Vers des fontes austénitiques sans nickel ?

Microstructure fonte moulée Ni-Resist a haute teneur en nickel.

Microstructure fonte moulée Ni-Resist a haute teneur en nickel.

Les fontes austénitiques pourraient-elles s’affranchir du nickel, élément indispensable à leurs propriétés de résistance mécanique, mais d’un coût important dans la constitution de la charge. Cette synthèse bibliographique met en évidence que de nombreuses études ont été menées et permettent de cerner de manière assez exhaustive l’influence des différents éléments d’addition alphagènes ou gammagènes sur le tenue mécanique et la microstructure de ces fontes.

Les fontes austénitiques, de très bonnes performances

Les fontes austénitiques possèdent une bonne résistance dans des conditions sévères d’utilisation, par exemple en milieu oxydant à haute température ou en milieu chimiquement agressif. De plus, la matrice austénitique de structure cubique à faces centrées de ces fontes leur confère une bonne ductilité (du fait de l’existence de nombreux plans atomiques de glissement facile) qu’elles gardent à très basse température. En particulier, contrairement à la structure cubique centrée (plus commune dans les alliages ferreux), la structure austénitique ne devient pas fragile sous une certaine température. Enfin, la matrice austénitique est susceptible de présenter un durcissement structural, lorsque l’alliage est maintenu à haute température. Ce durcissement, très largement utilisé dans le cas des superalliages et des aciers austénitiques, devrait permettre d’obtenir des fontes de propriétés identiques mais plus économiques (réduction des coûts en éléments d’alliage), ou à coût égal, et à performances améliorées.

La problématique du prix du nickel

Consommation du nickel par secteur industriel.
Consommation du nickel par secteur industriel.

C’est l’addition massive de nickel dans ces fontes qui permet la stabilisation de la structure cubique à faces centrées. Or, depuis de nombreuses années, le marché mondial du nickel a affiché sa volatilité. La mise au point d’une nouvelle fonte austénitique à très faible teneur en nickel voire sans nickel s’avèrerait économiquement très intéressante. Le nickel est un élément qui confère un ensemble de propriétés remarquables, de sorte qu’il trouve un emploi étendu pour toutes sortes d’applications. Plus des 4/5 de la production mondiale du nickel sont utilisés pour la production d’alliages pour utilisations en conditions sévères : aciers inoxydables, superalliages (et bien sûr les fontes austénitiques).

On retrouve le nickel dans des applications telles que les installations pétrochimiques, les milieux très corrosifs, ou encore dans des installations de traitements thermiques où les pressions et les températures sont très élevées (cas des vannes ou corps de pompe). Depuis les années 90, le marché mondial du nickel n’a cessé de croître aussi bien par la demande que par le prix. En 1990, le prix de cet élément était de l’ordre de 6000$ par tonne de nickel, quinze ans après, il a pratiquement triplé pour atteindre un peu plus de 18 000$ par tonne.

Evolution du cours du nickel.
Evolution du cours du nickel.

Le fer et ses formes allotropiques

En fonction de la température, le fer pur possède plusieurs formes allotropiques ;  jusqu’à  910°C et de 1400°C jusqu’à la fusion, la structure est cubique centrée (alpha ou delta), et de 910°C à 1400°C, la structure est cubique à faces centrées (gamma). L’ajout d’éléments d’alliage au fer va modifier les domaines d’existence de ces structures et il est possible de classer ces éléments en deux catégories suivant qu’ils augmentent (éléments « gammagènes »: N, C, Ni, Cu, Mn, Co) ou qu’ils diminuent (éléments « alphagènes »: Nb, Si, Ti, Cr, Si, Mo, V…) l’étendue du domaine de stabilité de la phase γ.

L’austénite dans les fontes au nickel

Le diagramme d'équilibre fer-carbone.
Le diagramme d’équilibre fer-carbone.

L’austénite qui a donné sa dénomination à cette famille de fontes, est une solution solide de carbone dans la phase γ du fer. Sa maille cristalline est cubique à faces centrées (CFC) et le côté du cube mesure 0.364 nm à 1100°C. La solubilité du carbone dans cette phase est élevée (jusqu’à 2% à 1147°C), en raison des nombreux sites possibles pour l’insertion des atomes de carbone.

