
Insertion à la coulée d'un insert en acier dans une matrice en fonte.
L’insertion à la coulée consiste à mettre en place dans le moule un élément métallique de composition particulière, de telle sorte qu’après la coulée et la solidification du métal liquide, cet élément se retrouve dans une zone de fonctionnalité de la pièce et modifie localement ses propriétés. Cette technique est utilisée de longue date en fonderie. Si l’élément inséré peut être de forme et de composition très diverses, nous ne considèrerons dans la suite de cet article, que les inserts métalliques et nous en décrirons les mécanismes d’accrochage avec la matrice environnante.
Les inserts céramiques
Les inserts céramiques ont pour but de renforcer localement des propriétés comme la résistance à l’abrasion (hélices de malaxeur), la résistance à la chaleur (têtes de pistons de moteur automobile) ou à la fissuration (imprégnation de tissus céramique), propriétés qui ne sont pas celles recherchées par la présente étude.
Les fonctions recherchées par l’insertion
En ce qui concerne les inserts métalliques, c’est l’amélioration locale de la résistance à l’usure qui est la première raison invoquée pour leur utilisation, suivie par la résistance à la corrosion.
Les matériaux utilisés en insertion à la coulée
Pratiquement tout le panel des matériaux susceptibles d’être mis en œuvre par fonderie peut être utilisé : aluminium, cuivre (pur ou allié : bronze, laiton), acier, fonte, magnésium, titane. Des considérations évidentes de températures respectives de fusion définissent les couples potentiels. Les principaux exemples d’insertion à la coulée concernent ainsi l’insertion de pièces en cuivre et en fonte dans l’aluminium et de pièces en acier dans le cuivre et la fonte.
Le procédé OPTICA
Apparenté à l’insertion, nous ne ferons qu’évoquer le procédé OPTICA, qui utilise un insert de composition adaptée dans le but de le dissoudre complètement afin d’enrichir localement la fonte en éléments d’alliage et accroitre ainsi sa résistance.
La coulée bimétallique
Nous écarterons également la solution de la coulée bimétallique, qui consiste à couler deux matériaux de propriétés différentes dans une empreinte unique. Cette solution est utilisée pour la réalisation par coulée centrifuge de cylindres de laminoirs. Une première coulée permet de réaliser la surface extérieure du cylindre. Le matériau utilisé est appelé à avoir une dureté élevée, obtenue dès la coulée (fonte alliée au chrome) ou par traitement thermique ultérieur (acier allié). Quand cette couche externe est solidifiée, il est procédé à la coulée de la partie interne du cylindre en fonte GS.
L’indispensable liaison métallurgique
L’exemple de l’insertion de pièces en acier dans la fonte, abondamment exploité dans le cas du mobilier urbain ou l’architecture du XIXème siècle, amène à faire une importante distinction selon l’existence ou non, d’une liaison métallurgique, au niveau de la zone de contact entre l’insert et la matrice métallique de base. La liaison métallurgique est définie comme la continuité des structures métallurgiques à l’échelle microscopique. Une liaison métallurgique est en effet indispensable pour obtenir la résistance mécanique maximale et optimiser des propriétés comme la résistance à la corrosion, la conduction thermique ou l’étanchéité. La liaison métallurgique peut être obtenue de trois manières différentes : par diffusion, par refusion et enfin par diffusion et refusion.
La liaison métallurgique par diffusion

Lorsque la température de fusion de l’insert est supérieure à celle du métal liquide, la liaison se fait par diffusion d’atomes du liquide vers le solide. La liaison métallurgique entre les deux matériaux s’obtient par la diminution progressive du liquidus de l’alliage solide. On comprend immédiatement que la température à l’interface va jouer un rôle essentiel, la mobilité des atomes (en particulier celle des atomes de carbone dans la matrice ferreuse) étant thermiquement activée (loi en exp-1/T, T étant la température). Le procédé de l’insertion possède de nombreux points communs avec celui du soudage par diffusion.
Deux conditions pour une liaison par diffusion

