Les défauts de type soufflures (et piqures) sont des bulles de gaz incluses dans les pièces de fonderie et peuvent se rencontrer avec quasiment tous les alliages et les procédés de transformation. Cet article fait le point sur leur diagnostic et les moyens de contrôle, leurs origines et causes diverses, sur leur quantification ou encore sur leur impact sur les caractéristiques mécaniques des pièces.
Diagnostic des soufflures
Les soufflures sont des cavités remplies de gaz (air, oxygène, hydrogène, …) au sein d’une pièce. Ces défauts ne débouchent généralement pas en surface de pièce. Ils sont la plupart du temps arrondis (ou ovalisés) et lisses mais ne présentent pas un faciès déchiqueté et caverneux comme d’autres types de défauts (retassures). Les soufflures sont en général concentrées dans une même zone de pièce, mais peuvent être localisées diversement (et un peu aléatoirement mais plutôt en partie haute) d’une pièce à l’autre en fonction de la régularité du remplissage. Les soufflures peuvent être de petite taille (100 µm) ou au contraire avoir une taille conséquente (plusieurs millimètres). De très petits défauts coexistent souvent avec des défauts plus importants dans une même pièce. Les soufflures sont quelquefois appelées porosités ou porosités gazeuses.
Les moyens de contrôle en production
S’agissant de défauts internes dans la très grande majorité des cas, les soufflures ne peuvent pas être identifiées par d’un contrôle visuel. Elles nécessitent un moyen de contrôle non destructif de la santé interne de type radiographie (ou ultrasons).
Les soufflures et l’usinage
Les soufflures en sub-surface sont fréquemment débouchées lors d’une opération d’usinage. On peut ainsi, dans un cahier des charges, être amené à spécifier le nombre et la taille des porosités tolérées après usinage dans une zone particulière.
Impact fonctionnel sur le comportement des pièces
Les soufflures se présentent sous la forme de porosités en général non communicantes les unes avec les autres, ce qui limite les risques de fuite pour des pièces étanches. Par contre, ces défauts vont diminuer les performances mécaniques en statique et encore plus lors de sollicitations dynamiques. Des démarches de type QualiCast (mesure de l’impact des défauts sur l’abattement des caractéristiques mécaniques), déployés par le CTIF, permettent de déterminer avec précision les niveaux de porosité acceptables pour limiter la réduction du Rp0.2 ou la limite d’endurance en fatigue. Ces défauts sont totalement interdits dans les zones de soudure.
Les critères d’acceptation des soufflures
Les critères d’acceptation des soufflures dans une pièce sont liés à sa fonction, aux contraintes en service (étanchéité, tenue mécanique, tenue en corrosion, …), au coefficient de sécurité (pris lors du dimensionnement initial de la pièce) ou encore au niveau de risque lié au domaine d’utilisation (TP, automobile, aéronautique). Dans un cahier des charges, on distingue la plupart du temps des zones désignées dites ZD (défauts acceptés plus réduits) plus fortement sollicités et des zones non désignées ou ZND (défauts plus importants acceptés) moins sollicitées mécaniquement.
La quantification des soufflures
Pour quantifier les soufflures (taux de porosité, taille, position dans la pièce), plusieurs moyens sont utilisables : le comparatif avec des images types en radiographie, l’analyse d’image sur coupe métallographique ou encore la tomographie. La radiographie permet tout d’abord de comparer un niveau de qualité interne avec des images types de référence (ASTM). Ces images de référence sont disponibles par process et par métallurgie et proposent plusieurs niveaux de qualité. C’est le moyen de contrôle le plus largement usité en production. On peut ensuite réaliser un comptage des pores par analyse d’images sur une ou plusieurs coupes de pièces. Il s’agit alors d’un moyen destructif qui ne peut être utilisé qu’en phase de mise au point ou de qualification. Plus récemment, la tomographie (scan 3D) a permis – de manière non destructive – d’accéder à un grand nombre d’informations (dimensionnel et santé interne). Si la tomographie est très utile en phase de R&D et de mise au point, elle est encore peu adaptée (ou inutilisable) pour des pièces épaisses en acier ou en fonte, elle est encore couteuse comparativement à la radiographie et n’est pas compatible avec un temps de cycle réduit (de l’ordre de la minute) en production automobile pour un contrôle à 100 % avec une résolution intéressante.
Impact de la taille et de la position des pores sur la tenue en fatigue
Il est clair que les pores de grande taille réduisent davantage la limite d’endurance lors de sollicitations dynamiques que les petits défauts. Cependant, il a été également montré que la distance de ces pores à la peau de pièce a un impact majeur. Ainsi des pores proches de la surface sont plus pénalisants que des pores au cœur de la pièce (proche de la fibre neutre) sur la tenue en fatigue.
