La fabrication additive WAAM

Pièce WAAM en titane - source site Waammat.com.

Pièce WAAM en titane - source site Waammat.com.

La fabrication additive Arc-fil WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing) est une technologie répandue pour la réalisation de  structures métalliques 3D de grande taille. Plusieurs techniques  appartiennent à cette catégorie de soudage à l’arc électrique, notamment  la technologie TIG, Plasma, MIG, CMT, … Dans cet article, nous nous focaliserons sur le procédé WAAM-CMT, nous en rappellerons le principe, les avantages et limitations majeurs et les évolutions à venir.

Les procédés DED

Les différentes familles de fabrication additive métallique.
Les différentes familles de fabrication additive métallique.

La fabrication additive a révolutionné le paradigme de la fabrication ces dernières années en offrant la possibilité de créer des pièces de formes très complexes voire impossibles à obtenir par les procédés conventionnels, sans outillages et dans des délais très courts. Parmi les différentes techniques de fabrication additive, on trouve les technologies arc-fil métallique ou WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing) qui appartient à la  famille du dépôt d’énergie direct (DED). Selon la norme ASTM F 279-12A  (Standard Terminology for Additive Manufacturing Technologies), ces procédés sont définis comme la combinaison d’un arc électrique utilisé comme source de chaleur et d’un fil utilisé comme apport de matières première.

Le WAAM

WAAM - taux de dépôt selon la technologie utilisée.
WAAM – taux de dépôt selon la technologie utilisée.

La technologie WAAM s’appuie sur  les concepts fondamentaux des procédés de soudage automatisés, tels que le soudage à l’arc sous atmosphère gazeux (inerte ou active) avec fil fusible MIG Metal Inert Gaz, MAG Metal Active Gaz  ou encore GMAW (Gas metal arc welding),  le soudage à l’arc au plasma (PAW) ou le soudage à l’arc au tungstène gazeux (GTAW). Les taux de dépôt en WAAM varient de 1 à 3 kg/h en fonction du procédé utilisé (WAAM-TIG, WAAM-PWD, WAAM-CMT), du matériau déposé et des paramètres de production, ce qui le rend idéal pour la production de pièces de grandes dimensions dans des délais courts.

Les avantages du WAAM

Principe du procédé WAAM pour la fabrication de pièces de grandes tailles.
Principe du procédé WAAM pour la fabrication de pièces de grandes tailles.

Cette famille de dépôt par Arc-fil offre de nombreux avantages. Tout d’abord, le taux de dépôt est élevé, ce qui permet de réduire nettement les temps de production. Ensuite, le WAAM offre la possibilité de construire des pièces de grandes dimensions. Les coûts machines et les coûts de production sont également plus faibles que ceux obtenus avec les machines de fusion sur lit de poudre (SLM). Enfin, on dispose d’une variété importante de nuances de matériaux en fil.

Le procédé WAAM-CMT, un procédé dérivé du MIG

Le procédé de soudage Cold Metal Transfert est un procédé de soudage MIG basé sur le procédé de transfert par court-circuit mis au point par la société autrichienne Fronius en 2004. Ce procédé ne diffère du procédé de soudage MIG/MAG (GMAW) que par la méthode de séparation de la goute de métal fondue par rétractation mécanique qui n’existait pas auparavant. Le transfert de métal à froid offre une méthode contrôlée de dépôt de matériau et un faible apport thermique en incorporant un système d’alimentation de fil couplé à un contrôle numérique à grande vitesse.

Le principe du procédé WAAM-CMT.
Le principe du procédé WAAM-CMT.
Comparaison des technologies d'arc électrique.
Comparaison des technologies d’arc électrique.

L’arc électrique n’est donc présent que pendant une partie du cycle de transfert du métal, ce qui permet de limiter l’apport de chaleur, d’atténuer le gradient thermique et les contraintes résiduelles et par conséquent d’améliorer le comportement mécaniques des pièces et la précision dimensionnelles, en comparaison des autres modes de transfert rencontrés en soudage GMAW, ce qui représente un atout majeur pour la fabrication additive Arc-fil.

