
Précipitation de l’antimoine dans le champ de contrainte généré par un essai de dureté Vickers -alliage: Pb-4Sb
Le drame de la Cathédrale Notre-Dame de Paris rappelle à notre bon souvenir l’existence d’un matériau qui fut l’un des premiers métaux de fonderie et de forge. Le plomb, qui constitue certaines figurines datées de -4000 av J.C, est devenu indésirable en quelques décennies suite aux scandales sanitaires qui ont suscité la peur du «saturnisme». Entre mythe et réalité, on finit presque par oublier qu’il fait démarrer plusieurs millions de véhicules par jour et qu’il nous permet de réaliser des examens d’imagerie médicale. Ce matériau, utilisé depuis si longtemps, regorge pourtant de phénomènes microstructuraux qui donnent du fil à retordre au métallurgiste.
Le plomb, un matériau utile …

Le plomb possède trois caractéristiques qui justifient son utilisation: sa haute densité, sa faible température de fusion et ses propriétés électrochimiques. Tout d’abord, sa masse volumique de 11 350 kg.m-3 est appréciée pour le lestage industriel et pour la confection par exemple de quilles de voiliers de compétition où le rapport poids/volume est à maximiser. Cette propriété est également utilisée indirectement pour la capacité d’atténuation qu’elle procure sous diverses sollicitations (sons, vibrations, rayonnements ionisant…). Dans les environnements chargés en rayons X et gamma, l’atténuation du plomb est environ 30 fois supérieure à celle du béton (en fonction de la source et de son énergie) ce qui permet de réduire l’encombrement autour de la zone de travail. De plus, sa faible température de fusion (327°C pur, moins lorsqu’il est allié) permet une mise en œuvre aisée pour le fondeur. C’est cette caractéristique qui a fait du plomb la star des alliages fusibles, notamment dans les tableaux électriques et dans les produits d’étamage maintenant supprimés sous la contrainte des directives RoHS. On le remplace aujourd’hui par des métaux de substitution comme l’étain, le bismuth ou l’indium. Enfin, last but not least, le potentiel électrochimique du plomb justifie son emploi dans les grilles des batteries plomb-acide qui représentent 85% de l’utilisation annuelle mondiale du plomb. Il est utilisé comme matériau anodique dans la réaction d’oxydo-réduction qui a lieu dans un électrolyte d’acide sulfurique auquel il est peu sensible. Sa résistance à la corrosion de manière générale et sa forte ductilité en ont fait un matériau de choix pour la réalisation des canalisations et pour les éléments de couverture des bâtiments historiques.
…mais qui nécessite un classement ICPE
Malgré ses propriétés recherchées, le plomb inspire la méfiance face aux risques qu’il représente pour la santé. Le terme « saturnisme » regroupe tous les problèmes de santé causés par une exposition au plomb. Disons-le clairement : ce qui pose problème, ce n’est pas vraiment le plomb mais plutôt l’oxyde de plomb. Très volatile, il est créé lors de la fusion du plomb et peut être inhalé par les fumées. Il est donc dangereux pour le particulier de réaliser des opérations de fusion chez lui en l’absence de système de captation et de filtrage des fumées adapté au plomb. La majorité des cas de saturnisme en France reste liée aux peintures à l’oxyde de plomb qui était utilisées comme pigment et qui disparaissent au fur et à mesure de la rénovation des logements. Le plomb sous forme métallique est moins problématique puisque des règles d’hygiène simples (lavage des mains) suffisent à écarter le risque d’ingestion qui intervient par le portage main-bouche (repas, cigarette…). Pour pouvoir exercer leur activité tout en garantissant la protection de l’environnement et des salariés, les fonderies de plomb doivent obtenir une autorisation (ICPE) délivrée par la DREAL qui les oblige à mettre en place de nombreux contrôles réglementaires (suivi de la plombémie des salariés, contrôle de la qualité des rejets au poste de travail, contrôle qualité de l’air autour du site, traitement des eaux usées, …).