Durcissement structural par précipitation

Sous l’effet d’une contrainte suffisante, les matériaux métalliques et les alliages de fer en particulier ont la propriété de se déformer significativement de manière plastique. Cette plasticité est obtenue par des glissements relatifs des plans atomiques, glissements eux-mêmes rendus possibles par le déplacement de défauts cristallins nommés dislocations. Toute restriction de la mobilité de ces dislocations aura pour conséquence une résistance mécanique (limite élastique) et une dureté accrues du matériau (on parle de « durcissement structural »). Il existe plusieurs types de durcissement structural. Le plus important est le durcissement résultant de la présence de précipités. Un précipité représente en effet un obstacle très efficace au déplacement d’une dislocation et au glissement des plans atomiques du cristal-hôte. La déformation plastique du matériau sera donc rendue plus difficile, en particulier à température élevée (tenue au fluage améliorée). Toutefois, le durcissement structural, en bloquant trop efficacement les dislocations, peut avoir un effet défavorable au retour à température ambiante, lors d’une sollicitation dynamique ; on constate par exemple une diminution de l’énergie de rupture lors de l’essai de flexion par choc (nommée « résilience »). Un compromis doit être trouvé en optimisant les propriétés de résistance mécanique statique (limite élastique) et dynamique (résilience).

Type d'interface a - cohérente b- incohérente.
Type d’interface a – cohérente b- incohérente.

Les précipités peuvent être cohérents ou incohérents avec la matrice qui les entoure. Dans les précipités cohérents (figure ci-contre), les plans cristallins sont en coïncidence avec ceux de la matrice et continus à travers toutes les interfaces matrice-précipité. D’éventuelles petites différences de paramètres de maille sont accommodées par des déformations élastiques de la matrice et/ou du précipité. De ce fait, les précipités peuvent perdre leur cohérence lorsque leur taille augmente, l’énergie stockée devenant trop importante. Dans les précipités incohérents, les plans cristallins ne coïncident plus avec ceux de la matrice ; la structure cristalline de la particule peut même être totalement différente de celle de la matrice (c’est souvent le cas des carbures et des nitrures).

Le caractère cohérent ou incohérent d’une interface aura une grande importance sur son mode de franchissement par une dislocation, en rendant son cisaillement plus ou moins facile. De même, l’existence d’une structure ordonnée chimiquement dans le précipité aura également un effet de durcissement, même si le précipité est parfaitement cohérent avec la matrice qui l’entoure (la dislocation va en effet briser cet ordre en cisaillant le précipité, ce qu’elle ne pourra faire qu’avec une contrainte plus élevée).

Durcissement par solution solide

La présence d’atomes d’éléments d’alliage en substitution et de taille différente de celle des atomes-hôte (ici le fer) va provoquer des déformations des plans cristallins, qui ne pourront plus glisser aussi facilement les uns par rapport aux autres : c’est le durcissement par « solution solide ». Fer, nickel et cobalt ont le même rayon atomique, mais tous les autres éléments d’alliage communs dans les aciers et les fontes ont un rayon significativement différent – jusqu’à 20%. La présence d’atomes de petite taille en insertion (carbone, azote, bore) aura le même effet.

Structure des fontes à haute teneur en nickel

Le nickel possède une structure atomique de type cubique à faces centrées comme le fer γ, avec lequel il forme une solution solide en toutes proportions. Le nickel est « gammagène » et les fontes à matrice austénitique, définies par la norme NF-EN 13835, sont donc des fontes alliées essentiellement au nickel (à une teneur de 14 à 36%), avec divers autres éléments tels que le manganèse (Mn), le cuivre (Cu), le chrome (Cr)… à des teneurs variables. Très logiquement, l’augmentation de la teneur en nickel augmentait la proportion d’austénite observée. Par exemple pour une composition de fonte austénitique qui contient 11% de nickel la matrice est composée de 95% en volume d’austénite et de 5% en volume de ledeburite (il  s’agit de l’eutectique austénite-carbures) et lorsqu’on double la teneur en nickel la matrice est composée de 97% en volume d’austénite et de 3% en volume de ledeburite. Une étude du BCIRA a montré que lorsque la teneur en nickel était en dessous de 5%, l’austénite était instable.

