
Caractériser un matériau en fatigue (limite d'endurance, courbe de Wöhler) sur éprouvettes. Une démarche indispensable pour dimensionner les pièces sollicitées en dynamique.
Pour valider la tenue en fatigue d’une pièce métallique, il est nécessaire de caractériser d’abord le matériau sur éprouvettes pour remonter aux lois de comportement. Les essais de fatigue sur éprouvettes sur matériaux métalliques (acier, aluminium, fonte, …) permettent en effet de déterminer la courbe de Wöhler et la limite d’endurance d’un matériau sain ou comprenant des imperfections internes ou superficielles, et ainsi de caractériser finement son comportement en dynamique.
Essais de fatigue en température
Les essais de fatigue à température ambiante sont les plus usuels. Dans certains cas, il peut s’avérer utile de connaître le comportement en température du matériau. En effet, la limite d’endurance diminue en général assez rapidement avec l’augmentation de la température de fonctionnement. Si les machines de fatigue travaillant à chaud sont assez courantes, les essais à froid (-50°C) qui exigent une enceinte climatique spécifique sont beaucoup plus rares et ne sont utiles que si le matériau présente un comportement fragile à froid.
Préparation des éprouvettes de fatigue

Machine de fatigue à haute fréquence permettant d’accélérer la réalisation des courbes de Wöhler.
La préparation des éprouvettes de fatigue avant essais est très importante pour garantir la fiabilité des résultats. Il convient en particulier de veiller à la conformité interne (absence de défauts) et externe (usinage) des éprouvettes en zone travaillante. Il faut contrôler la bonne santé interne des éprouvettes afin que l’initiation des fissures n’apparaisse pas sur un défaut. Le contrôle en radiographie à 100 % et le contrôle en ressuage des éprouvettes est recommandé. La micro-tomographie peut être également utilisée lorsqu’une information quantifiée sur les défauts internes (position, taux de porosité, taille des défauts) est souhaitée.
La surface des éprouvettes doit être exempte de micro-défauts ou de stries d’usinage qui risquent d’initier une rupture prématurée. Un usinage fin (et une rectification de la surface travaillante) est nécessaire. Les essais de fatigue sur surface brute de fonderie (en zone utile) sont réalisables, mais conduisent à des résultats plus dispersés.
Réalisation des essais
Les essais de fatigue étant relativement longs (plusieurs semaines pour une courbe de Wöhler), le matériel et le savoir-faire déployés sont primordiaux. En particulier, la fréquence des machines de fatigue travaillant à 60-80 Hz est à privilégier (par rapport aux machines à 20 Hz). Le savoir-faire du laboratoire (fixation des éprouvettes, mise au point sur nuance spécifique, retour d’expériences et conseils) est de première importance. Enfin, le dépouillement et l’interprétation des résultats (intervalle de confiance, …) conditionne la fiabilité des résultats.
Sollicitations sinusoïdales et rapport de contraintes
Les sollicitations appliquées lors de l’essai sont de type sinusoïdales. Ainsi, le rapport de contraintes R entre les 2 points extrêmes de la sinusoïde est défini par R = σ min / σ max. Le rapport de contraintes R est choisi pour reproduire au mieux les conditions de contraintes en utilisation d’une pièce. Très souvent, les essais sont effectués avec des rapports de contrainte de traction entre 0.1 et 0.5. On parle alors d’essais de fatigue en R0.1 (σ min = 0.1 x σ max).
Courbe de Wöhler et Staircase
Les essais « Staircase » (Méthode de l’escalier) permettent de définir la limite d’endurance d’un matériau. Une quinzaine d’éprouvettes est nécessaire. La courbe de Wöhler (courbe S-N) permet de visualiser la contrainte à rupture pour un nombre de cycles compris entre 10 000 et 1 million. Elle peut être complétée avec une estimation de la limite d’endurance. Une vingtaine d’éprouvettes est nécessaire à son établissement.
Nombre de cycles en limite d’endurance
Il faut se poser la question du nombre de cycles nécessaires pour la mesure de la limite d’endurance. Si dans certains cas (automobile, aéronautique), cette valeur est standardisée (10 millions de cycles), il peut être intéressant de reproduire le nombre de cycles réellement enduré par la pièce sur sa durée de vie pressentie (ou garantie). La fréquence de sollicitation variable (1s, 1min. ou 1h) va conduire au bout de 10 ans (avec un taux d’utilisation de 100 % de l’équipement) à respectivement 315, 5 ou 0,1 millions de cycles. La bonne connaissance par le donneur d’ordre des conditions d’utilisation (type de contraintes, fréquence de sollicitation, ….) permet de définir avec précision les modalités de l’essai de fatigue à mettre en œuvre.
Analyse des faciès de rupture
L’examen des faciès de rupture des éprouvettes après essai de fatigue au MEB (Microscope Electronique à Balayage) met en évidence deux zones distinctes. Une première zone, avec des stries de fatigues, correspondant à la propagation de la fissure à chaque cycle de sollicitation. La disposition des stries de fatigue permet de remonter au point d’initiation de la première fissure (utile en cas d’expertise d’avarie). Une deuxième zone d’arrachement, correspondant à la rupture finale qui présente des cupules si le matériau est ductile, ou des plans de clivage si la rupture est fragile.
Limite d’endurance et résistance à la traction
Il existe des formules empiriques donnant σD (la limite d’endurance en fatigue) en fonction de Rm. En première approximation, on peut considérer que σD = Rm/2 pour les aciers et que σD = Rm/3 pour les alliages d’aluminium.
