Les pistons des moteurs à combustion sont des pièces techniques très sollicitées. Dans l’automobile, les alliages d’aluminium se sont imposés aujourd’hui pour cette fonction. Les pistons aluminium sont en général moulés, mais ils peuvent également être forgés pour les moteurs haut de gamme. Par contre, pour les gros pistons (moteurs marins, compresseurs, …), la fonte moulée est encore très largement utilisée. Cet article fait le point sur les pistons moulés et forgés, les alliages et procédés de transformation, leurs domaines d’utilisation et les nouveaux développements.
Le piston, de la machine à vapeur au moteur à combustion
Sans le piston, élément d’entraînement, la révolution industrielle aurait peut-être pris un autre tournant. En effet, la découverte de la machine à vapeur repose déjà sur les courses ascendantes et descendantes d’un piston, qui transforme en énergie mécanique l’énergie générée par la vapeur tout en transformant un mouvement de translation en rotation. Ce principe est resté le même dans la technique des moteurs à combustion. Ainsi, dans les moteurs modernes, le piston transforme l’énergie thermique générée par le mélange de carburant allumé en puissance de conduite. L’ancêtre du piston a été inventé en 1681, par le médecin français Denis Papin pour équiper la première machine à vapeur (invention trop souvent attribuée à l’écossais James Watt). Le principe de fonctionnement était alors le suivant : on fait chauffer de l’eau dans un cylindre contenant un piston. La vapeur créée pousse alors le piston vers le haut jusqu’à un loquet qui verrouille sa position. La vapeur est ensuite refroidie, se condense, jusqu’à générer ainsi une dépression dans le cylindre. Lorsque le loquet est déverrouillé, le piston redescend violemment au fond du cylindre. Cette machine permettait, entre autres, de soulever de lourdes charges ou de pomper de l’eau. Cette invention sera reprise sous différentes formes et avec de nombreux perfectionnement dans les machines à vapeur puis dans les moteurs à explosion. En particulier, c’est ce principe que Thomas Newcomen reprend pour élaborer la première véritable machine à vapeur industrielle en 1712. Mais, ce n’est réellement qu’en 1873, grâce à l’américain Brayton, que la forme générale actuelle du piston, ainsi que l’utilisation de segments élastiques logés dans les gorges creusées dans le piston, prend ses origines.
Downsizing des pistons automobile
Le downsizing, qui est l’une des voies privilégiées de réduction de la consommation et des émissions de CO2 du moteur thermique, permet aujourd’hui de proposer des moteurs capables de délivrer plus de 70 kW par litre de cylindrée. Cette puissance impose alors des pressions et des températures pouvant atteindre respectivement 200 bars et 400°C sur les pistons. On le voit, le piston est une pièce très sollicitée qui endure des contraintes thermomécaniques importantes.
Les débuts de la fabrication du piston en aluminium en 1920
Les premiers pistons de véhicule automobile furent fabriqués en fonte. Mais déjà, les régimes croissants rendaient nécessaire la réduction des masses oscillantes dans le moteur. En 1911, Hispano-Suiza inaugure un piston en aluminium offrant bien plus de légèreté. Néanmoins, en raison du coefficient de dilatation trois fois supérieur pour l’aluminium, engendrant de ce fait un risque de grippage plus important, la plupart des constructeurs automobiles conserveront la fonte au moins encore pendant 10 ans en réduisant le poids des pistons (diminution des épaisseurs). À la recherche du meilleur alliage de métal léger pour les pistons d’automobiles, Outre-Rhin, le ministère des transports organisa en 1921 une compétition dans toute l’Allemagne. Karl Schmidt participa et présenta un piston en alliage d’aluminium avec 15 % de cuivre. Même si ce piston Al-Cu n’arriva que deuxième derrière un piston en magnésium et cuivre, l’aluminium obtint la reconnaissance officielle de la communauté automobile de l’époque. Les alliages Al-Cu furent pendant longtemps la norme, bien que ce matériau encore dur et poreux en raison de sa teneur en fer trop élevée entraînât souvent des ruptures. Plus tard, le fer fut peu à peu remplacé par le nickel et le cobalt, ce qui améliora l’élasticité des pistons.
Les noyaux en sel solubles utilisés dans la fabrication
Le refroidissement du piston devint, au fil du temps, de plus en plus nécessaire thermiquement sur les moteurs de voitures particulières. Dans les années 1960, une solution innovante a été développée avec l’utilisation d’un noyau en sel inséré à la coulée, et dissout après la solidification par de l’eau sous pression. Cette solution est toujours utilisée de nos jours sur les pistons moulés en aluminium.
Un piston oblong à deux bielles chez Honda en 1980
Un piston traditionnel n’est pas parfaitement cylindrique mais conique et ovale, afin de compenser les différences de température entre la tête et la jupe. Honda a développé, pour la moto NR500, un piston oblong à huit soupapes et à deux bielles pour limiter les efforts de torsion sur celle-ci. Cette technologie, développée aux débuts des années 1980, ne semble pas avoir eu le succès attendu.
