Les problématiques HSE en fabrication additive métallique sont à appréhender comme sont pris en compte par ailleurs les nouvelles règles de conception des pièces ou les microstructures hétérogènes selon le sens de construction par rapport à des procédés traditionnels (fonderie, forge). Dans cet article, nous passerons en revue les différents points critiques spécifiques à cette nouvelle technologie (en particulier le SLM, la plus utilisé en impression 3D) vis-à-vis des contraintes d’hygiène, de sécurité et d’environnement.
La méthodologie HSE
La prise en compte de la méthodologie HSE (Hygiène, sécurité, environnement) au sein des entreprises s’est fortement développée au cours de ces dernières décennies. Le code du travail introduit les principes de base de la HSE, cependant la mise en place d’une telle méthodologie vise l’intégration des enjeux concernant l’intégrité physique du personnel et leur sécurité ainsi que la protection de l’environnement. La mise en place d’une politique HSE, intégrée à l’ensemble des activités depuis la conception, permet d’éviter les accidents et les situations catastrophiques, de réduire les nuisances environnementales, d’être socialement responsable et économiquement compétitif. L’objectif d’une politique HSE est donc de mettre en œuvre des mesures de prévention et de protection de la santé des collaborateurs et des populations et de préservation des installations et de l’environnement.
Généralité HSE pour la fabrication additive
Bien que les domaines d’activité ayant recours à la fabrication additive se diversifient depuis les années 90 et que la production est en forte augmentation, l’importance de la HSE et les impacts associés à la fabrication additive n’ont pas encore complètement été pris en compte. La fabrication additive comporte des risques, que l’on peut identifier à défaut de les caractériser. Ces risques peuvent être liés à la manutention, à l’électricité, aux récipients sous pression ou peuvent encore être des risques spécifiques liés aux processus et aux produits mis en œuvre ou générés. L’ensemble de ces risques doivent faire l’objet d’une évaluation spécifique dans le document unique. Une cartographie des zones d’utilisations des produits dangereux et des tâches devrait permettre d’évaluer les risques. La démarche de prévention des risques ne se limite pas à l’analyse des risques mais doit être complétée par la mise en place d’actions concrètes de prévention et de protection visant à supprimer ou à limiter le risque dès la conception, en situation normale et anormale d’utilisation, afin de garantir la sécurité des utilisateurs. Cette démarche devrait donc mener à la mise en place d’une politique HSE.
Les risques majeurs en fabrication additive
Les risques majeurs sont principalement liés à l’utilisation de poudres métalliques. La majorité des poudres métalliques présentent en effet des risques pour la santé lors de l’exposition par inhalation ou par voie cutanée. Le niveau d’exposition est déterminé par le mode opératoire et les propriétés physicochimiques du produit. La quantité et la fréquence d’utilisation des imprimantes 3D (et de la manipulation de la poudre) influent également sur l’exposition du personnel. La granulométrie de ces poudres étant faible, elles sont réactives et sensibles à l’inflammation, voire pyrophoriques. De plus, certaines d’entre elles peuvent réagir avec l’eau en formant de l’hydrogène, un gaz inflammable et explosif.
Le contrôle des paramètres d’ambiance de travail
En termes de sécurité, la manipulation des poudres métalliques sous-entend le contrôle de l’humidité, des températures et des concentrations des poussières pour éviter un éventuel cocktail explosif avec des matériaux réactifs. Pour se prémunir de ces risques dans le périmètre de production (machine d’impression 3D, …) et de post-traitement des pièces, il existe plusieurs options à privilégier telles que des murs coupe-feux, des flux laminaires et une hygrométrie contrôlée ainsi que des équipements ATEX.
Mesure de protection du personnel
Des lavabos, des postes de rinçage oculaire et des douches de sécurité doivent se trouver à proximité des postes de travail. Ces installations permettent d’assurer les mesures d’hygiène générale : lavage des mains avec lave-mains à commande non manuelle, douche en fin de poste… Des vestiaires doubles doivent également être mis à disposition du personnel. Le rangement des tenues de ville et des tenues de travail doit être séparé. Les consignes en cas d’accident doivent être visiblement affichées. Une trousse contenant le matériel de premier secours non périmé doit être mise à disposition du personnel. Des extincteurs correspondant à l’activité et aux matériaux, doivent être disponibles en nombre suffisant et vérifiés annuellement.
