La fabrication additive métallique est un procédé innovant en plein essor qui s’avère très prometteur dans différents domaines (aéronautique, médical, industrie,…). Cette technologie reprend pour le moment majoritairement des matériaux connus -et utilisés avec des procédés traditionnels- qui comprennent les alliages d’aluminium (AlSi10Mg et AlSi7Mg0,6), les bases nickel (Inconel 718 ou 625), les aciers (Hastelloy X, Inox 316L, 17-4PH, Maraging) et les alliages de titane (Ti-6Al-4V et TA6V ELI). Si la disponibilité des machines, des poudres ou des sous-traitants n’est aujourd’hui plus un frein à son développement, on constate encore un manque de maturité technique autour de la caractérisation et de la compréhension de la métallurgie obtenue.
De nombreux donneurs d’ordre de secteurs industriels variés cherchent à mieux caractériser les performances (et les dispersions) atteintes pour quitter le stade de la pièce prototype et en faire un procédé industriel à part entière, capable de résultats reproductibles. Pour cela, des plans de caractérisations s’avèrent indispensables.
Les paramètres du process SLM à investiguer
En fabrication additive sur lit de poudre (SLM), de nombreux paramètres peuvent conditionner la résistance mécanique des pièces. En effet, le paramétrage de la machine (puissance du laser, vitesse du lasage, recouvrement entre les passes, …) et la qualité des poudres utilisées (granulométrie, composition, teneur en oxygène,…) sont des facteurs de dispersion importants à prendre en compte. Mais on s’aperçoit également que l’orientation des pièces ou des éprouvettes lors de la fabrication dans la machine (sens vertical, longitudinale ou à 45°), les stratégies de lasage (remplissage du cœur, stratégies de contour,…) ou encore le positionnement dans la cuve peuvent faire varier significativement la qualité obtenue. Enfin, d’un plateau à l’autre, il est possible de constater des dispersions qu’il s’agira de qualifier.
Si ces divers paramètres ont un impact individuel, ils peuvent dans certains cas intervenir en interactions et nécessiter de déployer des approches de type plans Taguchi pour évaluer leurs influences respectives et l’importance des interactions d’ordre deux.
Les caractérisations d’un plan d’essai
Dans un plan d’essais, on travaille en général avec des éprouvettes représentatives et normalisées afin de rester indépendant de la forme finale de la pièce, de pouvoir réaliser des analyses comparatives et se raccorder ainsi à des valeurs types issues d’autres procédés plus conventionnels (forge, usinage, fonderie, laminé, …). Ce n’est qu’une fois l’étude sur éprouvettes validée et le process de fabrication « verrouillé » avec les paramètres optimisés qu’il peut être intéressant de réaliser des caractérisations -plus coûteuses- sur pièces entières.
Identification de la santé interne et de la microstructure
Il est important de caractériser finement la métallurgie et la santé interne des pièces obtenues. En premier lieu, on définit un taux de porosité par une mesure de la masse volumique des éprouvettes (double pesée air/eau ou recalcul de la masse volumique à partir du poids et du volume mesurés sur un échantillon cubique de faible taille). On couple souvent cet essai d’évaluation du taux de porosité par une mesure par analyse d’images sur un ou plusieurs plans de coupe en fonction du besoin et dans différentes directions (XY, XZ) par rapport à la direction de construction de l’échantillon.
Dans certains cas, un examen non destructif en radiographie -en amont des essais de la détermination du taux de porosité- peut suffire à mettre en évidence la présence de défauts internes. La quantification des porosités par micro-tomographie permet également d’appréhender très finement la santé interne et de bénéficier d’un grand nombre d’informations (taille de pore, taux de porosité, localisation des porosités, …). Cette méthode – plus coûteuse que la radiographie ou l’analyse sur coupe – peut difficilement être menée en systématique si le nombre d’éprouvettes est conséquent. Seules les éprouvettes réellement intéressantes peuvent alors être analysées en tomographie (si besoin a posteriori après rupture).
Au-delà de la mesure du taux de porosité, les essais sur plan de coupe permettent également d’analyser la microstructure. On mesure ainsi la taille de grains (après attaque métallographique), la présence d’inclusions ou de phases métalliques spécifiques (alphacase en surface pour les alliages de titane par exemple). La mesure dans des plans de coupe perpendiculaires (XY et XZ) permet en particulier de mettre en évidence les anisotropies provoquées par les très forts gradients thermiques (2000 à 3000°C/mm).
