Les oxydes dégradent fortement les caractéristiques mécaniques en statique et en dynamique des pièces moulées en alliage d’aluminium. Les plus nocifs se forment lorsque le métal est à l’état liquide, par rupture de la peau entourant le métal. Les étapes de fusion, maintien et remplissage sont donc cruciales ! D’autant plus, que la détection des oxydes est très difficile.
L’effet des oxydes sur les propriétés mécaniques
Différentes études montrent que les oxydes détériorent les caractéristiques mécaniques en termes de valeur moyenne mais aussi et surtout en termes de dispersion. Les oxydes sont des zones de concentration de contraintes, donc des sites préférentiels d’initiation de fissures. Les oxydes abaissent donc les propriétés mécaniques (Rm, Rp0,2, A et la résistance à la fatigue). Ils augmentent la dispersion des valeurs en raison du caractère aléatoire de leur position dans les pièces. Mais les oxydes peuvent aussi dégrader indirectement les propriétés mécaniques en favorisant les retassures et le gazage.
L’oxydation naturelle de l’aluminium
Même à température ambiante, l’oxydation de l’aluminium est très rapide. Néanmoins, tant que la température reste inférieure à 850°C, la couche d’alumine qui se forme est étanche et protège l’aluminium d’une oxydation catastrophique. Au-delà de 850°C, cette couche ne protège plus le métal et l’oxydation de celui-ci peut progresser. Sous certaines conditions de température et de composition, cette oxydation peut devenir catastrophique (phénomènes de corindonnage ou de champignonnage dans les fours). Les oxydes endogènes, qui se forment par oxydation directe de l’aluminium, sont principalement l’alumine (Al2O3) et le spinelle (Al2MgO4). A côté de ces oxydes, on peut trouver des oxydes d’origine exogène qui sont soient des oxydes introduits par mégarde (retours mal débourrés), soient des produits issus de la réaction de l’aluminium avec les réfractaires de fours.
Les différentes origines des oxydes
Les oxydes peuvent donc apparaitre aux différents stades du process de fonderie. Ils peuvent être présents dans les lingots sous forme d’amas ou d’agrégats mais également se former dans les fours de fusion (où les températures élevées favorisent l’oxydation) ou dans les fours de maintien (où la durée de maintien et les opérations de puisage favorisent l’oxydation). Enfin les oxydes se forment lors de la verse et du remplissage favorisé par les turbulences (films dispersés de petite taille).
Il est possible de détecter et éliminer en grande partie les oxydes formés à la fusion et au maintien. Par contre, les oxydes produits pendant le remplissage des pièces sont plus complexes à maitriser et surtout à détecter
Formation des oxydes dans les bains
En dehors de la température, la tendance à l’oxydation des alliages d’aluminium dépend aussi des éléments d’addition ou des conditions de fusion. La présence de béryllium dans l’alliage permet de limiter considérablement l’oxydation d’où sa présence dans les alliages nord-américains A356 et A357 destinés à réaliser des pièces fortement sollicitées. Néanmoins, l’usage du béryllium est désormais très réglementé pour des raisons d’hygiène-sécurité. En conséquence, son utilisation en fonderie est de plus en plus limitée. En faible quantité, la présence de magnésium dans l’alliage permet aussi de limiter l’oxydation alors qu’en forte quantité, sa présence accélère l’oxydation. Enfin, le zinc, même en faible teneur, accélère aussi l’oxydation. Il est possible également de limiter l’oxydation à la fusion et au maintien par un inertage à l’aide d’une atmosphère contrôlée (azote ou argon).
Pour limiter la formation des oxydes dans les bains d’aluminium, les premiers facteurs à maîtriser sont la durée et la température de fusion/maintien. Ces deux paramètres doivent être les plus bas possibles autorisés par le procédé. Les matières (lingots, …) doivent également être les plus propres et les plus sèches possibles (stockage à l’intérieur). En raison de leur densité, les oxydes un peu importants remontent en surface et peuvent être éliminés par écrémage. Cet effet peut être avantageusement complété par l’utilisation d’un flux de désoxydation associé au dégazage par barbotage d’un gaz neutre en particulier à l’aide d’un rotor de dégazage. La filtration à la coulée enfin permet d’éliminer en grande partie les oxydes qui se forment et se développent durant le maintien.