Les EPI spécifiques à la fabrication additive
Des EPI sont également nécessaires pour réduire le risque d’exposition non totalement éliminé par les mesures de protection collectives : protection du corps, protection respiratoire, protection des yeux et enfin protection des mains. Pour la protection du corps, tout d’abord, le port de la blouse est obligatoire. Elle doit être portée fermée avec les manches baissées. Le port du pantalon est préférable de telles sortes à ne laisser aucune partie du corps exposée. Concernant les protections respiratoires, l’utilisation de l’appareil de protection respiratoire doit être limitée à des opérations courtes et exceptionnelles comme le nettoyage d’installations, le transvasement de poudre. Pour les filtres à poussières/aérosols, il faut utiliser des masques normés FFP2 ou FFP3. Ensuite, pour la protection des yeux, le port de lunettes de protection est obligatoire dans le cas général lors de la manipulation et de l’utilisation de machine outils. Pour la fabrication additive spécifiquement, on privilégiera une protection répondant aux exigences de la norme EN166, de domaine d’utilisation allant de 5 (gaz et fines particules de poussières) à 9 (métaux fondus et solides chauds). Il faudra s’assurer que la résistance aux chocs et particules soit indiquée (S-F-B-A), ainsi que la résistance à la détérioration de particule fine (K), la résistance à la buée (N) et le marquage CE. Enfin, trois risques majeurs menacent les mains : la brulure thermique, la brulure chimique et les coupures. Il est conseillé de porter des gants imperméables et à longues manchettes, pour éviter que les produits ne pénètrent. Ils doivent être adaptés aux produits manipulés en fonction de leur composition (voir fiche de sécurité). Le port de gants est obligatoire lorsque l’étiquetage du produit à manipuler comporte les phrases de risques R27 et R24 (toxique par contact avec la peau), R21 (nocif par contact avec la peau ou encore R34 et R35 (provoque des brulures).
Le comportement individuel et la formation
Le respect des règles d’hygiène s’étend également aux comportements individuels. Le personnel doit obligatoirement participer à des formations, sur les dangers induits par les produits utilisés et sur les moyens de s’en protéger. Ces formations peuvent traiter de sujets divers par exemple : comprendre les étiquettes du contenant des produits, lire les fiches de données de sécurité afin d’identifier les dangers dans les conditions du process ainsi que les moyens de protection à mettre en œuvre, connaître l’attitude à adopter en cas de fuite ou de déversement accidentel, savoir utiliser les E.P.I adéquats, les bons gestes à avoir pour les premiers secours et en cas d’incendie…
La surveillance biologique
Une surveillance biologique des expositions dans le sang, l’urine, les cheveux ou l’air expiré des travailleurs permet de mesurer leur exposition aux substances chimiques. Pour évaluer au mieux l’exposition réelle et les risques pour la santé, les résultats devront être comparés aux valeurs biologiques d’interprétation et en particulier aux valeurs limites biologiques (VLB). Cette surveillance relève d’une prescription médicale par le médecin du travail mais n’est pas disponible en routine pour tous les agents chimiques.
La sécurité
Dans la fabrication additive, la taille moyenne des particules est de 25 à 150 microns. Ces fines particules nécessitent une manipulation et un stockage spécifique, pour diminuer le risque de propagation et le danger d’ingestion pour les utilisateurs.
L’aménagement de l’espace de stockage
Le stockage des poudres métalliques peut engendrer des risques : les risques d’incendies ou d’explosion, les risques de chutes ou de renversement d’emballage, la fragilisation des emballages sous l’effet du froid, de la chaleur, de la lumière, de l’atmosphère du local de stockage (contact avec l’oxygène) ou d’une surpression interne… Un stockage non adapté aux caractéristiques produits ou dont la durée serait excessive peut induire une modification ou une dégradation du produit qui le rend plus dangereux, que ce soit au stockage ou lors de son utilisation.
Une analyse poussée des besoins, doit être effectuée lors de la conception ou de l’organisation de l’espace de stockage. Il faudra par exemple pendre en compte : la nature de la concentration des produits à stocker, les règles de conservation des produits indiquées par le fabricant, le nombre de personnes pouvant utiliser le produit, les délais de livraison et la disponibilité des produits sur le marché ainsi que les obligations de séparation des produits incompatibles. La réduction des risques passe donc par une réflexion sur l’aménagement du local, son rangement et sur la compatibilité ou l’incompatibilité des produits.