A noter qu’en fabrication additive, la microstructure est souvent beaucoup plus fine qu’avec les procédés de transformation traditionnels car elle résulte des très grandes vitesses de solidification (> 104 ° C/s.). De plus, les grains sont souvent colonnaires dans la direction de construction.
Les caractérisations mécaniques
En fonction des sollicitations de la pièce, des essais de traction (Rm, Rp0,2, A%,…) à température ambiante -et si besoin à température élevée- peuvent être réalisés afin de déterminer les caractéristiques mécaniques en statique du matériau. On note souvent des anisotropies de comportement assez marquées entre l’axe Z de construction de la pièce et l’axe horizontale qui correspondent au sens des couches de construction.
Une fois les caractéristiques mécaniques en statique acceptables, des essais de fatigue (courbe de Wöhler, limite d’endurance ou Locati) sont envisageables pour les cas de chargement dynamiques (traction/compression en R-1 par exemple). Ces essais pourront être réalisés sur éprouvettes brutes ou usinées. En effet, en fabrication additive, l’impact de l’état de surface (Ra 5-10 µm) est non négligeable sur les résultats des essais de fatigue sur éprouvettes brutes.
Caractérisation des états de surface
La méthode classique pour caractériser l’état de surface des éprouvettes est la mesure de la rugosité (Ra, Rz, …) sur une zone donnée d’une dizaine de millimètres. Si nécessaire, la rugosité sera appréhendée dans plusieurs zones et dans différentes directions car selon le sens de construction, on constate que la rugosité est variable. On peut compléter la caractérisation de l’état de surface en réalisant des examens d’imagerie des surfaces brutes au MEB (Microscope Electronique à Balayage) afin de visualiser des défauts externes (infondus, fissures…) et mieux comprendre les causes de rugosité dégradée.
L’analyse et l’interprétation des résultats du plan de caractérisation
Au-delà des essais de laboratoire à proprement parler, c’est le conseil, l’analyse et les commentaires de l’expert en charge du projet de caractérisation ainsi que de la synthèse des résultats qui sera déterminant pour apporter une valeur ajoutée aux résultats bruts issus des analyses de laboratoire. En effet, il est primordial de pouvoir interpréter les résultats pour en tirer des conclusions utiles à la maîtrise des paramétries ou des stratégies de lasage des pièces. Pour cela, des connaissances conjointes du procédé de fabrication additive et de la métallurgie sont indispensables.
Si ces plans de caractérisation s’appliquent au procédé SLM, elles ont également du sens pour les autres process de fabrication additive métallique (EBM, dépôt de matière DED, …). En conduisant de tels plans de caractérisation, les industriels se constituent ainsi des bases documentées et des défauthèques qui leur permettent de remonter aux causes de non qualité en cas de dérive de la qualité des pièces.
Il semble de plus intéressant, pour un même matériau, de comparer les performances obtenues avec celles des procédés traditionnels de forge ou de fonderie afin de positionner techniquement la fabrication additive.
Publication très interessante merci
Bonjour Moreira,
Merci pour ce commentaire très positif. CTIF a déployé des plans de caractérisation pour de nombreux industriels dans des secteurs variés (aéronautique, médical, transport, …) pour mieux comprendre les paramètres majeurs à maitriser en fabrication additive pour répondre à divers besoins (état de surface, caractéristiques mécaniques, tenue à chaud, …).
pour la mesure de rugosité, est-ce que les techniques sans contact sont à privilégiées du fait du côté particulaire de l’assemblage?
Bonjour Samuel. Merci pour votre commentaire. Quand vous parlez du « côté particulaire de l’assemblage », ce n’est pas ce que l’on peut observer car les grains de poudre métallique sont refondus entièrement (sauf défauts très ponctuels) et les pièces ou éprouvettes sont bien compactes. La mesure de rugosité traditionnelle (avec contact donc) est dans la majorité des cas largement suffisante.
La méthode ça fait 80 % du travail…
Bonjour David et merci pour votre avis avec lequel nous sommes en phase. Oui la méthodologie déployée (les paramètres process étudiés, les essais de laboratoire nécessaires, …, le nombre d’éprouvettes) est importante et nous sommes force de proposition pour nos clients.