L’EBSD pour étudier la taille des grains en fabrication additive

Utilisation de l' EBSD pour la caractérisation microstructurale en fabrication additive.

Utilisation de l' EBSD pour la caractérisation microstructurale en fabrication additive.

Cet article présente l’application de l’analyse EBSD sur des échantillons à base de fer, d’aluminium et de métaux durs, issus de fabrication additive, pour déterminer l’orientation et la distribution statistique des tailles de grains. En effet, la fabrication additive (ou impression 3D) de composants métalliques est de plus en plus présente dans l’industrie manufacturière. Cette méthode de fabrication offre de nombreuses perspectives grâce à de grandes libertés de construction et de géométries possibles. Outre la caractérisation des défauts microstructuraux, qui diminuent considérablement les propriétés mécaniques des pièces fabriquées de manière additive, l’étude de la formation et de l’orientation des grains, ainsi que l’analyse de la distribution granulométrique sont déterminantes pour caractériser les matériaux. Le procédé de fabrication par laser peut, en effet, conduire à des orientations privilégiées dans la formation des grains et à une distribution non homogène des tailles de grains. Dans ce cas, l’analyse EBSD, mis en œuvre par ZEISS, fournit un moyen rapide et précis pour analyser ces caractéristiques.

Des tailles de grains fortement hétérogènes

L’orientation du grain ainsi que sa taille et la distribution statistique de celle-ci ont une grande influence sur les caractéristiques mécaniques des pièces métalliques fabriquées de manière additive. La fusion de poudre métallique par laser peut conduire à une solidification directionnelle et à une inhomogénéité de distribution de la taille des grains, ce qui conduit à un comportement anisotrope du matériau. En raison des conditions de solidification spécifiques à la technique de fabrication additive et des propriétés propres des matériaux employés, une détermination métallurgique classique de la taille des grains est souvent impossible. La détermination de l’orientation cristalline n’est tout simplement pas possible avec les méthodes métallographiques standard. Avec l’aide de l’analyse EBSD, l’orientation cristalline et la distribution granulométrique peuvent être simultanément analysées avec un microscope électronique à balayage (MEB) sur un échantillon enrobé et poli.

Le dispositif expérimental

Figure 1 : a) MEB à émission de champ ZEISS Sigma 300 VP ; b) Vue de l’intérieur de la chambre du MEB avec l’insertion de la caméra EBSD et l’échantillon incliné à 70°.
Figure 1 : a) MEB à émission de champ ZEISS Sigma 300 VP ; b) Vue de l’intérieur de la chambre du MEB avec l’insertion de la caméra EBSD et l’échantillon incliné à 70°.

Pour étudier la formation et l’orientation des cristaux dans des matériaux, monocomposant et fabriqués de manière additive, de petits échantillons, fondus de manière homogène, à base de poudres d’alliage Al-Si et de fer pur ont été produits. Les méthodes d’analyse d’images conventionnelles ne sont pas toujours adaptées pour la caractérisation des métaux durs car les différentes phases ont des nuances de gris similaires, compliquant la détermination de la taille des grains. Les études ont donc été effectuées avec un MEB à émission de champ ZEISS Sigma 300 VP. Le système est équipé d’un diaphragme de diamètre 300 μm et peut fournir un courant de sonde élevé, permettant une meilleure intensité du signal pour l’analyse EBSD. Le MEB est également équipé d’une caméra EDAX Hikari Super EBSD et d’un système de microanalyse EDAX EDS/WDS. L’acquisition de la cartographie EBSD a été effectuée avec le logiciel EDAX Team (version 4.3) ; le traitement et l’évaluation des données ont été réalisés avec le module EDAX Orientation Imaging Microscopy (OIM, version 7.2.1). L’analyse a été effectuée sur une coupe métallographique avec l’échantillon incliné à 70 ° vers la caméra (Fig.1).