Selon la composition, on peut distinguer 3 nuances principales de fontes au nickel : les fontes au Ni-Cr, les fontes au Ni-Si et les fontes au Ni-Mn. Tout d’abord,  les fontes austénitiques au nickel-chrome (Ni = 13 à 35% ; Cr ≤ 6% ; Cu ≤ 8%) connues sous le nom de « Ni-resist » ; cette nuance est constituée de quatre familles destinées à des applications distinctes. Ensuite, les fontes austénitiques au nickel-silicium (Ni = 13 à 21% ; Si = 5 à 6% ; Cr = 1.5 à 5.5 %) appelées « Nicrosilal » qui sont employées notamment pour les applications à hautes températures. Enfin, les fontes austénitiques au nickel-manganèse (Ni = 5 à 10% ; Mn = 5 à 12 % ; Cu ≤ 5%) appelées « Nomag » qui sont utilisées notamment pour les basses températures.

Les éléments d’addition ont aussi des effets sur la forme du graphite ; c’est le cas du cuivre et de l’aluminium, qui détériorent la forme du graphite sphéroïdal. Des auteurs russes ont montré que la forme des particules de graphite dépendait aussi de la proportion de carbone, de silicium et de nickel ; lorsque la composition chimique n’est pas ajustée correctement, le graphite se présente sous forme vermiculaire au lieu d’être sous forme nodulaire. Le nickel va favoriser la formation de graphite nodulaire alors que le manganèse altère cette nodularisation. Plus le rapport Ni/Mn est élevé, plus la proportion de graphite nodulaire augmente. Sous certaines conditions, augmenter la teneur en chrome produit l’apparition d’une importante proportion de graphite lamellaire.

Des propriétés conservées malgré une plus faible teneur en nickel

Face aux problèmes économiques, de nombreuses études ont été menées afin de mettre au point des nuances de fontes austénitiques économiques. Dans ces nuances, la teneur en nickel est réduite mais il reste toutefois l’élément d’alliage majoritaire.

De nombreuses nuances ont ainsi vu le jour. Plusieurs brevets couvrant de telles nuances ont été déposés entre 2005 et 2009 montrant une bonne conservation des propriétés mécaniques et physiques. Toyota Jidoshokki a mis au point une fonte austénitique ne contenant que 7 à 15 % de nickel dont les caractéristiques, telles que la résistance à l’oxydation, sont excellentes tout en réduisant la quantité utilisée de nickel. En contrepartie, la fonte peut contenir jusqu’à 8 % de manganèse et jusqu’à 5 % de cuivre. Une invention russe permettrait de produire à faible coût, de la fonte austénitique au nickel économiquement alliée au chrome et au zinc (à savoir seulement 10.0 à 14.0% de Ni, 1.5 à 5.0% de Mn et 2.8 à 5.0% de Cr) présentant d’excellentes propriétés fonctionnelles garanties. Cette nuance est utilisée pour des machines de production soumises à des basses températures jusqu’à -60°C.

Des chercheurs japonais de la société Hitachi ont mis au point, pour le marché des collecteurs et des carters-turbos, une nouvelle fonte GS austénitique au nickel contenant 1 à 4.5 % de molybdène, un peu d’étain (< 0.5 %), et un peu d’azote (< 0.3 %) qui présenterait une tenue à la chaleur améliorée (900-1 000 °C) par rapport aux nuances austénitiques conventionnelles.

Cependant, il est important de noter que la réduction du nickel entraine des modifications au niveau de la microstructure de la fonte, qui cesse d’être totalement austénitique. Dans une fonte blanche contenant 3.5% de nickel, l’auteur a observé 58% d’austénite au niveau de la matrice. Toutefois, cette proportion d’austénite n’est pas seulement influencée par la faible teneur en nickel mais aussi par la teneur en silicium qui déstabilise l’austénite.

Une alternative avec les fontes alliées au manganèse

Le manganèse présente une structure cubique à faces centrées identique à celle de l’austénite et est un élément gammagène. C’est donc un substitut possible du nickel. Par analogie au diagramme de phase fer-nickel, le diagramme de phase fer-manganèse met en évidence un large domaine austénitique γ, ce qui permet son utilisation pour des gammes très larges de températures. Toutefois, contrairement au nickel, le manganèse participe à la formation de carbures. Allié au fer, il forme un carbure mixte (Fe, Mn)3C. De nombreuses nuances dans lesquelles le manganèse est l’élément d’alliage majoritaire ont été mises au point.