Contrôle des oxydes
De nombreux appareils ont été développés dans le but d’évaluer la propreté des bains, tels que le LiMCA (Liquid Metal Cleanliness Analyzer), le PoDFA (Porous Disc Filtration Analysis), le LAIS (Liquid Aluminum Inclusion Sampler), le Prefil-Footprinter (dérivée de la méthode PoDFA), le QUALIFLASH (CTIF) et enfin le test K-Mold (développé par Kitaoka of Nippon Light Metal Ltd).
Pour la détection des oxydes dans l’aluminium solide, deux techniques pointues sont envisageables : l’activation neutronique et la nano-tomographie. En pratique, seul le ressuage (oxydes de surface ou débouchant en surface) et l’analyse micrographique sur coupe sont utilisés. Enfin, les essais de traction sur éprouvettes attenantes ou de dissection peuvent aussi donner des indications sur la présence de peaux d’oxyde.
Formation des films d’oxydes lors du remplissage
Lors du remplissage du moule, les films d’oxydes sont générés par la rupture du film d’alumine superficiel enveloppant la veine de métal. Si le film d’oxyde reste entier, au final, il se retrouve en surface des pièces leur conférant une certaine résistance à la corrosion. Par contre, s’il est déchiré par les turbulences du métal, il se retrouve dans les pièces et parfois perpendiculairement à la surface formant des zone de pré-fissuration.
Ces défauts sont donc la conséquence d’un remplissage dit turbulent. On estime que le régime devient turbulent au-delà d’une vitesse critique de l’ordre de 0,5 m/s. Cela se traduit par la courbure de la surface de métal qui induit des contraintes sur l’oxyde présent en surface et soit l’oxyde se rompt sous l’effet de ces contraintes et engendre des films d’oxyde « volants », à cœur ou en surface ou soit l’oxyde se replie sur lui-même, au risque d’emprisonner de l’air.
Au contraire, si la vitesse de remplissage est faible, le métal voit sa fluidité baisser. La progression du métal est plus difficile d’autant plus que l’oxyde en surface participe à freiner le métal. Il existe donc également une limite inférieure en deçà de laquelle apparaissent des défauts de type reprises. Repli et reprise vont donc dépendre de la rugosité de l’empreinte, de la nature chimique de la surface (poteyage, fluosilicate de sodium, talc, …), de la viscosité de l’alliage (Sr, Na, Be, température) et de la vitesse de remplissage.
Une présence inéluctable mais maîtrisable
La présence d’oxydes dans les pièces d’aluminium moulées est inéluctable compte-tenu de l’affinité entre l’aluminium et l’oxygène. Ces oxydes peuvent se former à la fusion/maintien et lors du remplissage. Fort heureusement, il est possible de se prémunir des oxydes. Tous d’abord en désoxydant et en dégazant le métal pour les oxydes formés à la fusion ou au maintien. Ensuite en maitrisant la vitesse de remplissage (coulée basculée, coulée basse pression) et en optimisant les systèmes d’alimentation (simulation numérique) pour les oxydes formés lors du remplissage.
Merci beaucoup pour cet article très complet. Existe-t-il les mêmes contraintes et mécanismes pour de l’acier ?
Bonjour Cécile. Le degré d’oxydation est plus critique avec les bains d’alliage d’aluminium du fait de la forte affinité de l’aluminium avec l’oxygène. Il n’y a pas de souci d’oxydation avec les fontes, mais on le retrouve avec les aciers et en particulier avec les aciers à moyen et bas carbone.
Pour caractériser le phénomène, on mesure la teneur en oxygène directement dans les bains d’alliages ferreux par sonde immergée ou a posteriori par des moyens de laboratoire (mesure infra-rouge). Pour les aciers, on peut également réaliser un comptage des inclusions sur coupe par micrographie optique.
Bonjour, article très complet ! ?
Il y a t il un site ou une base de données accessible avec tous ces articles régulièrement publiés ? (hormis le blog) Merci.
Bonjour Pierre.
Merci beaucoup pour votre message et vos compliments. CTIF publie depuis de nombreuses années des articles techniques dans différents vecteurs. Aujourd’hui, les vecteurs sont principalement :
– le blog MetalBlog (https://metalblog.ctif.com/), revenez de manière régulière sur ce blog, un nouvel article chaque semaine,
– la revue Forge Fonderie (https://www.forgefonderie.org/fr/la-federation/la-revue-forge-fonderie) éditée par la Fédération Forge Fonderie,
– différents ouvrages de référence (https://www.ctif-editions.com/).
Merci beaucoup pour ces précisions !!
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article très intéressant.
Avez-vous d’autres articles sur le même sujet ?
Je travaille actuellement sur les méthodes de diminution de ces oxydes lors des coulées d’alliages d’aluminium.