Les différents types de WAAM-CMT

Il existe trois variétés de CMT : le CMT pulsé, le CMT advanced et le CMT advanced pulsé.  Le CMT pulsé (CMT-P) est une combinaison de cycle CMT et de cycle d’impulsion de l’arc. Le courant pulsé permet de pouvoir régler l’apport de chaleur lors de la soudure. Ensuite le CMT advanced (CMT-ADV) présente une alternance de polarités positives et négatives en CMT. L’énergie est alors uniquement apportée pendant les cycles de polarité positive ce qui permet de déposer la matière avec un faible apport de chaleur. Enfin le CMT-Advanced Pulse combine des cycles de CMT a une polarité d’électrode négative avec une phase d’impulsion à polarité positive. Ce procédé pourrait présenter un intérêt pour des applications en fabrication additive.

Le procédé CMT présente plusieurs avantages : un faible apport de chaleur, des soudures nettes et enfin des temps de cycle réduits. Tout d’abord, le procédé WAAM-CMT permet une diminution spectaculaire de l’apport de chaleur entre 20  et 90 % d’apport énergétique en moins  dans certains cas, par exemple sur de l’aluminium et en comparaison avec du TIG. Ensuite, ce procédé permet d’obtenir des soudures sans projections ni distorsions. En effet, la soudure est nette grâce au fil de soudure qui se rétracte rapidement et ne laisse qu’une gouttelette à la fois. Lors de l’assemblage de matériaux d’épaisseur fine de biomatériaux (en particulier l’aluminium et l’acier), le WAAM-CMT est l’un des meilleurs moyens de produire des soudures nettes. On peut noter également que ce procédé est très rapide et plus stable que le MIG traditionnel ou même le TIG. La vitesse de dépôt  permet de réduire considérablement les temps de cycle. Avec des temps de cycle plus courts, on obtient une qualité accrue et l’absence de retouches.

Les principaux paramètres du procédé  WAAM

Nombreux sont les paramètres de fabrication du  procédé WAAM. Ils doivent être réglés et ajustés pour permettre un dépôt régulier du métal fondu et un apport thermique constant et sans fluctuations. Le tableau ci-dessous présente les paramètres les plus couramment utilisés et optimisés.

Les paramètres du procédé WAAM.
Les paramètres du procédé WAAM.

Les défauts typiques du WAAM

Le procédé WAAM séduit de nombreux industriels tant sur le plan technique qu’économique, mais certains défauts  peuvent freiner son adoption. Il faudra alors minimiser l’apparition de ces défauts ou contrôler leur apparition pour pouvoir bénéficier de tous les avantages de cette technique. Les défauts majeurs  rencontrés sont les porosités, les contraintes résiduelles, les zones affectés thermiquement (ZAT), l’anisotropie des propriétés ou encore la fissuration et la déformation.

Plusieurs causes peuvent être à l’origine de l’apparition de ces défauts, comme par exemple une mauvaise stratégie de dépôt, un bain de fusion instable, un gradient thermique élevé dus à un mauvais réglage des paramètres de fabrication. L’influence de l’environnement de fabrication  comme la contamination par des gaz environnant ou un dysfonctionnement dans l’enceinte de production combiné au matériau peut engendrer par exemple l’oxydation sévère pour les alliages de titane ou la délamination et fissuration de composant fabriqués.

Les porosités internes

Présence de porosités avec un procédé CMT (a) et CMT Pulse Advanced (b).
Présence de porosités avec un procédé CMT (a) et CMT Pulse Advanced (b).