Les effets positifs du manganèse

Le remplacement du nickel par du manganèse n’est pas sans conséquence. Les effets du manganèse sont constatés notamment au niveau du comportement de solidification et la microstructure de la fonte comme le montrent des chercheurs iraniens. Cela entraine des effets directs sur les propriétés mécaniques, la résistance à la corrosion et les propriétés physiques, lesquelles dépendent de la microstructure. P. Sriram a étudié la possibilité de fabriquer des inserts de segment de feu pour moteur à combustion interne en fonte GL austénitique alliée au manganèse. La composition de la fonte testée est : 7-11 % Mn, 1-8 % Ni, 4-5.5 % Cu, 0-1.5 % Cr; 1.5 – 2.75 % Si, 3 % max. Cette substitution du nickel par le manganèse permet à la fonte de conserver des caractéristiques similaires aux Ni-resist de type 1 (c’est-à-dire un coefficient d’expansion thermique, de conductivité thermique, de contraction volumique, une usinabilité, une résistance à la corrosion atmosphérique et des propriétés magnétiques identiques). La résistance à l’abrasion est cependant sensiblement améliorée.

L’étude de P.J. Rickards a montré que la résistance à la corrosion d’une fonte GL austénitique composée de 6% de Mn, 4% de Cu et 5% de Ni (composition proche de celle des fontes normalisées Nomag), dans un milieu acide et dans un milieu salin, n’était que légèrement inférieure à celle des fontes austénitiques conventionnelles.

Une fonte austénitique alliée au manganèse et au cuivre (5% Mn et 3% Cu, sans nickel) présente un taux élevé de carbures et une résistance à la corrosion et à l’impact qui reste comparable à celle des fontes conventionnelles nommées «Ni-hard» de type 4. Une petite addition de nickel (composition 6% Mn, 4% Cu, 2.5% Ni) permet d’obtenir une fonte dont la structure est exempte de carbures et qui présente des caractéristiques mécaniques et magnétiques convenables (faible perméabilité, haute résistance électrique). La disparition des carbures permet d’augmenter l’allongement qui passe de 0 – 3% à 5 – 6%. Par contre, cette fonte présente une dureté et une résistance à l’abrasion plus faible que la nuance exempte de nickel. La proportion d’austénite présente dans la matrice croit en même temps que la teneur en manganèse. Il a été observé qu’à une teneur de manganèse inférieure à 5%, la matrice était perlitique et il se formait des carbures en grande quantité (plus de 10%). C’est au-delà de 5% de manganèse que l’austénite commence à subsister. Une teneur de 6% de manganèse confère une quantité de carbure minimale.

D’autres propriétés mécaniques et physiques comme la résistance à chaud sont conservées dans les fontes alliées au manganèse malgré la diminution du nickel à 1-2 % (1% Ni, 10% Mn, 5% Cu). La résistance à l’usure est aussi maintenue grâce à l’augmentation de la teneur en manganèse comme le montrent des auteurs russes. Un brevet déposé par Alloy Technology Solutions montre que dans la fonte austénitique proposée, le manganèse, qui a des effets de désoxydation et de désulfuration dans le métal liquide, participe à la détérioration de la résistance à la corrosion si sa teneur est trop élevée. Pour cette raison, il préconise de rester en dessous de 1.5% en manganèse.

Les effets négatifs du manganèse

Des auteurs ont observé que le manganèse pouvait rendre l’alliage plus dur car une présence importante favorise la formation de carbures, rendant les fontes austénitiques plus difficiles à usiner. C’est pourquoi la teneur en manganèse doit être limitée à 10%. C’est l’ajout d’autres éléments tels que le cuivre qui permet de remédier à ce problème (une partie du manganèse étant substituée par le cuivre). D’autres auteurs russes ont montré que la fonte au nickel-manganèse présentait une bonne résistance à haute température mais une faible résistance à l’écaillage. De plus, elle est susceptible de poser des problèmes lors de l’usinage, ce qui concorde avec les observations de l’étude de P. Sriram. Comme autre effet négatif, il a été observé que le manganèse stabilisait moins bien l’austénite que le nickel.

Influence des autres éléments d’addition

Afin d’obtenir des propriétés particulières, des chercheurs ont proposé de substituer au nickel d’autres éléments gammagènes (cuivre, azote) pour favoriser la formation de l’austénite ou des éléments alphagènes (chrome, aluminium, niobium, vanadium…) permettant d’améliorer ou de conserver de bonnes performances.

