Maîtriser l’élaboration des fontes par l’analyse thermique

Coulée de lingots ferreux

L'analyse thermique, un outil précieux pour mieux maîtriser l'élaboration métallurgique des fontes et avoir des réponses rapide (avant même de couler les pièces).

En fonderie de fonte, contrairement aux autres familles de matériaux, la maitrise de la composition chimique ne suffit pas pour garantir la bonne santé interne des pièces ou la structure conforme de la matière. Les caractéristiques obtenues sur pièces dépendent des conditions d’élaboration (composition du lit de fusion, conduite de la fusion, inoculation, traitement de sphéroïdisation). L’analyse thermique des fontes est une technique séduisante qui permet, en enregistrant puis en interprétant la courbe de refroidissement du métal liquide, d’avoir accès en temps réel à des informations sur sa composition (Ceq, % carbone, % silicium…), sur sa solidification (tendance à la retassure, densité de particules de graphite) et sur les caractéristiques mécaniques du métal solidifié (Rm, HB).

Historique

Qualification de la fonte liquide avant coulée

Qualifier la fonte liquide avant la coulée (analyse thermique, composition chimique, température…) est essentiel !

L’influence de la composition chimique (essentiellement les teneurs en carbone et en silicium), est à la base de la principale application industrielle de l’analyse thermique (la détermination des teneurs en carbone et en silicium de la fonte liquide) qui date de près de 50 ans… l’intérêt pour cette méthode de contrôle n’est donc pas récent.

Michel Hecht et Willy Van der Perre furent parmi les précurseurs de cette méthode d’analyse. Toutefois, ce n’est véritablement que depuis la fin des années 1990 que l’analyse thermique s’est développée industriellement, avec la démocratisation des moyens informatiques et avec l’apparition de logiciels de contrôle de production distribués par plusieurs fournisseurs.

Le principe de l’analyse thermique

L’analyse thermique consiste à enregistrer la courbe de refroidissement de la fonte lors de sa solidification (dans un petit godet ad hoc en sable à prise chimique) et à interpréter cette courbe pour en déduire des informations sur sa composition et ses caractéristiques comme la tendance à la retassure ou la morphologie des particules de graphite.

Les points singuliers de cette courbe (et sa dérivée première) peuvent être reliés à un phénomène métallurgique particulier : solidification du premier constituant (T Liquidus), solidification de l’eutectique (longueur du palier eutectique), densité de particules de graphite (surfusion et recalescence), fin de solidification (T Solidus) …. Les différentes informations tirées de cette courbe sont ensuite interprétées. L’analyse thermique permet ainsi d’avoir accès en temps réel à des données d’une fusion (carbone équivalent, %C, %Si, indice d’inoculation…) avant même que les pièces ne soient coulées et sans examen destructif coûteux.

L’analyse thermique conventionnelle

Plusieurs études démontrent que l’analyse thermique utilisée de manière « conventionnelle » c’est-à-dire sans l’assistance de logiciels spécifiques de traitement de données, s’avère être un outil puissant pour le contrôle de la qualité métallurgique de la fonte, permet de suivre l’évolution de cette qualité en fonction des paramètres processus, permet de détecter une anomalie dans ce processus et laisse envisager des corrections, et permet de comparer différents produits de traitement entre eux et donc d’optimiser les consommations et les coûts.

Cette approche conventionnelle utilise la régression simple ou multiple sur des paramètres tirés de la courbe d’analyse thermique. Les dispersions s’avèrent être importantes et une approche statistique est ainsi indispensable pour s’assurer du degré de fiabilité des informations données par l’analyse thermique, depuis le prélèvement de l’échantillon de métal liquide jusqu’au traitement de la courbe de température.

La chaîne de mesure doit en particulier être juste et répétable. Ce point est d’autant plus important que les facteurs influents sur les paramètres de la courbe d’analyse thermique sont nombreux et parfois non contrôlés (présence d’éléments chimiques résiduels, activité de l’oxygène,…).

Les systèmes experts d’analyse thermique

L’utilisation de logiciels spécifiques permet d’exploiter de manière différente les courbes d’analyse thermique, en faisant appel à des concepts d’intelligence artificielle. Ces logiciels d’analyse thermique réalisent un auto-apprentissage à partir des données réelles : caractéristiques microstructurales, analyses spectrométriques, résistance mécanique… rentrées par l’utilisateur à posteriori.

L’acquisition d’un grand nombre de données durant une phase d’apprentissage permet de « caler » les modèles théoriques à l’environnement spécifique de chaque fonderie. Cette phase d’apprentissage peut être relativement longue mais est incontournable pour bénéficier des possibilités de prédiction du dispositif.