Importance d’une préparation métallographique de qualité

La première étape, importante pour une analyse EBSD performante, avec une bonne qualité de motif et donc une indexation aisée des grains, est toujours un échantillon enrobé parfaitement préparé. Il a été prouvé qu’une préparation mécanique conventionnelle suivi d’une étape de polissage donnait les meilleurs résultats pour enlever les déformations résiduelles à la surface des échantillons. Comme pour les études métallographiques classiques, la gamme de préparation doit être adaptée au matériau étudié en tenant compte de la dureté, de la ductilité et de la sensibilité aux supports de polissage. Les préparations complémentaires comme le polissage électrolytique, le polissage par vibration ou le polissage ionique Broad Ion Milling peuvent être appliqués mais ne sont, en général, pas toujours productives. Elles ne sont, effectivement, pas toujours adaptées aux matériaux et présentent un temps de processus élevé. Le protocole employé, combinant une préparation métallographique de haute qualité, l’utilisation du MEB ZEISS Sigma 300 VP avec un fort courant de sonde, et une caméra EBSD à fréquence d’imagerie élevée (jusqu’à 1400 images par seconde), permet des temps de test inférieurs à 15 minutes avec des tailles de pas de l’ordre de la microstructure. Avant chaque analyse, le temps d’exposition et le gain de la caméra super EBSD Hikari ont été manuellement ajustés pour atteindre la fréquence d’acquisition de 800 images par seconde avec une qualité de motif encore appropriée.

Formation et orientation des cristaux dans l’alliage AlSi10Mg

Figure 2 : Alliage AlSi10Mg, section transverse par rapport à la direction de fabrication a) En microscopie optique, la structure en treillis provenant du balayage laser est visible ; b) sur la cartographie EBSD (grains individuellement colorés), la structure n’est pas visible.
Figure 2 : Alliage AlSi10Mg, section transverse par rapport à la direction de fabrication a) En microscopie optique, la structure en treillis provenant du balayage laser est visible ; b) sur la cartographie EBSD (grains individuellement colorés), la structure n’est pas visible.

Lors du processus de fabrication additive à fusion laser sur lit de poudre (PBF), le faisceau laser est balayé sur une couche de poudre et fusionne localement la poudre sous la forme d’une coupe 2D du modèle 3D. Pour l’alliage AlSi10Mg, les trajectoires du balayage laser sont clairement visibles sur la coupe métallographique formant une structure en treillis (Fig.2a). L’analyse EBSD de la même section de l’échantillon montre que la formation des cristaux n’est pas directement couplée à la structure en treillis, caractéristique de la trajectoire du balayage laser. Les déplacements du laser ne sont pas visibles dans la cartographie EBSD (Fig. 2b).

A plus fort grossissement, la microstructure cellulaire de l’alliage AlSi10Mg peut être observée au microscope optique. À côté de zones très fines, riches en aluminium (Fig. 3a, structures blanches), l’eutectique riche en silicium (Si) forme une structure encore plus fine (Fig. 3a, structures sombres). Lorsque l’alliage AlSi10Mg est coulé de manière conventionnelle, les cristaux prennent normalement la forme de dendrites, riches en aluminium. L’analyse EBSD montre cependant des grains plus gros qui ne suivent pas la microstructure cellulaire (Fig. 3b).

Figure 3 : Alliage AlSi10Mg, section transverse par rapport à la direction de fabrication a) En microscopie optique, les eutectiques de silice dans une matrice riche en aluminium sont visibles ; b) sur la cartographie EBSD (grains individuellement colorés), la formation cristalline ne suit pas les microstructures cellulaires.
Figure 3 : Alliage AlSi10Mg, section transverse par rapport à la direction de fabrication a) En microscopie optique, les eutectiques de silice dans une matrice riche en aluminium sont visibles ; b) sur la cartographie EBSD (grains individuellement colorés), la formation cristalline ne suit pas les microstructures cellulaires.

Formation et orientation des cristaux dans le fer pur

L’observation, au microscope optique, de fer pur fabriqué de manière additive, montre des grains polygonaux sans la structure macroscopique des déplacements du balayage laser (Fig. 4a). Les résultats de la cartographie EBSD correspondent exactement à la structure observée au microscope optique. La structure induite par le balayage laser n’est pas visible dans les résultats EBSD (Fig. 4b).