Influence du cuivre

Le cuivre est un élément soluble dans le fer qui va stabiliser l’austénite. Différentes publications ont permis de décrire ces effets dans les matrices austénitiques. L’addition de cuivre permet d’améliorer la résistance d’un acier austénitique grâce aux précipités riches en cuivre qui se forment lors d’un vieillissement. Les auteurs montrent que des éléments tels que le manganèse ou le carbone sont absents à l’intérieur des précipités. C’est l’abondance des précipités de cuivre d’une taille de 2 à 2.5 nm de diamètre à 700°C qui cause un effet important de durcissement structural. Une autre étude confirme que la précipitation de particules de cuivre permet d’augmenter la résistance d’un acier par un mécanisme de durcissement structural.

Lorsqu’on ajoute 4 à 5% de cuivre dans une fonte alliée avec 7 à 11% de manganèse et 1 à 8% de nickel, on obtient une matrice entièrement austénitique qui contient peu de carbures. Mais une teneur de 5% en cuivre entraine la formation de cuivre libre, il est donc important de ne pas dépasser la limite de solubilité. Le cuivre permet d’obtenir une faible perméabilité magnétique (jusqu’à 1.033), une bonne résistance mécanique pouvant aller jusqu’à 479 MPa et une bonne ductilité (jusqu’à 5.8% d’allongement).

Le cuivre contribue aussi à augmenter de façon importante la résistance à la corrosion des fontes austénitiques comme l’ont montré différentes études. Cependant, l’ajout de cuivre doit être contrôlé car sa solubilité est limitée dans la fonte, bien qu’elle soit augmentée par l’ajout du nickel. Le cuivre stabilise moins bien l’austénite que le manganèse.

Influence de l’azote

Dans les fontes et aciers, l’azote se retrouve essentiellement sous forme de nitrures. L’azote est également un élément gammagène bon marché qui est capable de remplacer le nickel lorsqu’une structure austénitique est souhaitable ou au moins permet d’en augmenter la proportion (cas des aciers austéno-ferritiques). Des auteurs ont montré que les propriétés mécaniques plus élevées des aciers inoxydables austénitiques alliés à l’azote s’expliquent par le durcissement par solution solide d’azote. Cette observation est confirmée par différentes études. Des auteurs ont montré que les propriétés mécaniques telles que la tenue en fatigue, la résistance aux rayures, l’abrasion et la résistance à la corrosion étaient améliorées lorsque la teneur en azote augmentait. De plus, le matériau est capable d’absorber davantage d’énergie lors d’une déformation si sa teneur en azote augmente. D’autres auteurs ont mentionné que dans les aciers austénitiques, l’introduction jusqu’à 1% d’azote permettait d’obtenir des propriétés mécaniques et une résistance à la corrosion nettement supérieures à celles des aciers austénitiques conventionnels.

De nouvelles nuances d’aciers alliés à l’azote ont été développées. Une étude de CTIF réalisée par Jean-Marcel Masson a montré que l’azote pouvait jouer divers rôles dans les aciers, au niveau de la stabilisation de l’austénite, de l’augmentation de ses caractéristiques mécaniques et l’amélioration de la tenue à la corrosion. Dans le cas des fontes, des auteurs russes avaient déjà montré que le remplacement partiel du nickel par de l’azote dans les fontes de type «Niresist » améliorait les propriétés mécaniques et la résistance à la corrosion. Une étude réalisée par O. Mouquet (CTIF), a également mis en évidence les différentes performances des fontes GL enrichies à l’azote. En particulier, son addition, qui reste limitée à 200 ppm, permet une augmentation de la résistance à la traction. Si l’azote semble être un élément intéressant dans les aciers et dans les fontes austénitiques, plusieurs études montrent aussi ses limites car l’un des problèmes majeur rencontré est la solubilité de l’azote dans l’alliage. La solubilité de l’azote dans les aciers dépend de la présence des autres éléments d’addition tels que le titane ou le zirconium qui ont tendance à augmenter sa solubilité alors que d’autres éléments tels que le chrome, le manganèse, et le molybdène ont l’effet inverse.