Ces logiciels d’analyse thermique pour la fonderie sont commercialisés –entre autres-par :

  • Novacast avec le logiciel ATAS pour Adaptative Thermal Analysis System (dans lequel un système expert est utilisé pour interpréter les courbes). Novacast un l’un des précurseurs de l’analyse thermique,
  • Foseco-Vesuvius et Proservice Srl pour l’ITACA 8 (Thermal analysis Software),
  • Heraeus Electro-Nite avec le QuiK-Lab-E thermal analysis instrument et le godet QuiK-Cup,
  • Azterlan qui a développé le logiciel Thermolan (pour la fonte et l’aluminium),
  • Northern Instruments Ltd avec le DIGICARB 2D et 3,
  • Elkem qui propose EPIC,
  • Fassmet (Foundry assistance in metallurgical technologies) qui propose TCAST.
  • MeltLab Systems (D.SPARKMAN – Etats-Unis)

Intérêt de l’analyse thermique

L’analyse thermique peut devenir un vrai « centre de contrôle » de la qualité de la fonte élaborée, contrôler le processus de fusion et ainsi limiter le taux de rebuts liés à des causes métallurgiques. Cette méthode permet en effet de mesurer la teneur en carbone et en silicium de la fonte, calculer le carbone équivalent (Ceq), quantifier les effets d’un produit (recarburant ou inoculant), prédire la nodularité des fontes à graphite sphéroïdal et réduire le risque de graphite dégénéré,, avoir un meilleur contrôle de la tendance à la retassure (FGL et FGS) , évaluer les propriétés mécaniques (Rm) et la dureté (HB) avant coulée et enfin suggérer des corrections métallurgiques en cas de dérive

Un outil puissant nécessitant un know-how spécifique

En conclusion, l’analyse thermique est un outil puissant, capable de fournir des informations de premier ordre sur le processus d’élaboration et les caractéristiques métallurgiques de la fonte et son aptitude à réaliser des pièces de santé interne et de microstructure conforme. C’est cependant un outil qui reste d’utilisation pointue et demande une chaîne de mesure performante, une adaptation au cas par cas à chaque fonderie et un personnel bien formé.

20 commentaires

  1. Jerome chaffard dit :

    Bonjour,
    les premiers résultats que j’ai pu observé sur des fontes en FGS avec un taux de silicium important m’indiquait que la meilleur configuration n’était pas le milieu de la tolérance mais des extrémités basse sur certain critère.
    Les recherches effectuées en analyse thermique sont orientés plutôt sur des FGL que sur des FGS ?

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Jérôme,
      Il nous semble toujours préférable de se situer en milieu de fourchette de tolérance. Ce point milieu optimal étant issu, entre autres, de l’analyse thermique. L’analyse thermique concerne essentiellement les FGS. Elle est quelquefois utilisée pour les FGL (détermination du C et Si avant coulée) mais apporte beaucoup moins d’informations que pour les FGS.

  2. MONTMARTIN dit :

    Il existe aussi un système d’analyse thermique chez O.C.C. (Allemagne), société qui aurait été acquise récemment par HEREAUS ELECTRO-NITE.

    Egalement, aux U.S.A., le système AT – MELTLAB, de D.SPARKMAN.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour André et merci pour ces précisions techniques sur l’analyse thermique des fontes. Nous avions bien cité Heraeus, mais pas MeltLab Systems (aux Etats-Unis). Nous l’avons rajouté à notre liste de systèmes d’analyse thermique.

  3. Salembien Stéphane dit :

    Bonjour, je travail actuellement aux Aciéries et Forges d’Anor dans le secteur de la fonderie.
    Nous évoluons sur une tendance fonte GS , mais a la base nous sommes des fondeurs d’aciers.
    J’aimerai avoir une analyse de base pour les fontes GS type 400.15, 500.7, 700.2.
    Nous analysons actuellement les fontes GS avec une analyse thermique + une analyse au spectro
    afin de voir le pourcentage en magnésium.
    Voici une analyse thermique pour une GS700.2: C:3.5 ; Si:1.5 avant ajout du magnésium et inoculant en poche.
    Le résultat final au spectro avec la médaille en poche est: C:3.4 ; Si:2.6 ; Mg 0.05 .
    La température au four étant de 1400° , la temp au moule 1340° pour une pièce épaisse de 150mm.
    Sur ces pièces nous avons des problèmes de retassures.
    Est-ce un problème d’analyse ou de températures? Nos poches ne sont pas conçu pour la GS.
    .

    • Michel.turlan - Foseco dit :

      A priori c est un problème d analyse thermique : avec un carbone a 3.5 sur la fonte de base , vous etes hypo et la phase de retrait est importante. Il faut viser un carbone plus élevé 3.7 sur la fonte de base pour obtenir une fonte traitée a l eutectique et utiliser la phase d expansion.

    • Cyrille Vial dit :

      Bonjour Sébastien,
      pour une 700.2 il faut environ 3,6% C, 1,7% Si, 0,8% Mn et 0,9% Cu.
      Donc, dans ta fonte de base tu as trop de FeSi, considère que ton FeSiMg dans ta poche de traitement t’apporte 0,7% à 0,8% de Si en plus par rapport à l’analyse thermique.
      Pour une pièce de 150 mm j’abaisserais la T° de coulée au pied du moule à 1320°C et si c’est une coulée directe mettre une poudre exothermique sur le manchon pour réduire sa vitesse de refroidissement.