Les technologies de transformation du plomb
En fonderie, les alliages de plomb peuvent être transformés par de nombreuses technologies. Le moulage en sable permet de réaliser si besoin de grandes pièces unitaires (ou en petites séries). Le moulage coquille et la fonderie sous pression sont davantage destinés à des fabrications en série ou en très grande série. Enfin, le moulage basse pression permet d’optimiser la qualité des pièces produites. Ces différents procédés de transformation peuvent répondre à des besoins fonctionnels multiples (dimension, aspect de surface, série, poids de pièce, santé interne, épaisseur, …). Ces différents procédés peuvent faire l’objet de simulation numérique du process de transformation (remplissage et solidification). Les lois de comportement mécaniques doivent également être prises en compte pour appréhender le dimensionnement et la tenue d’une pièce en service.
Approche microstructurale de la mécanique du plomb
Le plomb est un matériau très ductile et un grand nombre de recherches s’intéresse aux moyens de le durcir pour augmenter la longévité des pièces qu’il constitue. Pour améliorer ses propriétés mécaniques, il est souvent allié à l’antimoine. Le métallurgiste dispose alors des outils physiques classiques pour tenter d’améliorer les propriétés du plomb : la précipitation, la solution solide et l’écrouissage.

La solution solide consiste à remplacer des atomes de la maille de plomb par des atomes d’antimoine (on parle alors de solution solide a). Cette substitution d’atomes a pour effet de contracter le réseau cristallin et de freiner le déplacement des dislocations dans le cristal. La solubilité de l’antimoine dans le plomb, qui est de 3,5% massique à 250°C, est cependant quasi-nulle à température ambiante ce qui limite le durcissement par solution solide. En revanche, l’excès d’antimoine piégé dans ce réseau de plomb sursaturé permet d’espérer un durcissement par précipitation. L’antimoine diffuse en effet dans le réseau cristallin pour former des amas d’atomes appelés « précipités ». Ces précipités freinent le mouvement des dislocations pour peu qu’ils restent suffisamment fins (de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres). Ce phénomène de vieillissement analogue à celui rencontré dans les alliages d’aluminium va augmenter la dureté de l’alliage dans les premiers mois. Mais la diffusion continuant son œuvre, la précipitation continue jusqu’à ce que les précipités atteignent une taille micrométrique et fasse chuter les propriétés mécaniques. On parle alors de sur-vieillissement. Il reste alors l’écrouissage dont le principe consiste à déformer le matériau pour multiplier le nombre de dislocations dans le réseau cristallin. Les dislocations stockées dans le matériau font alors obstacle à la propagation des nouvelles dislocations. Ce mécanisme est rencontré fréquemment dans les courbes contraintes/déformations des métaux et se caractérise par une augmentation du taux de contraintes dans la zone de plasticité.

Dans le cas du plomb, ce phénomène est limité par l’apparition du mécanisme de recristallisation. Ce mécanisme qui remplace les grains écrouis par des grains exempts de dislocation intervient soit dans les premières heures qui suivent la déformation (recristallisation statique), soit directement pendant la déformation (recristallisation dynamique). Le durcissement pas écrouissage est donc inefficace pour les alliages de plomb-antimoine. Finalement, le seul moyen d’augmenter la dureté des alliages de plomb-antimoine de manière stable est d’augmenter la proportion de phase b (solution solide riche en antimoine). L’augmentation de la majorité des propriétés mécaniques est en effet proportionnelle à la teneur volumique de cette seconde phase.

Approche macroscopique des propriétés mécaniques
Si l’augmentation en phase b permet d’apprécier la tendance sur les mécanismes de durcissement des alliages de plomb-antimoine, c’est une toute autre histoire que d’obtenir des données numériques fiables sur les propriétés mécaniques. De nombreuses données issues de la littérature technique sont données ainsi sans indication des conditions d’essai. Parfois, l’indication mentionne des essais «à température ambiante» alors que la différence de comportement entre 20°C et 25°C est déjà significative. Si l’on veut obtenir des données comparables, il convient de donner précisément les conditions de mise en œuvre de l’essai. Les courbes de compression suivantes donnent un aperçu de la forte sensibilité des propriétés mécaniques à la vitesse de déformation et à la température de l’alliage.