Les procédés de fabrication des pistons
Selon la nature de l’alliage qui constitue le piston, les procédés de fabrication sont divers. Ainsi, les pistons en aluminium sont très majoritairement moulés et le moulage en coquille est alors utilisé avec un moule métallique. Certains pistons aluminium haut de gamme (moteurs très sollicités) sont forgés et nécessitent alors un usinage important. On trouve également des pistons en acier forgé pour les camions mais l’aluminium est également utilisé selon les modèles. Les pistons en fonte, pour les applications hors automobile (marine, pompe, industrie, …) sont réalisés, quant-à-eux, en moulage sable. Pour les pistons des moteurs de bateaux, locomotives ou centrales, des variantes hybrides composées d’une partie supérieure du piston en acier et d’une partie inférieure en fonte s’imposent de plus en plus.
Piston aluminium avec portes segments en fonte
Afin de positionner les segments du piston, des portes segments en fonte sont utilisés. Ils sont en général insérés à la coulée sur le piston en aluminium. Les segments de piston sont eux, fabriqués à partir de nombreux matériaux différents, la fonte et l’acier étant les plus courants. Les matériaux les plus communément utilisés sont la fonte grise, la fonte ductile, le bronze (CuSn7 et CuSn10), l’acier (X90CrMoV18) ou l’acier inoxydable (54SiCr6).
Pistons avec fibres de renfort de SiC
Les pistons ont, pour certains, été fabriqués en aluminium avec des fibres de SiC. Toyota a ainsi produit ce type de pièces en MMC (Metal Maxtrix Composites) ou les fibres courtes AlSi sont infiltrées par de l’aluminium. D’autres constructeurs intègrent également des fibres de renforts (à la coulée ou post coulée) au niveau du bol du piston.
Les pistons en acier forgés
Depuis plusieurs années, les moteurs de poids lourds Diesel de plus de 120 mm d’alésage se voient dotés de pistons en acier et non plus en alliage d’aluminium. La raison principale qui a poussé les constructeurs de piston à faire des recherches sur les pistons en acier est l’augmentation importante des pressions à l’intérieur des chambres de combustions. Ces pressions (en valeur de pointe) dépassent nettement les 210 bars et elles peuvent monter jusqu’à 250 bars alors que la pression maximale admise pour un piston en aluminium se trouve aux alentours des 185 bars. Les autres avantages du piston acier par rapport au piston aluminium sont une très bonne résistance aux hautes températures et un faible coefficient de dilatation. Par contre à volume égal, l’acier est plus lourd, ce qui nécessite d’alléger les pistons. Des formes souvent très complexes ont donc ainsi été développées sur ces nouveaux types de pistons.
Les nuances utilisées pour les pistons
De nombreux alliages d’aluminium sont utilisés pour la fabrication des pistons moulés en aluminium : Al Si13Cu3NiMg, Al Si12CuNiMgFe, Al Si22CuNiCo, Al Si11Cu5Ni2Mg, …. Les fortes teneurs en cuivre (3 à 5 %), mais également, l’ajout de nickel ou d’autres éléments d’alliages (cobalt, zirconium, vanadium, …) permettent d’améliorer la tenue à chaud. La haute teneur en silicium (22 %) de l’alliage hypersilicié Al Si22CuNiCo permet de résister à l’usure. Les pistons forgés, sont, quant-à-eux, réalisés en particulier en alliage Al Cu2MgNi. Pour les pistons en acier forgés automobile, on utilise des nuances contenant du chrome, du molybdène et souvent aussi du nickel et en particulier l’ASI 4140 (chrome- molybdène) et le A732 (série des 8600 nickel-chrome-molybdène). Les pistons en fonte sont en général moulés en fonte à graphite sphéroïdale (FGS) ferrito-perlitique.
Le procédé Alfin pour les pistons en aluminium
L’insert en acier intégré dans le piston est revêtu d’aluminium (par le procédé Alfin) afin de créer une bonne liaison métallurgique entre l’insert et la matrice d’aluminium du piston. Le procédé Alfin consiste à plonger au préalable l’insert métallique en acier/fonte dans un bain d’alliage (de type Al Si13) afin de créer un composé intermétallique AlFe en surface. Cet insert, une fois revêtu, est ensuite positionné dans le moule pour être surmoulé par l’alliage d’aluminium.
Les pistons de moteurs marins
Sur les gros moteurs à combustion pour les applications marines, les pistons ne sont plus en aluminium, mais sont généralement en fonte. En effet, le gain de poids n’est pas recherché et le fonctionnement en continue sur de très longues durées de ces moteurs fait préférer la fonte.
