques mécaniques…) que celui des alliages d’aluminium et n’est quasiment pas pratiqué en interne par les fondeurs qui renvoient leurs grappes et rebuts aux affineurs, ce qui engendre des surcoûts.

Enfin la forte tendance à l’oxydation des pièces en magnésium nécessite une protection anodique, un mordançage et une peinture pour les protéger. De plus, les phénomènes de corrosion galvanique lors de l’assemblage de pièces magnésium avec d’autres métaux (tôle en acier, aluminium…) nécessitent de déployer des solutions spécifiques (enduit d’isolation, vis lisse pour éviter un perçage…).

Les nouveaux développements

De nouveaux développements voient le jour pour des applications magnésium. Tout d’abord, des alliages à tenue au feu optimisée (Elektron 21) pourraient permettre au magnésium de percer dans l’aéronautique civil (structures intérieures de cabine), là où la réglementation est très stricte et excluait jusqu’à présent de facto le magnésium. On peut noter également que de nombreux constructeurs (GM, Renault Samsung Motors…) s’intéressent à la mise en forme de tôles de magnésium pour des panneaux de coffre ou des structures de siège.

Une utilisation généralisée dans l’industrie automobile ?

Les alliages de magnésium présentent, on l’a vu, de nombreux avantages techniques (allégement, tenue au fluage….) mais possèdent également des verrous techniques (corrosion galvanique, recyclage…). Si les réserves en matières premières sont importantes à long terme, des incertitudes à court terme liées à la dépendance à la Chine et à un cours matière pouvant être très fluctuants freinent le développement de la filière. On constate cependant sur 20 ans un développement régulier des applications (automobile, électronique…) du magnésium.

Les conditions technico-économiques en industrie automobile sont vraisemblablement peu favorables à un usage intensif et généralisé à court terme, mais sans doute à une utilisation ciblée et à une montée en puissance moyens terme.

11 commentaires

  1. Jean-François Dionne dit :

    Le Mg est déjà bien utilisé dans l’industrie automobile mais comme la densité est très faible, la proportion par rapport aux autres métaux reste modeste. Les alliages de Mg sont très adaptés à tous les éléments internes de l’habitacle qui sont à l’abri des intempéries. On retrouve donc des tableaux de bord ou autre pièces de bonnes dimensions. Ces alliages présentent un avantage net sur les polymères en termes de propriétés mécaniques sans trop sacrifier le poids.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Jean-François et merci pour votre commentaire sur l’utilisation du magnésium dans l’automobile. Bien d’accord avec vous sur l’utilisation pour des pièces a l’intérieur de l’habitable et les avantages par rapport aux polymères. Sur le long terme, le magnésium devrait encore se développer de manière importante dans les transports.

  2. François Bouchard dit :

    L’ajout de Mg, bien que souhaitable dans une perspective de réduction du poids, n’est pas une fin en soi. C’est la réduction du poids, qui l’est. Avant de se lancer tête baissée dans l’introduction de nouveaux alliages – ou d’éléments – il faudrait se demander comment la filière « recyclage » voit la chose.

    • Jean-François Dionne dit :

      Certes François, mais ne faut-il pas aussi atteindre une certaine masse critique pour justifier le développement des filières de recyclage ?

      Prenons l’exemple des accumulateurs au Li qui seraient moins chers à fabriquer qu’à recycler (j’ai lu un article dans ce sens, toujours actuel ?) et on les produits en masse tout de même… combat similaire je dirais.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour François et merci pour votre réflexion sur le recyclage. Comme tous les métaux, les alliages de magnésium se recyclent. Les procédés de recyclage sont cependant plus complexes que pour l’aluminium en particulier pour éviter l’oxydation et l’inflammabilité à l’état liquide. Mais les filières de recyclage existent.

  3. Florentin Moreau dit :

    Bonjours messieurs,
    Je pense que le facteur concernant la dangerosité de la mise en œuvre de cette alliage est également à prendre en compte. Il y a plus d’une fonderie qui ont réduit ou abandonné leurs chaînes de production en magnésium pour se concentrer sur leurs autres alliages.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Florentin. Le magnésium liquide s’enflamme au contact de l’air ambiant. Pour contrer ce phénomène, on procède à sa fusion sous gaz inerte. Des mesures de sécurité spécifiques, de la rigueur et des exercices réguliers avec les services des pompiers sont nécessaires. Ainsi, au CTIF, la fonderie expérimentale fait l’objet de mesures de sécurité particulières lors de fusions de magnésium. Mais vous avez raison, le magnésium présente un risque d’incendie qu’il est important d’appréhender.

  4. Benoît MARGUET dit :

    Comme le décrit cet article, le magnésium est aujourd’hui absent de l’aviation civil pour des problèmes principalement de corrosions et de tenue au feu. Des solutions arrivant sur le marché pour remédier a ces contraintes, je prends le pari que le magnésium a un bel avenir dans l’aéronautique.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Benoît et merci tout d’abord pour votre commentaire. Pour avoir travaillé sur le sujet, nous sommes convaincu, nous aussi au CTIF, de l’avenir des alliages de magnésium dans l’aéronautique.

  5. Est-ce que la teneur en magnésium dans les alliages est de nature à rendre plus inflammable une voiture comme cela est le cas pour les avions dont la carlingue peut être réduite en poussière lors d’un incendie ?

    • Le CTIF dit :

      Bonjour François et merci de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur le magnésium. Dans un véhicule automobile, il peut y avoir des pièces en alliage de magnésium (donc majoritairement composées de Mg), très peu nombreuses à l’heure actuelle et des pièces en aluminium (en beaucoup plus grand nombre) qui contiennent moins de 1 % de Mg. Dans un cas comme dans l’autre, le Mg ne contribue pas à l’inflammabilité du véhicule. Dans le cas de l’aéronautique civil, les pièces en alliage de Mg ne sont pas utilisées (par principe de précaution). Les incendies qui peuvent se produire sont donc déclenchées par le kérosène des réservoirs et non pas par les pièces en magnésium. Il est utile de rappeler que beaucoup d’idées fausses circulent sur la dangerosité du magnésium à l’état solide qui ne s’enflamme que très difficilement. Ce qui n’est pas le cas du magnésium à l’état liquide (lors de sa transformation en fonderie) et des copeaux de magnésium, qui eux peuvent s’enflammer et font donc l’objet de conditions de sécurité bien particulières (gaz de protection, …) chez les industriels.

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