Les plans d’expérience numériques en fonderie

Ingénieurs de bureau d'études

Les outils numériques et la méthodologie des plans d'expériences au service de l'optimisation de la fabrication. Il y a gros à gagner !

La numérisation ne concernait jusqu’à présent que les développements en amont (R&D, bureau d’études et méthodes). Elle s’étend aussi aujourd’hui aux phases de mise au point série pour aider à la détermination et à la maitrise des paramètres process (température, composition chimique, nature du matériau de moulage…).

Une digitalisation du process fonderie qui arrive à grande vitesse

La digitalisation des process de production des entreprises occupe une place grandissante aussi bien chez les donneurs d’ordre que chez les sous-traitants. Parce que les outils de simulation (remplissage, solidification, thermomécanique…) se démocratisent, sont plus rapides et plus puissants, cette tendance de fond touche aujourd’hui la production des pièces. En effet, s’il y a encore quelques années, on déployait des plans d’expériences réels de grande ampleur (méthode Taguchi ou assimilée) pour optimiser la qualité des pièces fabriquées, aujourd’hui, les plans d’expériences numériques se développent, permettant d’étudier différemment et plus efficacement de nombreux paramètres de production.

Quels bénéfices tire-t-on de l’utilisation des plans d’expérience numériques ?

Le monde du numérique ouvrant infiniment le champ des possibles, il est très facile de pouvoir isoler ou, au contraire, combiner les paramètres ciblés sans qu’il y ait la moindre interaction avec un paramètre indésirable non-maîtrisé. La question de la répétabilité n’en est donc plus une : les plans d’expérience numériques permettent de cibler avec rigueur et précision les études d’incidence ce qui est tout simplement impossible en pratique.

Simulation de la performance d'une pièce de fonderie

Optimiser la performance des pièces par un plan d’expérience numérique.

L’infinité des possibilités couplée aux relations physiques induites par les logiciels de simulations permettent d’étudier différemment les problématiques laissant ainsi entrevoir de nouvelles solutions. Alors qu’en pratique on ne peut tester, intuitivement, que des combinaisons existantes, en simulation numérique on travaille avant tout avec la physique. On peut donc aller au-delà du constat de ce qui fonctionne ou pas en recherchant véritablement les paramètres ou les propriétés physiques qui feront que le résultat sera atteint. Il n’est alors pas rare de constater que des solutions relativement simples et pourtant nouvelles existent mais dont nous n’aurions pas soupçonné l’effet a priori.

L’un des autres avantages majeurs d’une telle approche est évidement la rentabilité économique. Sous réserve d’être correctement défini en amont, la plupart des paramètres process peuvent être modifiés à l’infini, n’engendrant en majeure partie que des temps « machine » supplémentaires ; l’intervention humaine étant focalisée sur sa valeur ajoutée principale, c’est-à-dire l’analyse. Finis les problèmes d’organisation des campagnes d’essais, finis les perturbations de production, finis les dépenses de matière et d’énergie pour de simples essais non commercialisables.

Quand utiliser un plan d’expériences numérique ?

Un plan d’expériences numérique peut être utile en phase R&D, pour déterminer les paramètres qui permettent d’atteindre un critère lié à une caractéristique pièce (par exemple mécanique, thermique…), en phase de mise au point, pour étudier la robustesse des paramètres de production (quelle est la plage de variation acceptable des paramètres de production sans que cela impacte la qualité) mais également en phase de production, pour résoudre des problèmes de non qualité (retassure, malvenues…).

Les bases des plans d’expérience numériques

La clé de voute d’un plan d’expérience numérique réside dans la définition/anticipation des critères et des paramètres.

Le ou les critère(s) d’analyse représente la cible, le résultat à atteindre. Pour permettre la mise en œuvre des plans d’expériences numériques le critère à étudier doit être modélisable en simulation numérique. Autrement dit, il faut connaître le modèle physique reliant le critère à étudier aux résultats usuellement fournis par les logiciels de simulation. On peut ainsi par exemple étudier le SDAS (Secondary Dendritic Arm Spacing pour les alliages d’aluminium), la dureté, l’allongement…, ou plus classiquement les retassures, les gradients de température…

Les paramètres sont les variables qui seront étudiées. Un grand nombre de paramètres peut être intégré dans un plan d’expériences numériques. Citons en exemple la composition chimique de l’alliage (% de Carbone, % de Silicium…), la température de coulée, du moule, la nature globale ou locale du moule, la géométrie d’un système de coulée ou de masselotage…

Parmi les paramètres, il faut distinguer deux familles. Tous d’abord les conditions limites (paramètres non géométriques comme la température du moule par exemple) qui peuvent être paramétrées à volonté très facilement. Puis les paramètres géométriques qui sont un peu plus complexes à appréhender car ils nécessitent idéalement d’anticiper et d’intégrer tous les cas de figure dans un maillage unique. Celui-ci peut donc sensiblement être alourdi du fait du cumul des contraintes géométriques (grand nombre de mailles).

