Le sable recyclé, un produit soumis à l’offre et la demande

Valorisation du sable recyclé en techniques routières.

Valorisation du sable recyclé en techniques routières.

Le sable recyclé de fonderie va devenir un produit industriel soumis comme d’autres à la loi de l’offre et de la demande où la qualité du produit, son prix d’achat ou son volume disponible vont conditionner l’usage et les acheteurs potentiels (municipalités, acteurs du TP, …). Dans un précédent article, nous rappelions les grandes lignes du guide de valorisation des sables de fonderie en techniques routières. Nous passerons en revue, dans cet article, les changements que vont induire ce guide et les différentes filières de valorisation qui existent actuellement ou qui pourront émerger à terme en fonction des volumes de sable à recycler en techniques routières.

Et maintenant que le guide a été publié, cela change quoi ?

Il nous a semblé important de dresser dans cet article les changements que peut engendrer ce guide et les différents cas en fonction des volumes à valoriser par les fondeurs ou par des plateformes de valorisation.

Un cadre réglementaire clairement établi pour le sable recyclé

Avec ce guide, et ce sera le premier changement, le cadre réglementaire et les responsabilités de chaque acteur sont clairement définis. Cela va permettre d’éviter les craintes juridiques que pouvaient avoir certains acteurs.

Le sable, un produit normalisé et à forte granulométrie

En second changement, ce guide définit une filière allant du fondeur à l’entreprise de TP qui va mettre en œuvre les matériaux alternatifs issus du sable de fonderie. Contrairement à un déchet que l’on vend et où les filières de reprise sont déjà existantes, le sable recyclé devient un produit qui va devoir être normalisé et vendu selon la loi de l’offre et la demande, avec la particularité d’avoir en concurrence du sable neuf à faible coût, déjà normalisé et que tous les acteurs du TP ont l’habitude d’utiliser.

Utilisation de sable recyclé de fonderie en TP.
Utilisation de sable recyclé de fonderie en TP.

De plus, il va falloir que la filière mise en place respecte les impératifs de chaque partie prenante qui sont parfois antagonistes. Ainsi les fondeurs produisent du sable avec une granulométrie resserrée et une production régulière de faible tonnage alors que les fabricants de route ont besoin d’un sable avec une large granulométrie (sous peine de devoir utiliser des liants coûteux pour les stabiliser comme des goudrons ou ciments) en fort tonnage. La fonderie hexagonale ne produit par exemple que de l’ordre de 0,1% de la quantité de sable utilisable en TP. De plus, les fabricants de routes ont besoin d’un sable avec des échelles de volumes (un petit chantier démarre à 3000 tonnes de sable) et de temps (la réponse à un appel d’offre publique peut être plus courte que le délai de normalisation d’un produit routier alternatif), rendant complexe la mise en cohérence de la filière de recyclage du sable de fonderie en technique routière.

Un appel d’offre de marché public

Troisième changement, qui n’est pas évoqué dans le guide et qui est pourtant vital pour la mise en place d’une filière : un aménagement routier découle souvent d’un appel d’offre de marché public. En clair le client qui finance – et donc qui décide – ne fait pas partie de la filière en elle-même, ce qui est un avantage et un inconvénient pour le fondeur. Un inconvénient car tout le travail long de montage d’une filière peut être réduit à néant si le financeur de la route n’est pas prêt à payer plus cher (car oui cela coûte plus cher et nous allons y venir juste après).

Utilisation de sable recyclé sur un chantier de chemin par la ville
Utilisation de sable recyclé sur un chantier de chemin par la ville.

L’avantage par contre, c’est que certains marchés publics se décident localement, au niveau de la commune, du département ou de la région où se trouve la fonderie fournissant le sable à valoriser. Et même pour certains projets nationaux, les pouvoirs locaux sont écoutés. Certes le lobbying auprès des élus locaux en charge de ces marchés publics pour leur « vendre » ce produit valorisé est plus compliqué que de passer un contrat avec un centre d’enfouissement technique, mais les retombées en matière de communication et d’acceptabilité de la fonderie dans son environnement immédiat sont un atout qui dépasse l’impact d’un simple choix financier sur le coût de traitement d’un déchet.