Pour réaliser une liaison métallurgique, il est nécessaire de satisfaire à deux conditions essentielles : une température de la pièce à insérer suffisante et une surface de contact entre liquide et solide exempte de barrière physique à la diffusion. Le métal liquide est la seule source d’énergie disponible pour amener l’insert à la température adéquate, le préchauffage de l’insert étant difficile à mettre en œuvre industriellement et risquant de créer une barrière d’oxyde à la diffusion. L’énergie cédée par une masse m de métal lorsque sa température baisse de DT au contact de l’insert s’écrit E = m . c . DT où c étant la capacité calorifique du métal liquide. Pour amener l’insert à une température suffisante, il est donc possible de jouer sur deux paramètres : la masse m de métal, qui va se retrouver au contact de l’insert et la baisse de température DT du métal.
Une liaison métallurgique résultante de deux processus distincts
La liaison métallurgique est donc le résultat de la combinaison de deux processus distincts. A la masse de métal mise au contact de l’insert correspond un premier processus purement thermique; la coulée peut être organisée de manière à faire circuler le métal préférentiellement dans cette zone, avant qu’il n’aille alimenter le reste de la pièce, afin d’apporter plus de calories à l’insert. Un second processus de nature thermo-hydraulique est basé sur la présence de turbulences dans le liquide, afin d’augmenter les échanges thermiques à l’interface entre les deux phases liquide et solide (la quantité DT citée plus haut). Ce processus est requis surtout si l’insert est massif. Ces turbulences peuvent être obtenues en brisant le jet de métal en l’orientant soit sur l’insert lui-même, soit sur une paroi de moule à proximité.
Un insert sans trace d’oxydes
L’insert doit être exempt de toute trace d’oxyde et donc aura été préalablement préparé. Il peut ainsi avoir été soit décapé par grenaillage (peu de temps avant la coulée de la pièce), soit revêtu d’une protection : en l’occurrence, il s’agit d’une métallisation par dépôt d’un métal « noble » (nickel, étain ou zinc). C’est cette seconde solution qui s’avère la plus fiable, en permettant même de stocker les inserts sans limitation de durée (en rendant la surface propre et insensible à l’humidité). La couche de métal déposé étant fine (quelques microns), elle est instantanément éliminée par le balayage de métal liquide et n’a aucun effet sur le processus de liaison. L’utilisation de zinc n’est cependant pas recommandée ; ce métal s’évapore en effet vers 900°C et peut provoquer des bulles à l’interface fonte-insert.
Insertion par refusion
La liaison peut s’obtenir par fusion superficielle contrôlée de l’insert. C’est le cas par exemple d’une pièce en alliage d’aluminium forgé ou renforcé de fibres, insérée à la coulée d’un alliage d’aluminium éventuellement de composition différente. Il est également possible d’insérer une pièce en fonte dans une fonte de composition différente. Les deux matériaux ayant des points de fusion similaires, le gradient de carbone disparaît et la diffusion ne joue plus un rôle essentiel comme précédemment. C’est la fusion directe du métal solide par le liquide qui va assurer la liaison métallurgique. L’insertion de la fonte dans la fonte n’a d’intérêt que si l’on utilise des classes de fonte différentes. Par exemple, elle permet de faire appel aux bonnes propriétés de conduction thermique ou de résistance à l’usure des fontes à graphite lamellaire, dans une pièce en fonte à graphite sphéroïdal.
Insertion par diffusion et fusion superficielle
La liaison peut également s’obtenir par diffusion et fusion superficielle, avec formation d’une couche intermédiaire. Cette couche de propriétés particulières permet par exemple d’accommoder les effets de dilatation différentielle. Cette liaison est obtenue dans le cas de l’aluminium et de la fonte et permet d’associer la conductivité thermique élevée de l’aluminium à la résistance mécanique de la fonte.

Parmi les réalisations, figurent les moules de verrerie, les cylindres de compresseurs refroidis par air et les tambours de freins. Les pièces en fonte sont ainsi immergées dans un bain d’aluminium destiné à les chauffer et à constituer en surface, un alliage de fer et d’aluminium. Les pièces revêtues sont ensuite placées dans un moule dans lequel est coulé l’aluminium liquide pour réaliser les pièces définitives. Un autre exemple de cette technique est l’insertion de pièces en fonte NiResist dans l’aluminium (procédé ALFIN), avec formation d’une couche d’aluminure de fer.
Conclusions sur l’insertion à la coulée
La réalisation d’un insert de bonne qualité nécessite donc de réaliser une liaison métallurgique entre les deux matériaux, celui de l’insert et celui de la matrice. Une liaison de moindre qualité va pénaliser les transferts thermiques, les propriétés mécaniques de la liaison et les risques de non étanchéité à la jonction. L’insertion à la coulée, on l’a vu, peut être obtenue par plusieurs mécanismes (diffusion, refusion et diffusion et fusion). Dans un prochain article, nous traiterons des applications industriels de l’insertion à la coulée.
Merci pour cet article très synthétique sur un procédé souvent méconnu.
Il me semble que parler de liaison par diffusion est toutefois impropre, cela peut laisser penser que l’interdiffusion entre les deux pièces métalliques est indispensable, ce qui n’est pas le cas. La notion manquante dans l’article et qui fait le lien entre plusieurs des concepts présentés est celle du mouillage : un métal liquide mouille généralement parfaitement un métal solide, à la condition toutefois (comme vous l’avez très bien expliqué) que les surfaces (liquide et solide) soient exemptes de couches d’oxydes. On obtient alors, par la relation de Young-Dupré, une interface qui est nécessairement forte, avec des liaisons métalliques au travers de l’interface, ce qui est à proprement parlé une liaison métallurgique. Le procédé Alfin permet justement cela, en dissociant l’obtention de l’interface aluminiée de celle de la pièce insérée, il permet de se focaliser sur la désoxydation et le mouillage.
Mon équipe de recherche à Lyon a travailler pendant plusieurs années sur ce procédé (cf par exemple https://bit.ly/2Rq7Pk5) et il me semble intéressant d’ajouter que dans le cas d’une pièce insérée avec obtention d’une liaison métallurgique, le traitement thermique doit être soigneusement réfléchi et étudié, dans certains cas, notamment les pièces Al-Si renforcées par des ferreurs, il peut s’avérer catastrophique pour les propriétés finales.
Bonjour Olivier et merci de ce complément (et de votre lien) à notre article qui mentionne bien l’interface ou la couche « intermédiaire » du procédé Alfin comme l’un des mécanismes permettant l’insertion à la coulée.