Figure 4 : Fer pur fabriqué de manière additive, section transverse par rapport à la direction de fabrication, a) En microscopie optique, gravé avec un réactif de Klemm, les grains de fer pur polygonaux sont visibles sans structures macroscopiques ; b) Sur la cartographie EBSD (grains individuellement colorés), il n’y a pas de structures macroscopiques visibles.
Figure 4 : Fer pur fabriqué de manière additive, section transverse par rapport à la direction de fabrication, a) En microscopie optique, gravé avec un réactif de Klemm, les grains de fer pur polygonaux sont visibles sans structures macroscopiques ; b) Sur la cartographie EBSD (grains individuellement colorés), il n’y a pas de structures macroscopiques visibles.

Aucun des échantillons n’a montré d’orientation préférentielle de la formation cristalline à l’issu du processus. Bien qu’il montre des caractéristiques spécifiques selon les conditions de chauffage et de refroidissement, la fusion laser sur lit de poudre ne semble pas conduire à une solidification orientée dans les alliages analysés. Étant donné que tous les grains des échantillons analysés ont une orientation spécifique, chaque grain peut être séparé et analysé par ses paramètres géométriques (par exemple taille, forme et orientation) avec le logiciel OIM. Outre la structure et l’orientation des cristaux, l’analyse EBSD peut également être utilisée pour obtenir des informations sur la taille des grains et leur distribution dans la section de l’échantillon analysé. Les propriétés géométriques de chaque grain individuel sont enregistrées dans un fichier Excel pour d’autres analyses statistiques.

Analyse de la taille des grains de métaux durs fabriqués de manière additive via l’analyse EBSD

Le carbure de tungstène est une céramique dure et fragile, qui, combiné à du cobalt comme phase liante, forme un métal résistant. C’est un matériau nouveau et prometteur pour la fabrication additive. Le métal dur est classiquement produit par frittage en phase liquide à partir d’un matériau résistant et à point de fusion élevé (carbure de tungstène), et un matériau à point de fusion bas et à phase liante (cobalt). Pendant le frittage, seule la phase liante à bas point de fusion est fondue. Elle mouille la phase dure et forme un composé durable avec des propriétés spécifiques concernant la dureté, le module de Young et la résistance à l’usure qui jouent un rôle important dans l’industrie des machines-outils. En raison des différents points de fusion des deux composants, nous sommes confrontés à des défis majeurs dans la fabrication additive de composants métalliques. L’apport d’énergie pour fondre la poudre doit être ajusté de sorte que de préférence seule la phase liante soit fondue. En raison des caractéristiques du procédé, des températures beaucoup plus élevées apparaissent pendant la fusion laser sur lit de poudre, à la différence du frittage par phase liquide, ce qui conduit à des croissances importantes des phases dures et à la formation de phases étrangères indésirables (par exemple phase Eta).

Figure 5 : Métal dur fabriqué de manière additive, imagerie en électron rétrodiffusé au MEB.
Figure 5 : Métal dur fabriqué de manière additive, imagerie en électron rétrodiffusé au MEB.

Pour quantifier les influences des paramètres du processus, la taille des grains et respectivement la croissance des grains de la phase dure doivent être analysés. En raison de leur petite taille, la microstructure est imagée avec un MEB ce qui entraîne des difficultés importantes dans l’analyse d’image. Certaines particules de phase dure sont très proches les unes des autres ou sont même fusionnées ce qui empêche une séparation conventionnelle par segmentation. De plus, les phases présentent des niveaux de gris très similaires qui compliquent également la segmentation par seuillage (Fig.5). En raison de ces problèmes, pour les métaux durs fabriqués de façon additive, la détermination de la taille des grains et de la distribution de leurs tailles n’est possible que manuellement et donc ne se révèle pas efficace.