Pour se faire, il faut penser à plusieurs points spécifiques. L’empilage doit être stable et la hauteur ne doit pas affecter l’intégrité des emballages. L’installation électrique du local de stockage doit être réalisée avec du matériel utilisable en atmosphère explosive. Il faut réaliser un entretien régulier des sols et murs des locaux de stockage pour éviter l’accumulation des matières déversées. L’ensemble de consignes de sécurité doit être clairement affichés. Enfin, il faut stocker les produits dans une quantité minimale afin d’éviter d’accroitre les risques d’incidents ou d’accidents qui peuvent s’accroitre avec la durée et le volume de produits stockés.
L’aménagement de l’espace de travail
La plupart des systèmes de frittage laser nécessitent l’utilisation de gaz d’inertage pouvant être inodores et incolores qui se déplacent dans l’air. L’installation d’un capteur d’oxygène dans les lieux où ces systèmes fonctionnent devraient permettre d’enregistrer le niveau d’oxygène en continu et de prévenir les intoxications. Certains systèmes utilisés en fabrication additive évacuent des gaz dangereux lors de l’impression. Ces systèmes doivent donc être jumelés à une ventilation efficace et une formation adéquate concernant « la gestion adéquate des composés organiques volatils (COV) et des composés inorganiques ». Les risques liés aux sources laser et aux faisceaux d’électrons sont couverts par des dispositifs et des procédures constructeurs. Ces risques ne sont pas toujours pris en considération lorsqu’il s’agit de travaux de maintenance de niveau 1, le changement des filtres machines et leur inertage restent des opérations à risques devant être planifiées. Les systèmes de fabrication additive peuvent également conduire à la création d’électricité statique lors de leur utilisation. Il est donc recommandé d’utiliser un tapis antistatique afin d’aider à prévenir les départs de feu et d’installer des extincteur (le type d’extincteur doit correspondre aux matériaux et à l’activité concernée).
La figure ci-dessous présente la répartition des équipements au sein d’une installation type pour la fabrication additive SLM. Pour permettre de mieux appréhender les risques et leur prévention en fabrication additive le journal RTejournal – Forum fur Rapid Technologie a publié un article (« Safety in additive manufacturing : Fine dust measurements for a process chain in Laser beam melting of metals ») donnant des indications quant aux méthodes de mesures de poussières fines dans un espace de travail.
1 : machine de traitement 1 ; 2 : machine de préparation 1 ; 3 : machine de préparation 2 ; 4 : machine de traitement 2 ; 5 : station de tamisage des poudres, 6 : analyse des poudres 1 ; 7 : analyse des poudres 2 ; 8 : recyclage des poudres et traitement thermique ; 9 : sciage ; 10 : salle de post-traitement ; 11 : salle de traitement des mesures fixes ; 12 : mesures fixes à l’extérieur.
Environnement
La fabrication additive apparait comme une technologie respectueuse de l’environnement, produisant très peu de déchets de matériaux, ne nécessitant pas d’outillage et permettant de produire plusieurs pièces en même temps. Elle permet une réduction de la charge environnementale en ce qui concerne la consommation de ressources et d’énergie en amont, pendant la fabrication, à l’assemblage et à la fin du cycle de vie.
Comparatif environnemental avec des technologies conventionnelles
La fabrication traditionnelle de pièces nécessite l’utilisation de machines comme des fraiseuses, des presses lourdes ou des équipements de fonderie. Cumulés, ces équipements consomment plus d’énergie que les systèmes de fabrication additive. Pour des volumes de production identiques, la fabrication additive ne requiert qu’une seule machine dotée d’un faisceau laser et est donc beaucoup moins énergivore. L’utilisation de la capacité totale de production d’une machine entraine également une baisse de la consommation d’énergie. Faire tourner les machines de fabrication additive à leurs capacités d’utilisation maximale entraîne une efficacité énergétique supérieure puisque la consommation d’énergie est distribuée parmi un nombre plus important de pièces ou de matière, ce qui réduit la consommation d’énergie spécifique, comparée à une production à faible capacité. De plus, les procédés de fabrications soustractives (usinage, …) émettent des débris inutiles (copeaux, …) devant être recyclées. La fabrication additive offre donc également un avantage au niveau écologique : Elle n’a « quasiment » recours qu’à la quantité de matière nécessaire, la poudre inutilisée étant recyclé un grand nombre de fois.
Conclusion
La fabrication additive représente donc une innovation prometteuse. Cependant le manque de données concrètes sur ce procédé ne permet pas encore aux organismes de normalisation de mettre en place une règlementation nationale ou universelle encadrant la gestion des particules fines. La mise en place d’une démarche HSE devrait permettre aux utilisateurs de développer des solutions pertinentes pour anticiper les risques de cette nouvelle technologie.