  4. Frank TIOGUEM dit :

    Merci pour vos publications. Elles sont très intéressantes à chaque fois!

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Franck. Merci de nous suivre sur MetalBlog très régulièrement et d’apprécier nos articles. N’hesitez pas a nous suggérer des thèmes de publication.

  5. Fonderies de brousseval dit :

    Bonjour comment arriver à maîtriser la dureté. Elle toujours très haute. Merci infiniment.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour et merci pour votre question fort intéressante à laquelle il n’y a pas de réponse simple.
      Il convient tout d’abord de s’assurer qu’il n’y a pas de carbures primaires, à supprimer le cas échéant en limitant les résiduels tels que Cr et Mo, et en améliorant l’inoculation. Dureté et caractéristiques mécaniques sont liées, donc réduire la dureté aura un impact sur la résistance de la fonte et donc sa nuance. Le couple dureté–résistance est le résultat d’un équilibre entre de nombreux paramètres, certains ne pouvant pas être modifiés, comme la vitesse de solidification (liée à la géométrie de la pièce et le type de chantier de moulage). Dans le cas d’une fonte GL, une forme plus trapue des particules de graphite (en particulier avec des bords arrondis) augmentera la résistance et permettra de réduire la dureté en diminuant le taux d’éléments d’alliage ou augmentant le « carbone équivalent ». Dans le cas des fontes GS, c’est plutôt la structure de la matrice (les proportions de ferrite et de perlite) qui définit le niveau de résistance, la teneur en carbone étant sensiblement constante d’une GS à l’autre. Une grande finesse de répartition des sphéroïdes et une excellente nodularité augmentent toutefois les caractéristiques mécaniques et affectent peu la dureté ; dans ce cas, une augmentation du taux de ferrite (augmentation de la teneur en silicium et/ou diminution des teneurs en manganèse et en cuivre) permettrait de réduire la dureté sans perdre de résistance.

  6. Moussa dit :

    Bonjour,

    Récemment nous avons rencontré un problème sérieux de goutte froide dans des pièces moulées en Disamatic. pièces en GL250.

    Que pensez vous de cet problème ?

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Moussa et merci de votre question. Les « gouttes froides » sont des inclusions métalliques, souvent sphériques et situées en partie inférieure des moulages. Leur composition chimique est identique à celle de la pièce, avec dans le cas des fontes, souvent une structure « blanche » due à un refroidissement rapide. Elles sont souvent également, entourées d’oxydes. Les gouttes froides ne sont pas des défauts dus à l’élaboration. Il s’agit de gouttes de métal liquide pénétrant prématurément par les évents et tombant dans le fond du moule, et solidifiées avant que le métal ne remplisse le moule. Ces gouttes peuvent également être dues à un régime de remplissage très turbulent, avec des projections de métal au cours même du remplissage. Les remèdes portent essentiellement sur des précautions spécifiques et un dispositif de coulée moins turbulent.

  7. JACQUIER dit :

    Bonsoir,

    Si je vous donne les caractéristiques d’une fonte, relevés par analyse labo,
    pouvez qualifier la fonte dont il s’agit et me dire si elle convient plus ou moins bien pour la fabrication d’étrier de freins à disque pour un véhicule léger ?
    C% 3.51
    Si%3.3
    Mn%0.45
    S%0.017
    P%0.020
    Cu% 0.090
    Ni%<0.042
    Cr%0.12
    Mo% 0.015
    Mg% 0.022

    Dureté (moyenne sur 5 mesures) = 180.4 HB
    (relevé entre 176 et 185 HBW sur 5 mesures)

    Pierre

  8. Gaillard dit :

    Les étriers de frein sont en général produits en fonte GS 500.7. L’analyse chimique peur être la suivante
    C 3,5 à 3’7 Si 2,5 à 2,7 Cu 0,25 à 0’35 en fonction de l’épaisseur de la voûte, le soufre est trop bas pour de la fonte GS,il doit après traitement être entre 0,003 et 0,005, le magnésium est trop bas également 0.035 à 0,045 en fonction des épaisseurs , le chrome est trop haut il ne doit pas dépasse 0,050 , phosphore et Mn ok

  9. zerbin dit :

    Il existe aussi le logiciel Apromace TA qui permet d’obtenir des mesures très précises et qui utilise des godets à double chambre. On peut ainsi comparer les inoculants et la réactivité de la fonte coulée.

  10. ASSYA HASNAOUI dit :

    Bonjour ,

    merci pour ce joli blog, on a fait la coulée d’une pièce en fonte GS 500-07 (composition chimique C:3.6,Si 2.6, Mn : 0.25, S 0.04,P 0.04 Mg 0.04 comme résultat la piece présente une grosse retassure dans la zone masselotte, epaisseur piece 50mm

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