Les porosités sont des défauts courant dans les pièces fabriquées par WAAM. Elles peuvent  dégrader les propriétés mécaniques en statique et en fatigue.  La mise en œuvre de l’aluminium en WAAM a toujours été problématique en raison de la formation d’une couche d’oxyde d’aluminium, du comportement à la solidification ou de la dynamique turbulente du bain de fusion causée par l’inversion périodique  de la polarité qui peut entraîner une diminution de la précision des pièces. On pourra noter que le CMT-PADV  est largement adopté comme la variante la plus fiable du WAAM pour traiter les problématiques d’apparition des porosités et l’instabilité du bain de fusion des alliages d’aluminium.

Les contraintes résiduelles et les déformations de pièce

Déformation de pièce fabriquée en WAAM.
Déformation de pièce fabriquée en WAAM.

Les contraintes résiduelles sont inhérentes au procédé de fabrication par dépôt  Arc-fil WAAM et il est très difficile d’éviter leur apparition. Les contraintes résiduelles peuvent entraîner une déformation dimensionnelle et une délamination des couches pendant de dépôt avec une forte dégradation de la tenue en fatigue. Lors de la fabrication,  le fort apport énergétique pour former le bain de fusion génère en effet des gradients thermiques assez conséquents qui conduisent à des déformations et des contraintes résiduelles.

Le roulage de chaque couche avec un galet

Roulage de chaque couche afin de limiter la déformation - source Université de Cranfield.
Roulage de chaque couche afin de limiter la déformation – source Université de Cranfield.

Les paramètres de rang un qui sont impliqués directement dans l’apparition de ces défauts sont les paramètres énergétiques tel que la tension et l’intensité de soudage, la vitesse de dévidage, la température ambiante, le débit du gaz de protection, la vitesse d’avance … Cependant il existe des systèmes additionnels qui peuvent réduire le taux de porosité et améliorer les propriétés  mécaniques par écrouissage mécanique (dit roulage),  qui consiste à exercer une pression sur le cordon de soudure en phase de refroidissement à l’aide d’un galet. Le roulage de chaque couche déposé aide à améliorer la microstructure et les propriétés mécaniques. Cette méthode s’est avérée efficace pour réduire la déformation de 30 % à 50 % sur une pièce en TA6V.

Préchauffage du substrat pour atténuer les contraintes résiduelles

Influence de la température de prechauffage sur le gradient thermique en surface de pièce en WAAM.
Influence de la température de préchauffage sur le gradient thermique en surface de pièce en WAAM.

Le préchauffage du substrat est également l’une des méthodes les plus efficaces pour atténuer les contraintes résiduelles et la fissuration, car elle réduit les gradients thermiques et homogénéise la distribution de température. La figure ci-contre illustre les gradients thermiques en surface de pièce en fonction de la température de préchauffage.

Fissuration et délaminage

La fissuration et la délamination sont des défauts, quant-à-eux, liés à la signature thermique du procédé mais également aux caractéristiques intrinsèques du matériau mis en œuvre.  Il existe ainsi deux formes majoritaires de fissuration ; la fissuration à chaud (typiquement lors de la solidification et qui dépend principalement de la nature du matériau) et la fissuration à froid  issue généralement d’une forte concentration de contraintes résiduelles. La délamination ou la séparation des couches sous-jacentes serait la conséquence d’une fusion incomplète ou d’une refonte  insuffisante entre les couches. En général, ce défaut facilement visible ne peut pas être réparé par un post traitement. Afin de l »éviter, il faut envisager un traitement préalable tel que le préchauffage du substrat. Certaines combinaisons de matériaux bimétalliques – Al/Cu, Al/Ti, Al/Fe, … – sont très sensibles à la fissuration et à la délamination en raison de leurs grandes différences de solubilité mutuelle et de la réactivité chimique qui induit un équilibre de phases fragile qui se rompt facilement et induit par conséquent une croissance de fissures le long des joints de grains.

De nombreux secteurs industriels concernés

Aube d’hélice navire - démonstrateur - Naval Group - Centrale Nantes - projet RAMSSES - H2020.
Aube d’hélice navire – démonstrateur – Naval Group – Centrale Nantes – projet RAMSSES – H2020.