Les activités de R&D sur les pistons
Les activités de développement et de R&D sur les pistons sont variées. Elles vont de la sélection des matériaux à la géométrie du piston, en passant par les stratégies permettant d’obtenir la plus faible friction possible entre le piston, les segments de piston et la chemise de cylindre dans le carter du moteur, afin de contribuer à une consommation et à des émissions optimales. Les innovations sur la fonction piston sont donc encore importantes de nos jours. Pendant longtemps, la conception du piston était réalisée par le donneur d’ordre. Compte tenu de la complexité de plus en plus importante de cette pièce, elle est désormais conçue par le fabricant de pistons.
Conclusions
Selon le type de moteur (automobile, marine, …) et les contraintes (température, pression) endurées par le piston, des solutions diverses sont ainsi utilisés. Si l’aluminium moulé s’est généralisé pour les pistons automobiles, la fonte et l’acier sont davantage utilisés pour les pistons très sollicités et les gros pistons. L’optimisation des pistons (forme, refroidissement interne, coefficient de frottement) continue d’être une préoccupation des constructeurs.
L’auteur remercie Michel Stucky, du CTIF, pour sa relecture et contribution technique.
Merci beaucoup pour cet article ! je ne pensais pas qu’il était possible de renforcer des matériaux métalluques avec des fibres.
Bonjour Fabien et merci tout d’abord pour avoir apprécié notre article de MetalBlog sur les pistons des moteurs thermiques. Oui, en effet, on peut incorporer des renforts (fibres, particules) de céramique dans les pièces. Cette technologie est cependant peu répandue industriellement. Pour en savoir plus, sur les composites à matrice métalliques (CMM) sur MetalBlog : https://metalblog.ctif.com/2018/03/19/les-composites-a-matrice-metallique-pour-resister-a-lusure/
Merci également pour cet article très intéressant qui retrace l’histoire des pistons, composant clé des moteurs thermiques!
J’ajouterai:
– le refroidissement des pistons concerne aussi les pistons en acier
– la fabrication des pistons aciers se fait maintenant beaucoup par soudage (friction ou laser)
– on a vu récemment des pistons fabriqués en 3D pour la compétition (chez Porsche) pour gagner en poids par rapport au forgé
– étonnement aucune application des alliages Ti ou intermétalliques pour gagner en masse
Merci encore!
Bonjour Luc et merci de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur les pistons des moteurs thermiques. Il existe de nombreuses technologies de fabrication des pistons comme vous le signalez, dont certaines dont nous n’avons pas parlé. Merci de votre apport technique. Non, il n’existe pas, à notre connaissance, de pistons en titane sans doute en raison de ses propriétés en frottement non performantes et d’un coût de fabrication trop élevé pour l’industrie automobile.
Bonjour
Ou trouver de la matière pour réaliser des pistons , ou faire mouler , pour un moteur compétition.
Salutation
Bonjour,
Avant l’apparition des voitures électriques récentes, personne ne s’inquiétait de savoir si nous aurions assez de ces métaux comme le nickel, l’aluminium, le cobalt…. pour alimenter l’industrie de l’automobile.
Si c’est un motif d’inquiétude à propos des VE pourquoi n’était-ce pas le cas pour les VT ? Il me semble même que la masse de chaqu’un d’eux dans un moteur thermique n’a rien à envier à la masse des électrodes des batteries dans lesquelles ces métaux sont utilisés…. Qu’en pensez-vous ?
Bonjour Serge et merci de votre intéressante question sur le comparatif des métaux Al, Ni et Co entre VT et VE. L’aluminium est très présent dans les véhicules thermiques comme électriques (pièces de fonderie, de forge, tôle, extrudé, ..), mais son approvisionnement ne pose pas de problème avec d’importantes réserves de bauxite dispersées dans de nombreux pays. La consommation en Ni et Co est par contre très faible sur les VT alors qu’elle est forte pour les batteries des VE. Le Ni et Co sont tous deux des métaux stratégiques dont la tension sur l’approvisionnement et sur les prix pourrait poser problème dans le futur. En particulier le cobalt est le moins abondant des trois métaux cités mais surtout, plus de la moitié de sa production mondiale est localisée dans un seul pays : la République Démocratique du Congo, assez peu stable. Mais les fabricants de cellules réduisent significativement la quantité de cobalt incorporée dans leurs électrodes. Dans le futur, de nouvelles technologies de batteries pourraient réduire cette dépendance aux métaux stratégiques.
Merci
Serge
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article passionnant et bien écrit.
Juste une petite erreur selon moi : l’acier (X90CrMoV18) ou l’acier inoxydable (54SiCr6) ont été inversés car le 1er a 18% de chrome (c’est donc un inox) tandis que le second en a moins de 1% (pas inox).
A part ça, l’article est parfait !
Bonjour Cyril et merci d’avoir apprécié notre article de MetalBlog sur les pistons des moteurs thermiques. Vous avez entièrement raison sur l’inversion des nuances. Bien vu et merci de votre regard affuté.