Mesurer l’impact des défauts sur la tenue en fatigue
Dans certains cas, la connaissance de l’abattement provoquée par des défauts spécifiques (internes ou externes) sur la limite d’endurance peut s’avérer un atout certain pour dimensionner au plus juste une pièce mécanique ou définir un cahier des charges d’approvisionnement optimisé (classe de défauts acceptables en zones désignées et zones courantes).
Valider la tenue de la pièce
Une fois la pièce dimensionnée par calcul à partir de lois de comportements fiables obtenues sur éprouvettes, il peut être nécessaire, selon les enjeux, de valider sa tenue sur des bancs de fatigue spécifiques.
Bonjour
Bravo ceci est un article de qualité
Bonjour Geoffrey et merci pour vos encouragements.
Bonjour, article très intéressant et de qualité comme souvent sur ce jeune blog !
D’où provient le σD = Rm/3 pour les alliages d’aluminium, pouvez-vous nous rediriger sur une publication plus détaillée ? Est-il applicable aux aluminium de fonderie ?
Bonjour Marc, merci pour vos commentaires sur la qualité des articles de MetalBlog. Oui, la relation entre Rm et limite d’endurance est valable pour les alliages d’aluminium de fonderie plus spécifiquement en sollicitation uniaxiale. Cependant, elle est très empirique et assez approximative et ne doit être utilisée qu’en l’absence d’essais de fatigue et uniquement pour un pre-dimensionnement en première approche. En particulier, la limite d’endurance est différente selon le mode de sollicitation (traction/compression, flexion alternée, R0.1, R-1…).
Bonjour article très intéressant , comment avez vous déterminé l’incrément pour la méthode staircase ? Nous devons utilisé cette méthode pour un projet de test de fatigue.
Merci d’avance pour votre réponse.
Étudiant ingénieur Matériaux 4ème année
Cordialement
Bonjour, très bon article !
Petite question : Les pièces forgées garantissent souvent de bonnes propriétés en fatigue, notamment grace à la recristallisation et au fibrage induits par la forge ; est-il possible d’améliorer la tenue en fatigue des pièces de fonderie ou de FA au travers de leurs procédés de mise en forme ?
Cordialement
Bonjour Yanis et merci tout d’abord de votre avis sur la qualité de cet article. Oui, la fonderie permet également d’augmenter la tenue en fatigue par le process en jouant par exemple sur la finesse de la microstructure en surface de pièce (insert métallique en moulage sable, affinant, …). De la même manière, en fabrication additive, on peut jouer sur la stratégie de lasage des couches en surface.
Bonjour,
Tout d’abord merci pour cette article très intéressant comme l’ensemble des articles du blog.
Quelles sont les normes qui régissent les essais de fatigue et plus particulièrement pour caractériser des soudures.
Merci
Bonjour David et merci pour votre commentaire. Continuez à nous suivre sur MetalBlog. Pour les soudures, il existe effectivement des normes de caractérisation en fatigue. La NF EN ISO 14324 Janvier 2004 (Soudage par résistance – Essais destructifs des soudures – Méthode pour les essais de fatigue sur assemblages soudés par points) et la FD ISO/TR 12998 Août 2019 (Assemblage mécanique – Lignes directrices pour les essais de fatigue des assemblages). Le CTIF caractérise, dans ses laboratoires de Sèvres et de Saint-Didier-au-mont-d’or, les assemblages soudés. La caractérisation de la tenue en fatigue n’est cependant jamais requise dans les spécifications produits d’assemblages soudés.
Merci beaucoup pour ces informations.
En effet, la caractérisation en fatigue des assemblages n’est pas exigée mais souvent pertinente sur les assemblages innovants hors cadre des codes de construction.
Bonjour,
Merci pour cette synthèse clair de la caractérisation matériaux.
J’utilise actuellement ESOPE pour le dépouillement et la construction des courbes de wohler, malheureusement c’est une version très ancienne et sur du matériel qui l’est encore plus. Je sais qu’il existe une version récente, mais nos évaluations n’ont pas données de bon résultat. Connaitriez vous une alternative à ESOPE pour la construction de la courbe de Wöhler ?
Bonjour Nicolas et merci de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur les essais de fatigue des matériaux métalliques. Pour répondre à votre question, nous ne connaissons pas d’alternative à ESOPE pour la construction des courbes de Wöhler, notamment pour une exploitation des résultats selon le modèle de Bastenaire. Si l’exploitation des résultats est effectuée selon des relations linéaires, il est possible de le faire sous Excel.
Bonjour Madame,
Est-ce la meme méthode pour des pièces fabriquées en fabrication additive,Merci pour votre retour.
Sincères salutations,
Bonjour Jean-Pierre et merci de votre question. La même méthode d’essais est appliquée pour les éprouvettes issues de fabrication additive. Cependant, un phénomène d’échauffement est parfois observé pour certaines nuances ce qui oblige à travailler à faible fréquence (parfois <10Hz). Le CTIF, grâce à son retour d'expérience, est à même d'en tenir compte pour les plans de caractérisation en fabrication additive métallique.
Bonjour,
Je vous remercie pour votre article.
J’ai une question concernant le transfert des résultats obtenus sur les éprouvettes standards à la structure réelle. Est-ce que vous connaissez quelques méthodes, modèles, techniques ou normes qui sont utilisés pour le faire ?
Merci beaucoup d’avance
Bonjour Driss et merci de l’intérêt pour notre article de MetalBlog sur la caractérisation des matériaux en fatigue. Sur pièces réelles, on tient en général compte des défauts internes par une démarche consistant à mesurer l’abattement de la limite d’endurance fonction de la classe de défauts. Méthodologie traitée dans un autre article de MetalBlog.