Bonjour Maxime,
Merci beaucoup pour votre message. N’hésitez pas à consulter nos experts si vous avez besoin d’un complément d’informations sur la réduction des oxydes dans les alliages d’aluminium.
Un moyen de réduire la formation de ces films d’oxyde est de couler, comme vous l’avez précisé, sous atmosphère protectrice, pression partielle ou complète de gaz inerte. Et l’optimisation de l’alimentation en métal du moule, en réduisant au mieux le contact avec l’atmosphère, voire une coulée « en source », sont d’autres artifices qui permettent encore de réduire cette formation d’oxydes.
Bonjour Pierre. Merci de votre commentaire avisé. Effectivement la coulée dite « en source » réduit la formation d’oxydes alors qu’à contrario la coulée en chute est clairement pénalisante du point de vue oxydes et entraînement d’air (soufflures) dans les pièces.
bonjour lors d une oxydation de piece usinées en alu de fonderie ;est il possible que la piece ressorte tres abimée (trou et autre imperfection et si oui de quoi cela peut venir
Bonjour Gaétan. Merci de votre question. Il est difficile de vous répondre avec si peu d’éléments. Afin de pouvoir faire une réponse précise et si les enjeux le justifient, il faudrait faire une expertise de votre pièce (analyse de la composition chimique, micrographie de la zone dégradée, radiographie, …) pour diagnostiquer le(s) défaut(s) et remonter aux causes probables de dégradation. Vous pouvez prendre contact, si vous le souhaitez, avec le CTIF qui pratique ce type d’analyse.
merci de prendre le temps de repondre si vite en fait ce sont des des pieces en alu qui ont deja de la porosité avant traitement mais apres traitement les porosité ont été accentué et il y a t il un phenomene de tempere=ature ou de qualite de bain ou meme la qualite de l alu de base qui fait que cela se produise
merci pour cet article très instructif.
Existe-t-il un document de référence contenant les défauts métallurgiques avec définition et photos ? Il pourrait être très utile pour les newbies ?
Bonjour Fabien et merci pour votre intérêt pour cet article sur les défauts d’oxydes dans les alliages d’aluminium. Pour répondre à votre question, il existe un logiciel ALADIN qui regroupe les défauts de fonderie.
Bonjour ,
est ce que les oxydes influencent sur la coulabilité des alliages ?
Bonjour Iyas et merci de votre lecture sur MetalBlog de notre article sur les mécanismes d’apparition des oxydes dans les alliages d’aluminium. Pour répondre à votre question: oui, à partir d’un certain degré, un métal oxydé présente une moins bonne coulabilité. L’appareil QUALIFLASH de CTIF est d’ailleurs en partie basé sur ce phénomène. Pour en savoir plus, vous trouverez le lien ci-contre : https://metalblog.ctif.com/2017/09/30/comment-mesurer-la-proprete-des-bains-daluminium/
Merci pour cet article très intéressant.
Je comprends qu’un remplissage trop lent crée des risques de reprises ou malvenues. Dans un moulage massif où ces risques n’existent pas, est-il judicieux, pour éviter l’oxydation, de pratiquer un remplissage « le plus lent possible »? Sinon, en l’absence de risques de malvenue ou reprise, quel est l’inconvénient de remplir un moule trop lentement?
Bonjour,
Merci pour cet article.
Avez-vous des résultats de cotation JK (Jernkontoret) en fonction des paramètres process ?
Merci par avance
Didier
Bonjour, puije savoir si les aluminium type ALMGSI se prete bien a la fonderie?
et savoir si il vaut mieux le garder en tant que matiere premiere et le fondre au moment de le mouler ou alors si je peux le fondre en lingot (en reserve) et le refondre au moment de le mouler
merci a vous
cordialement
Bonjour et merci de cette question. Les alliages Al-Mg sont en effet plus délicats à mettre en forme en fonderie (interval de solidification plus important) que les Al-Si et nécessitent plus de savoir faire. Vous pouvez évidemment les conserver sous forme de lingots.
merci pour votre reponse
cordialement
Bonjour et merci pour cet article.
Je rencontre actuellement des problèmes d’inclusion de spinel MgAl2O4 dans un alliage AlSi9Cu3fe injecté en sous pression et ce malgré des opérations de dégazage avec flux.
Avez vous des informations quant aux mécanismes d’apparition de ces inclusions ? dans quelles conditions leur croissance et elle optimisé (Température, temps dans le four de maintient etc …)
Merci d’avance !