Influence de l’aluminium

A une température de 1232°C, la solubilité de l’aluminium dans le fer est de 35% alors qu’à température ambiante, elle est de 32%. D’autre part, l’addition d’aluminium réduit la région « gamma » du diagramme d’équilibre, accroissant la phase alpha. Entre 900°C et 1400°C, en dessous de 5% d’aluminium, il existe un petit domaine dans lequel on trouve une matrice austénitique. La présence de l’aluminium dans la fonte a un effet graphitisant, pouvant empêcher la formation de carbures et permettant au manganèse de rester dans la solution solide. Cet élément confère au matériau différents effets intéressants au niveau des propriétés. Des auteurs ont mis en évidence leurs effets dans les fontes. Une étude a permis de voir qu’une faible addition d’aluminium de 0.5% max dans une nuance de fonte austénitique GL participait à l’amélioration de l’usinabilité de la fonte.

Cela confirme les mêmes observations faites par des auteurs russes en 1973, où pour une composition de fonte de 7.5-8.5%Mn, 1-1.5% Ni, il a été constaté que l’addition de 0.8-1.2% Al permettait d’obtenir de bonnes propriétés mécaniques et une usinabilité satisfaisante.

Un brevet américain mentionne qu’une petite addition d’aluminium et de titane dans un acier titrant par ailleurs 3 à 9% de chrome, 5 à 20% de molybdène, 12 à 25% de nickel, 4% max de niobium et 6% max de manganèse, conduit à l’apparition d’un durcissement par précipitation. Quand ces éléments sont ajoutés et que l’alliage subit un traitement thermique à chaud, la résistance est ainsi nettement améliorée. Du point de vue résistance à la corrosion, l’aluminium présente des effets assez similaires dans des alliages Mn-Cu et dans les aciers. Notamment, une étude a montré que l’addition de l’aluminium permettait d’augmenter la résistance à l’oxydation grâce à la formation continue d’alumine à la surface des aciers. De plus, dans un alliage Mn-Cu, l’augmentation des propriétés mécaniques et de résistance à la corrosion est observée grâce à l’ajout de différents éléments tels que Al (2.5-6%), Ni (<3.5%), Pb (<1%), Fe (<5%) et Sn (<2%).

Influence du chrome

L’examen du diagramme de phase fer-chrome permet de voir qu’il existe un domaine austénitique entre 900°C et 1400°C pour une teneur en chrome inférieure à 13%. Le chrome est largement utilisé dans les aciers, pour améliorer les propriétés mécaniques et la résistance à la corrosion. Dans la fonte, le chrome est utilisé en même temps que d’autres éléments d’additions, spécialement le nickel, le molybdène, le vanadium et le titane. Des faibles additions simultanées de chrome (0.5 à 1.5%) avec d’autres éléments d’alliages donnent une excellente association de résistance à l’usure, à la rupture et à la corrosion. Un brevet américain a mis en évidence que le chrome avait différentes influences sur la corrosion et la résistance à l’usure : son addition permettait d’obtenir une diminution de perte de poids de l’alliage dans les tests d’usure, traduisant en conséquence une bonne résistance à l’abrasion.

Des auteurs mentionnent aussi que seule une teneur limitée en chrome peut être utilisée parce qu’il retarde l’effet graphitisant du nickel et forme des carbures eutectiques, de sorte que la ténacité et l’usinabilité sont diminuées. Dans les fontes alliées au manganèse, l’ajout de 2% chrome suffit pour lui permettre d’avoir une bonne résistance à la corrosion en milieu marin et également en milieu atmosphérique.

Ces différents résultats confirment les observations déjà mises en évidence en 1976 par des auteurs russes qui avaient étudié l’influence du chrome sur les propriétés des fontes austénitiques au manganèse et à graphite lamellaire. Ils avaient montré que l’addition de 1.2 à 1.5% de chrome améliorait considérablement les propriétés mécaniques telles que la résistance à la rupture ou la dureté de ces fontes. L’addition de 1.52% de chrome permet d’augmenter de 25% la résistance de la fonte, avec une augmentation de la dureté.

Malgré les apports du chrome au niveau des propriétés mécaniques de la fonte, une étude permet de voir que son utilisation doit être limitée. Des auteurs ont ainsi observé d’une part, que plus on ajoute du chrome, plus la proportion d’austénite diminue ; le chrome en solution tend à retarder la transformation austénitique. D’autre part, ils ont constaté en même temps l’augmentation de la proportion de carbures. En effet, le chrome se combine facilement avec le carbone, et le carbure qui en résulte se combine avec le carbure de fer Fe3C pour former un carbure double. Ces carbures doubles, durs et stables, ne se dissolvent pas facilement dans l’austénite, bien que la solubilité s’accroisse avec la température. On constate par ailleurs que la chrome, qui augmente le coefficient de friction, grâce au nombre important de carbures de grande dureté, réduit aussi le taux d’usure des fontes au manganèse.