L’origine des soufflures
Les soufflures sont dues majoritairement à un emprisonnement d’air lors du remplissage du moule, à une réaction moule-métal en cas de surface de moule humide lors du remplissage (moule, noyau, broches métalliques, refroidisseurs, …) ou encore des gaz générés par la dégradation des liants organiques (noyaux ou moule).
Un défaut généré pendant le remplissage
Le changement de phase rencontré en fonderie (passage de l’état liquide à l’état solide) et en particulier le remplissage de l’empreinte avec du métal est susceptible de générer des entraînements d’air ou de piéger l’air de la cavité. Le système d’alimentation, avant même l’empreinte, constitue souvent un volume non négligeable d’air associant des vitesses de métal plus importantes que dans l’empreinte. Ensuite, le remplissage de l’empreinte est rarement en front continue. En pratique, différents fronts de métal se rencontrent et peuvent emprisonner de l’air. Ensuite, les tirages d’air positionnés dans le moule peuvent être obstrués prématurément (en début de remplissage) par le métal. Enfin, le moule est plus ou moins perméable et susceptible d’évacuer l’air facilement ou non. Citons également le temps de remplissage (plus ou moins court) qui explique que certains process de fabrication (fonderie sous pression) sont plus défavorables que d’autres (moulage gravité sable ou coquille) vis des vis des soufflures.
Les interactions moule-métal
La deuxième grande famille de causes à l’origine des soufflures est l’interaction moule/métal. En effet, si l’empreinte de moule en surface (ou les noyaux) est humide lors du remplissage, le métal liquide va décomposer l’eau résiduelle en vapeur d’eau. Une goutte d’eau se transforme ainsi en un peu plus d’un litre de valeur d’eau (à pression atmosphérique). Cette vapeur d’eau va être piégée dans la pièce sous forme de défauts de type soufflures. Les gaz issus de la pyrolyse des résines utilisées en moulage sable peuvent également être piégés par la solidification du métal.
Les gaz dissous dans le métal liquide
Enfin, l’alliage liquide peut être lui-même déjà porteur de gaz inclus (hydrogène dans l’aluminium, oxygène et azote dans les fontes et aciers ). La limite de solubilité étant différente entre l’état liquide et l’état solide, ce gaz dissous peut être libéré lors de la solidification. Tous les métaux liquides peuvent dissoudre de l’hydrogène alors que les fontes et les aciers dissolvent également de l’oxygène et de l’azote, l’oxygène réagissant avec le carbone pour former de l’oxyde de carbone. Ces gaz proviennent du contact du métal liquide avec des composés humides ou organiques (graisse et rouille, par exemple , dans le cas des fontes et des aciers). Lorsque du gaz est dissous dans le métal liquide, on constate que les pores sont en général de petite taille et sont assez homogènes en répartition dans l’ensemble de la pièce contrairement à l’air de l’empreinte piégé lors du remplissage ou à une réaction moule/métal qui est davantage localisée.
Les élaborations métallurgiques qui se font sous gaz de protection ou sous vide (comme pour le titane) limitent très fortement les phénomènes de gaz dissous dans le métal. A contrario, les transvasements de métal – depuis un four de fusion vers un four de maintien – avec des hauteurs importantes sont pénalisants et peuvent être une cause de non qualité. Dans le cas du cuivre, l’oxygène et hydrogène peuvent s’associer pour donner naissance à du rochage provoqué par la réaction de vapeur d’eau (recombinaison de l’oxygène avec l’hydrogène).
Les remèdes spécifiques
Il est clair que la santé interne des pièces passe par l’optimisation de la métallurgie, de l’outillage et des paramètres de fabrication. Au-delà de cette maîtrise technique, un certain nombre de moyens spécifiques peuvent être adjoints à certains process pour limiter les défauts de types soufflures. En fonderie sous pression, par exemple, les systèmes de moulage sous vide sont utilisés qui permettent de garantir une pression d’air réduite -de 100 à 200 mbar- dans l’empreinte avant injection (au lieu de 1000 mbar). La basse pression –avec un remplissage laminaire de bas en haut – garantit, quant-à-elle, en général très peu d’emprisonnement d’air. On peut également citer le moulage en cire perdue sous vide où le niveau de sous vide très poussé (10-5 bar) est gage d’une absence de pores dans les pièces. Enfin, plus généralement, en moulage gravité (en sable et en coquille), le remplissage en source (par le bas de la pièce) est plus favorable que le remplissage en chute (par le haut de la pièce) qui génère davantage de turbulences et donc de risque de défauts de type soufflure. Bien sûr, une sélection rigoureuse des matières premières permet de limiter la quantité de gaz dissous dans le cas des fontes et des aciers.