La méthodologie développée en 4 étapes

La méthodologie développée a pour objectif de nécessiter le minimum d’intervention humaine de sorte à pouvoir traiter plusieurs dizaines voire centaines de simulations dans un laps de temps relativement court et pour un coût de mise œuvre abordable et beaucoup plus faible qu’une même réalisation par des essais réels.

Ainsi cette méthodologie comprend plusieurs étapes clefs. Tout d’abord, il faut identifier le ou les critères à analyser (par exemple défauts internes…), le périmètre des réponses et les paramètres à étudier (nombre, niveaux…). En cela, on suivra la méthodologie d’un plan d’expériences réel. Ensuite il faut préparer des batch de calculs permettant de calculer en parallèle un grand nombre de simulations et d’automatiser l’extraction des résultats (par exemple sous VisualCAST).

Puis, il faut exploiter les résultats des calculs de simulation numérique, qu’ils soient discrets ou continus. Dans ce dernier cas, on aura alors recours à des technologies de traitement spécifiques permettant de « seuiller » les résultats et ainsi de les exploiter sous forme de classes (par exemple, vitesse de solidification de 0 à 5°C/s, de 5 à 10°C/s…). Enfin, il faut analyser les tendances en ayant recours à des outils spécifiques d’exploitation statistique pour mettre en évidence les paramètres significatifs, leurs interactions possibles, les meilleurs réglages des paramètres étudiés, voire même les lois de comportement sous réserve de normalité des résultats.

Une utilisation massive des plans d’expériences numériques dans le futur

Les plans d’essais numériques limitent les essais réels, souvent couteux car menés la plupart du temps sur la chaîne de production. En outre, ils permettent d’explorer des configurations très délicates à reproduire en production, voire d’aboutir à des solutions dont nous n’aurions même pas eu l’idée ou la volonté de tester. Enfin, signalons le fait qu’un plan d’essais réel est souvent bruité par la dispersion du process, l’imprécision de la chaine de mesure, l’impossibilité de figer de nombreux paramètres ou au contraire de régler d’autres paramètres à une valeur précise. En pratique, l’interprétation des résultats est quelquefois rendue très délicate. A l’inverse, même si le numérique ne reproduit pas encore tous les phénomènes, il présente le grand avantage d’offrir des résultats très lisibles.

On peut ainsi penser que les essais de mise au point en fonderie seront assistés de plus en plus fréquemment par des plans d’expériences numériques. Sans remplacer complètement les essais de validation, le numérique amène de nombreuses opportunités en phase de développement d’un process ou d’un produit ou pour mieux maîtriser les nombreux paramètres de production en fonderie.

5 commentaires

  1. Jean-François Dionne dit :

    Entièrement d’accord avec le principe. Mais attention aux erreurs découlant du manque confiance par rapport à la qualité des données physiques (propriétés de la matière, isotropie, viscosité, coefficients transfert, etc. ) et les conditions aux frontières/limites.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Jean-François. Entièrement d’accord avec votre commentaire. C’est pour cela que nous travaillons depuis de nombreuses années à l’enrichissement de nos bases de données physiques pour que nos simulations soient le plus représentative possible de la réalité.

      • Guillaume Causse dit :

        Les incertitudes (ou le manque de confiance par rapport à la réalité) peuvent aussi être prises en compte, en définissant un plan d’expérience de type LHS afin d’explorer au mieux l’espace de conception à partir des distributions des paramètres du modèle numérique issues des retours d’expérience ou d’essais physiques réalisés auparavant. La propagation de ces incertitudes à travers le modèle numérique permet ensuite à la fois la réalisation d’analyses de sensibilité pour hiérarchiser les effets et de fiabilité (par rapport au seuil de dépassement d’un critère admissible) pour quantifier la probabilité de ne pas atteindre la performance souhaitée.

        • Le CTIF dit :

          Bonjour Guillaume. Effectivement, l’analyse de la robustesse des résultats issus de simulation est un incontournable d’un plan d’expérience numérique. Nous sommes pleinement d’accord avec vous !

          • Jean-François Dionne dit :

            C’est justement là toute la force des plans d’expérience! Identifier les paramètres clés qui auront une réelle influence sur le résultat final. Ensuite d’affiner la précision de ce mêmes paramètres pour affiner le résultat du calcul. On évite de dépenser inutilement de l’argent dans des analyses superflues et on maximise la qualité de la simulation.

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