Influence du molybdène

Le molybdène est retrouvé dans la fonte sous forme de carbures, comme le vanadium. Son utilisation à forte teneur dans les fontes austénitiques présente des effets semblables à ceux du chrome au niveau de l’amélioration de la résistance à la corrosion dans un milieu acide. L’effet de durcissement par solution solide est important.

Influence du vanadium

Plusieurs études mettent en évidence les effets bénéfiques du vanadium sur les propriétés des fontes austénitiques, même si le diagramme de phase Fe-V ne présente pas de domaine austénitique. Le vanadium est un élément qui s’associe au carbone pour former des carbures de vanadium de forme sphérique. En 2005, des chercheurs japonais ont mis au point une fonte austénitique à 12-15 % de manganèse et 9-13,5 % de vanadium qui présente, brute de coulée, d’intéressantes propriétés (résistance à l’usure, ténacité, …) grâce à la présence de carbures précipités.

Une autre étude a permis d’observer que son addition à 4% permet d’améliorer la résistance à l’usure des fontes austénitiques conventionnelles. Son effet est similaire dans le cas des aciers austénitiques étant donné qu’il favorise la formation des précipités de type M2X hexagonal compact jusqu’à une température de 1100°C.

Influence du niobium

Le niobium, qui est un élément alphagène, ne présente une influence sur les propriétés des fontes qu’en présence d’autres éléments d’alliage. Dans les fontes GS austénitiques, cet élément peut améliorer la soudabilité si son ajout dans la fonte n’excède pas les 0.20%. Il augmente légèrement la résistance à la corrosion. Une faible addition de cet élément diminue le coefficient d’expansion thermique α du matériau. L’allongement à rupture diminue également avec l’augmentation de la quantité de niobium. C’est l’ajout de 0.2% de niobium qui permet de faire un bon compromis entre le coefficient d’expansion thermique et l’allongement en traction. Dans les fontes grises il a été observé qu’une petite addition de niobium (0.1 – 0.3%) augmentait le nombre de particules de graphite eutectique, les rendant plus fines entrainant ainsi une amélioration de la résistance en traction.

Cependant, tout comme les autres éléments mentionnés précédemment, sa teneur doit rester limitée afin de minimiser les effets néfastes sur les propriétés. Des auteurs ont montré par exemple que son addition à un taux supérieur à 4% pouvait causer une diminution de la résistance à l’usure de la fonte. Ce sont avec des teneurs de 1 à 2.5% qu’on observe les meilleurs effets de cet élément.

Influence du silicium

Le silicium, élément graphitisant et alphagène apporte aussi des effets intéressants au niveau des propriétés des fontes. En effet, une étude a montré qu’une petite addition de silicium dans un acier allié au Mn-Al, permettait d’obtenir une matrice complètement austénitique. Cette addition de 0.82%, traduit un meilleur équilibre entre la fluidité, la composition des phases et la microstructure. De plus, cet élément présente des effets bénéfiques dans les fontes austénitiques, notamment au niveau de la résistance à l’usure et à la corrosion. Cependant, plus la teneur en silicium est élevée et plus la fonte est fragile. Le rôle du silicium ne s’arrête pas qu’au domaine des fontes, dans les aciers il affine et stabilise la taille des particules précipitées (comme le Fe2Nb) durant des essais de fluage à 750°C.

Conclusion sur les fontes au nickel

Cette synthèse bibliographique a montré que de nombreux travaux ont été effectués dans le but de réduire la teneur en nickel des fontes austénitiques. Des nuances de fontes à des teneurs réduites en nickel à 8-10% ou au manganèse ont été proposées. Des additions significatives de cuivre ont également été effectuées. Toutefois la suppression totale du nickel n’a été mentionnée qu’une seule fois, les teneurs minimales étant la plupart du temps de 1 à 2%.

1 commentaire

  1. laurent champlon dit :

    Bonjour,
    pour ce type de fontes , le taux de carbone doit -il être ajusté vers 3% ou moins ??

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