Le dégazage des bains
Le dégazage par bullage d’un gaz sec (azote ou argon) permet d’éliminer l’hydrogène des bains d’aluminium ou de cuivre.
La simulation numérique
La simulation du remplissage de l’empreinte de coulée au stade de la conception de l’outillage permet d’optimiser le système d’alimentation (position de la pièce dans le moule, position des attaques de coulée sur la pièce, dimensionnement des canaux de coulée, position des tirages d’air) pour limiter très fortement les risques de soufflures. Plusieurs solutions peuvent être testées virtuellement en amont avec la possibilité de déployer, si nécessaire, des plans d’expérience numérique.
Conclusions
Les soufflures et piqures sont des défauts courants en fonderie. Leur diagnostic est en général assez simple. Les moyens de contrôle sont essentiellement non destructifs et la radiographie est l’un des plus utilisés. Les causes racines sont multiples et peuvent être liées à du gaz dissous dans le métal, à une réaction moule/métal, à la conception du système de remplissage ou bien encore aux paramètres de fabrication.
Remerciement à Gilles Regheere et Michel Stucky, Experts au CTIF pour la relecture et l’enrichissement technique de cet article.
Bonjour
article intéressant
Avez vous pu étudier l’intérêt d’un traitement de type CIC ou HIP sur de tels défauts ?
Cordialement
Patrick Jacquot
Bodycote
Bonjour Patrick et merci d’avoir apprécié cet article de MetalBlog sur les défauts de type soufflures. Effectivement, les traitement de CIC (Compression Isostatique à Chaud) appelés encore HIP réduisent très fortement les défauts internes dans les pièces métalliques (fonderie, fabrication additive, …). Par contre, ils sont inefficaces sur les défauts débouchant en surface. L’idéal étant évidemment d’avoir une pièce bonne du premier coup et de ne pas avoir à faire de post-traitement. Dans certains cas (pièce à haute VA, …), le CIC peut être mis dans la gamme de fabrication.
Merci monsieur pour cet article intéressant,
J ai deux questions ?
A propos le gaz dissous dans le metal:; l’hydrogène dans l’aluminium, ne vient pas de l électrolyse de l alumine? Si oui
De quel réaction vient l’hydrogène dissous dans les aciers. Notant que il y a la fragilisation par hydrogène dans les aciers.
La deuxième question, comment les bulles d azote ou d’argon font le dégazage ? Comment font sortir ce gaz dissous?
Autres, si l oxygène se combine avec le fer en cas des aciers, on peut jamais l extraire? Par contre s il est avec le carbone, forme un gaz qui peut être emprisonné ?
Merci
en general, le grenaillage finit par reveler ce defaut
Bonjour Jérome et merci de votre commentaire avec lequel nous sommes en désaccord. Il peut arriver en effet dans certains cas (soufflures en peau de pièce très proche de la surface de pièces en aluminium) que le grenaillage révèle ces défauts, mais très majoritairement, ce n’est pas le cas.
bonsoir, merci pour cet article c’est très intéressant, j’aimerais savoir si vous avez d’autres articles concernant les défauts de surfaces sur les fils d’acier ou bien juste les défauts de surface en général
Bonjour Youssef et merci tout d’abord de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur les défauts de type soufflures. Non, pour l’instant, pas d’autres articles de MetalBlog publiés relatifs à la defectologie.
Bonjour le CTIF, puis-je avoir une précision sur la quantification des défauts de type soufflures ? Est-il possible de faire une simulation numérique ?
Bonjour River’s et merci de votre question sur notre article de MetalBlog sur les défauts de type soufflures et piqures. Oui, nous réalisons des simulations numérique du remplissage (et solidification) qui permettent d’optimiser la qualité en amont de la fabrication des outillages. Ces simulations permettent d’appréhender les principaux défauts (soufflure, retassure, reprise, …).
Bonjour,
Article très instructif et explicite. En complément j’aurais voulu connaitre l’influence :
1. de la température du métal sur les soufflures notamment lors de la coulée ?
2. de la vitesse de coulée (loi de coulée) ?
3. des peaux d’allume sur le soufflures
Merci d’avance pour vos réponses
Bonjour Régis et merci de votre intérêt pour cet article. Je prend contact en privé avec vous pour en discuter de vive voix.