Le coût d’achat du sable

Quatrième changement : le coût d’achat du sable (hors coût de transport qui sera évoqué plus loin). C’est le nerf de la guerre et il est normal que tout fondeur y soit sensible, surtout compte tenu des volumes importants de sable mis en déchet (il n’est pas rare qu’une fonderie dépasse les 1000 tonnes de sable par an). Mais avant de parler du coût de valorisation en technique routière, on rappellera que le coût de mise en centre d’enfouissement technique de classe 1 est évalué par l’ADEME entre 120 et 140 €/t hors frais de transport et de contenant.

Ayant ce prix en tête, combien coûte la valorisation d’un sable en technique routière ? Il est difficile de répondre de manière générique car l’importance des traitements à faire subir au sable pour retirer les déchets métalliques et autres polluants éventuels et les opération d’homogénéisation voir d’amendement pour élargir la granulométrie vont dépendre du sable de départ et de la qualité souhaitée d’arrivée. Mais certains chantiers montrent des prix de l’ordre de 20 €/t. Ce type de traitement nécessitant des moyens mécaniques, il peut fortement augmenter pour de petits volumes.

Stockage de sable recyclé de fonderie.
Stockage de sable recyclé de fonderie.

De plus, si on veut obtenir un matériau alternatif pour les usages de type 3 qui sont plus exigeants mais qui se vendent plus chers, il est souvent nécessaire de traiter ce sable avec un liant type ciment ou goudron pour obtenir les propriétés mécaniques que ne peut pas atteindre le sable de fonderie seul au vu de sa granulométrie resserrée. Là aussi, il faut rajouter de l’ordre de 20 €/t. Hors le matériau alternatif (sable recyclé) a en face un sable provenant de sablière qui est de l’ordre de 20 €/t. Donc si le déchet de sable de fonderie devient un produit, il ne faut pas s’attendre à gagner de l’argent en le vendant car le contribuable n’acceptera pas de payer 3 fois plus cher, et il faut s’attendre à ce que ces coûts de traitement restent pour tout ou partie à la charge du fondeur de manière à rendre la vente du matériau alternatif concurrentiel.

Les coûts de transport du sable recyclé peuvent poser problème

Enfin, cinquième changement – qui n’en est pas réellement un mais qui peut vite prendre de l’importance – : les coûts de transport. Les coûts de transport d’un produit sont plus faibles que celui d’un déchet car les réglementations concernant les camions et chauffeurs sont moindres. Mais tout comme pour le déchet, ces coûts peuvent vite dépasser les coûts de traitement. Il est donc peu envisageable de rayonner au-delà de la centaine de km, voire moins pour de petits volumes. De plus, si la fonderie et l’installation de recyclage sont deux installations distinctes, il y aura 2 voyages, un entre la fonderie et l’installation de recyclage et un second entre l’installation de recyclage et le chantier. La chaîne logistique est donc vitale pour rendre un projet viable.

Trois filières de valorisation possibles

Au regard des 5 changements évoqués ci-dessus, 3 cas de filières possibles et/ou déjà existantes se dégagent pour le sable recyclé : les fonderies à fort volume de sable, les plateformes de regroupement et enfin les fonderies à faible volume de sable.