Comme les particules voisines de carbure de tungstène ont chacune une orientation individuelle et qu’aussi bien les phases liantes que les phases étrangères montrent différentes lignes de Kikuchi, une séparation et une analyse géométrique des particules de carbure de tungstène via l’analyse EBSD est possible et facile à réaliser. Pour étudier la croissance de la phase dure lors de la fabrication additive de métaux durs, de types carbure de tungstène-cobalt, les premiers échantillons des poudres examinées étaient classiquement pressés et frittés. La taille des grains (et leur distribution) des échantillons conventionnels peuvent être considérés comme un ensemble de données de base et sont ensuite comparées à celles des échantillons dans la condition de fabrication pour analyser la croissance des grains de la phase carbure de tungstène lors de la fabrication additive. La figure 6a montre les grains de carbure de tungstène identifiés dans l’échantillon conventionnellement fritté. Chaque grain est individuellement coloré et les paramètres géométriques, comme la surface des grains, le diamètre circulaire équivalent, le diamètre de Féret maximum et la classe de granulométrie, selon la norme ASTM E112, sont déterminés et inscrits dans un fichier Excel. La figure 6b montre un échantillon de la même poudre que la Fig. 6a en fabrication additive. De manière qualitative, la comparaison des deux images montre déjà une croissance significative des particules de carbure de tungstène dans un cas.

Figure 6 a) Carte EBSD d’un échantillon de métal dur conventionnellement fritté, chacun des grains étant individuellement colorés ; b) Carte EBSD d’un échantillon de métal dur fabriqué de manière additive en condition de fabrication, chacun des grains étant individuellement.
Figure 6 a) Carte EBSD d’un échantillon de métal dur conventionnellement fritté, chacun des grains étant individuellement colorés ; b) Carte EBSD d’un échantillon de métal dur fabriqué de manière additive en condition de fabrication, chacun des grains étant individuellement.

La figure 7 montre l’évaluation statistique de la distribution granulométrique des échantillons de la Fig. 6. Le pourcentage cumulé, pondéré par zone, du diamètre de Féret maximal est affiché. Le diamètre maximum de Féret décrit la longueur maximale d’un objet individuel dans une direction spécifiée.

Figure 7 : comparaison de la distribution de la taille des grains (phase de carbure de tungstène) dans les conditions conventionnelles et de fabrications.
Figure 7 : comparaison de la distribution de la taille des grains (phase de carbure de tungstène) dans les conditions conventionnelles et de fabrications.

L’évaluation montre que la taille maximale des particules (D99) de carbure de tungstène est passée d’environ 7 μm dans un échantillon conventionnellement fritté à environ 25 μm dans celui fabriqué de manière additive. Ainsi, une croissance significative de la phase dure a eu lieu lors du passage du faisceau laser (apport d’énergie) dans le processus. En outre l’évaluation statistique montre, sur la base de la pente, que les particules de carbure de tungstène dans l’échantillon conventionnellement fritté ont une distribution de taille très étroite tandis que l’échantillon fabriqué additivement a une distribution des tailles plus large. Donc, dans l’échantillon en fabrication additive, il y a des particules de toutes tailles, petites et grosses.

Résumé

Les résultats obtenus par l’analyse EBSD sur les matériaux fabriqués additivement permettent une étude rapide, efficace et de haute qualité de la microstructure et de l’orientation cristallographique locale des matériaux polycristallins. Avec l’utilisation de l’analyse EBSD, les mécanismes de croissance et d’orientation des cristaux au cours de la fabrication additive peuvent être examinés, ce qui ne peut pas être visualisés via des méthodes métallographiques classiques. Pour les matériaux dont la granulométrie et la distribution granulométrique sont compliquées à mesurer manuellement ou ne sont même pas possibles à déterminer via une analyse d’image conventionnelle, l’analyse EBSD est une méthode prometteuse pour obtenir des résultats efficaces et de haute qualité.

Remerciement aux auteurs : Tim Schubert, Dr. Timo Bernthaler, Prof. Dr. Gerhard Schneider Aalen University, Materials Research Institute Aalen, Germany

3 commentaires

  1. Linconel2 dit :

    Etonnant comme résultat, en SLM les grains sont colonnaires dans le sens de fabrication et non equiaxes. Avez-vous vérifié dans un plan perpendiculaire à celui présenté en Figure 2 ?

  2. Inès Berdoyes dit :

    Un bel article qui résume et présente bien l’intérêt de l’EBSD pour le développement de matériaux hautes performances élaborés par des procédés tels que le frittage laser.

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Inès. Nous vous remercions pour ce retour positif sur l’article consacré à l’EBSD. Chaque semaine, plus précisément chaque lundi matin à 7H00 (!!!) un nouvel article est publié dans MetalBlog alors n’hésitez pas à nous suivre !

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