La sensibilité à la température est liée à la faible température de fusion du plomb. Une règle communément admise en métallurgie énonce qu’un métal est travaillé à chaud si la température dépasse la moitié de sa température de fusion. Cette approximation n’est pas physiquement juste mais elle se vérifie empiriquement et s’explique par l’activation de phénomènes diffusifs dans le métal (lacunes, atomes, dislocations…). Exprimée en Kelvin, elle montre que la «température ambiante» (300 K) correspond à la moitié de la température de fusion du plomb (600 K). A « température ambiante », le plomb est donc en situation de recuit permanent et peut être considéré comme travaillé à chaud. Cela représente un avantage puisqu’il n’a pas besoin de traitement thermique intermédiaire lors de passes successives de laminage. Le plomb possède un comportement visco-élasto-plastique qui explique sa sensibilité à la vitesse de déformation. De plus, lorsque la vitesse de déformation diminue, le temps laissé pour la réalisation des phénomènes microstructuraux vus précédemment augmente. Les courbes de contrainte/déformation sont alors influencées par la présence simultanée de phénomènes durcissants (écrouissage et précipitation dynamique) et de phénomènes adoucissants (recristallisation et sur-précipitation).
Détermination d’une loi de comportement

Après ce tour d’horizon des phénomènes microstructuraux qui interviennent pendant la déformation des alliages de plomb-antimoine, il est possible d’imaginer une modélisation de leur comportement mécanique en sollicitation uni-axiale. La loi de Ludwig est largement utilisée dans l’industrie pour représenter le comportement mécanique des matériaux car elle nécessite peu d’essais de caractérisation et propose un modèle simple à deux coefficients. Malheureusement, pour le cas des alliages de plomb-antimoine, la forte dépendance des propriétés aux températures et aux vitesses de déformation empêche l’utilisation de ce modèle. Pour de faibles taux de déformation (<30%) une modélisation selon la loi de Johnson-Cook permet de représenter fidèlement de comportement mécanique des alliages de plomb-antimoine. Cette loi ajoute à la loi de Ludwig un terme dépendant de la température et un terme dépendant de la vitesse.

Pour de grandes valeurs de déformation (>30%), lorsque l’on s’intéresse aux comportements dans de grands domaines de déformation (pour le laminage par exemple), une modélisation selon la loi de Lurdos décrit plutôt bien la loi de comportement de ces alliages, mais cela nécessite de déterminer 5 coefficients, dont tous dépendent de la vitesse et de la température d’essai d’après le paramètre de Zener-Hollomon (soit 11 coefficients au total).

Le résultat de cette modélisation peut être représenté selon la surface de réponse suivante et montre une bonne corrélation du modèle avec les données expérimentales.

Un potentiel d’utilisation
Les alliages de plomb offrent un potentiel d’utilisation qui, couplé à la compréhension des mécanismes (lois de comportement mécanique, simulation numérique du remplissage et de la solidification), permet d’optimiser le dimensionnement des structures dans lesquels ils sont utilisés et le procédé de transformation. La fonderie Lemer a acquis une expertise dans la transformation des alliages de plomb par différentes technologies de fonderie.
bonsoir,c est pour vous demander,je suis tireur sportif et je voudrais savoir combien de pourcentage de antimoine pour 1g de ploms cordialement
Bonjour Raymond et merci de votre question. La teneur en antimoine peut atteindre jusqu’à 12% pour le plomb pour carabine et pistolet pneumatique. Cependant, cette teneur est sans doute très variable d’un fournisseur à l’autre. Nous vous rappelons qu’il est tout à fait déconseillé de couler soi-même le plomb aussi bien de chasse que de pêche pour des raisons d’hygiène évidente et qu’il faut donc acheter ces articles dans le commerce.