Les fonderies à fort volume de sable

C’est le cas historique par lequel la valorisation en technique routière des sables de fonderie est arrivée. En effet, les coûts de traitement dépendent des volumes et en massifiant les flux, on en réduit le coût. De plus, ces volumes importants permettent de monter des partenariats sur le long terme (au-delà d’un simple chantier) et donc d’avoir un ou plusieurs produits disponibles normalisés. Ces derniers peuvent ainsi être proposés, par la société de travaux publics, sur tous ses chantier locaux. Ce dernier point est important à avoir en tête. Car, comme on l’a évoqué plus haut, la normalisation d’un produit prend au minimum 6 mois et il est donc recommandé que la société de travaux publics ait déjà son matériau alternatif normalisé avant le début d’un appel d’offre.

A noter que certaines fonderies possèdent encore des crassiers (centre d’enfouissement technique) en exploitation qui peuvent servir en technique routière. En effet, le sable stocké dans ces crassiers a été en partie lavé par les intempéries et leurs analyses seront à processus de production identique bien meilleur que le déchet de sable produit dans l’année en cours par leurs fonderies. Il est financièrement coûteux de traiter un déchet de sable qui a déjà sa solution d’élimination, mais cela peut permettre de prolonger la durée de vie d’un crassier et pour une fonderie de se positionner sur des chantiers nécessitant des volumes bien supérieurs à celui de son flux annuel.

Que ce soient des déchets de sables récents ou provenant de crassier, dans les deux cas, l’idéal est de traiter le sable directement sur place, quitte à faire venir des engins mobiles sur site pour réduire les coûts logistiques.

Les plateformes de regroupement

Comme évoqué dans le second changement, les besoins des fondeurs ne sont pas ceux des utilisateurs de matériaux alternatifs des travaux publics. De manière à massifier les volumes et permettre de mélanger plusieurs sables pour élargir la granulométrie et améliorer ainsi la tenue mécanique, il est possible de recourir à des plateformes intermédiaires qui vont s’occuper du traitement et de la normalisation. Cela permet à de petits fondeurs d’accéder à la valorisation en technique routière, mais aussi de réduire les coûts de traitement et d’améliorer la qualité et le volume du produit en sortie. Mais cela soulève également 2 problématiques : un transport supplémentaire et donc un coût supplémentaire, et une dépendance vis-à-vis d’un exutoire. Cette dépendance peut paraître anecdotique, mais les acteurs du monde des déchets résonnent sur le long terme et cherchent à capter des flux quitte à y perdre de l’argent au début. Pour monter ce type de plateforme, il est donc recommandé, autant que possible, d’en garder une maîtrise partagée entre les utilisateurs. Actuellement, ces types de plateforme existent peu et sont détenus par des industriels du déchet et majoritairement destinés à couvrir leur propre besoin de sable et non celui du monde de la route. C’est donc un modèle économique à déployer.

Les fonderies à faible volume de sable

Hors des notions de plateforme de regroupement, les petites fonderies qui ne disposent pas de crassier en activité ne peuvent pas espérer attaquer d’importants projets routiers comme des autoroutes ou des contournements routiers. Par contre, certains projets municipaux comme des parkings, des routes communales ou des chemins forestiers peuvent nécessiter de petits volumes de matériaux alternatifs. Moyennant de raisonner sur le long terme en intégrant une partie des installations de recyclage à la fonderie et de faire venir par campagne, au grès des besoins, des équipement mobiles trop coûteux pour être acquis en propre, il est possible de rendre économiquement viable ce genre d’opération. Mais cela nécessitera du lobbying auprès de son élu local et des autres donneurs d’ordres privés locaux pour se rendre incontournable. C’est un engagement et un risque qui doit être mesuré et pris en toute connaissance de cause, mais les retombées en termes d’acceptabilité sociétale peuvent largement compenser les risques.

Conclusion

On l’aura compris, la loi de l’offre et la demande en matière de sable amène des contraintes technico-économiques à la problématique de la réutilisation du sable de fonderie en techniques routières et cela d’autant plus qu’un produit concurrent existe (le sable neuf). Le guide évoqué dans un précédent article fixe un cadre utile. Les filières de valorisation pourront ainsi se développer en tenant compte des points (et changements) évoqués dans cet article.

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