Les avantages du procédé WAAM,  le rendent très adapté pour la réalisation de pièces de grandes dimensions avec un niveau de complexité moyen dans un large panel  de matériaux. Plusieurs secteurs industriels sont particulièrement concernés : le  naval, l’aérospatiale, l’automobile, la défense, l’énergie, mais aussi les industriels de la forge et la fonderie (rechargement, réparation des moules et des matrices de grandes dimensions). Les alliages à base nickel et les aciers inoxydables sont largement utilisés dans l’industrie nucléaire car le procédé WAAM est un candidat prometteur  pour remplacer certaines parties moins sollicitées de pièces en nickel par de l’acier inoxydable, ce qui permet de réduire le coût et le poids de ces composants.

Comparatif entre pièce en titane usinée et WAAM

Produire des pièces légères et avec un coût réduit, c’est l’objectif recherché par  les  industriels. En aéronautique, on considère en particulier l’indicateur « Buy-to-Fly » (BTF), c’est-à-dire le ratio entre la masse de matière mise en œuvre pour réaliser la pièce et la masse qui vole effectivement. Une pièce taillée dans la masse par un procédé conventionnel d’usinage contient seulement 10 à 15 % du matériau de départ car les 85 à 90 % restants sont éliminés sous forme de copeaux. Le ratio BTF est dans ce cas supérieur à 10. Pour le WAAM, ce ratio BTF tombe à moins de 2. L’exemple développé par l’Université de Crandfield (tableau ci-dessous) permet de visualiser les gains obtenus en WAAM (et usinage final) comparé à la même pièce taillée masse.

Comparatif de pièce en usinage et en WAAM - source Université de Crandfield.
Comparatif de pièce en usinage et en WAAM – source Université de Crandfield.

Limites de la technologie WAAM

La technologie WAAM possède néanmoins des limites, notamment celles liées aux contraintes résiduelles qui conduisent souvent à des déformations de pièce. L’état de surface obtenue est également un point faible car la surface doit généralement être reprise en usinage ce qui engendre un surcoût, rallonge les délais de livraison et contraint la complexité de la pièce.

Des perspectives d’évolution

Comme les autres procédés de fabrication additive, le WAAM continue d’évoluer fortement. En particulier, plusieurs variantes de processus ont été développées récemment afin d’optimiser la microstructure et les propriétés mécaniques des pièces. La certification des pièces WAAM est un point clef qui devra être résolu. Enfin, on notera la nécessité de développer des méthodes de contrôle in situ qui permettront d’appréhender l’apparition des défauts et pouvoir mener une action de réparation en temps réel.

3 commentaires

  1. PUYUELO dit :

    Bonjour,

    Est ce que votre procédé peut être appliqué pour la construction de S.M.E.S quantique en acier austénitique ?

    Mon projet, validé scientifiquement par 2 équipes scientifiques internationales en Physique quantique, consiste à construire des S.M.E.S quantiques pour accélérer la transition énergétique vers des moyens de transports 100% électrique avec une plus grande autonomie et une efficacité énergétique optimale.

    Mon projet sur linkedin:

    https://www.linkedin.com/pulse/il-faut-construire-des-smes-quantiques-jacques-puyuelo?originalSubdomain=fr

    En tant qu’ alumni de l ‘ E.N.A.C, je fais partie du Think Tank développement durable.

    Puyuelo IENAC79

    • Le CTIF dit :

      Bonjour et merci de votre question fort intéressante. Dans votre projet, vos SMES nécessitent la fabrication de pièces multi-matériaux à gradient fonctionnel (continue ou pas) à partir de deux matériaux (acier austénitique et laiton). Le WAAM n’est pas assez mature, à notre connaissance, pour réaliser industriellement de telles structures. La technologie de fabrication additive Laser Clading (projection de poudre et refusion par faiseceau laser) possède par contre le potentiel pour fabriquer ces pièces.

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