Les traitements de surface des broches métalliques

Composés intermétalliques.

Composés intermétalliques en surface de moule de fonderie sous pression.

Les outillages en fonderie sous pression ont une durée de vie limitée par différents types d’agressions en surface : la fatigue thermique, l’érosion et enfin la corrosion par le métal liquide. En particulier, la corrosion par le métal liquide résulte d’une interaction moule/métal qui peut être limitée et retardée par l’utilisation de traitements de surface (nitruration, PVD, CVD, …). Les broches sont particulièrement concernées car subissant plus de contraintes, elles ont aussi une durée de vie plus limitée que les empreintes moulantes.

La corrosion par le métal liquide

Collage sur broche avec composés intermétalliques (micrographie) en surface.
Collage sur broche avec composés intermétalliques en surface.

Il y a endommagement de la surface de l’outillage par attaque (corrosion) de l’acier du moule (X38CrMoV5) par l’aluminium liquide. Le mécanisme de corrosion comporte plusieurs étapes. Il y a formation, tout d’abord, d’une couche de composés intermétalliques de type Fe-Al-Si à l’interface moule-métal puis il y a croissance de cette couche en profondeur dans l’acier par diffusion à chaud des atomes d’aluminium. Ces composés intermétalliques durs et fragiles peuvent ensuite se rompre pour être reformés ensuite au fil des injections, provoquant une diminution du dimensionnel des broches et des éventuelles contre dépouilles.

Le collage

Collage sur broche
Collage sur broche de fonderie sous pression.

Le collage est un « terme métier » qui désigne l’adhésion de l’aluminium en surface d’outillage (broches en particulier) et se traduit par des difficultés d’éjection. On constate, lorsque le collage est prononcé, la déformation (ou ovalisation) de la broche et la création de cavités à la surface de l’outil. Lorsque le collage devient trop important, l’éjection de la grappe est empêchée, ce qui peut à terme provoquer une casse de la broche. En production, les arrêts machines liées au collage sont une des causes majeures de non productivité en particulier sur grosses machines ou le remplacement d’une ou plusieurs broches est relativement pénalisant.

Historique des traitements de surface en fonderie sous pression

Analyse des composés intermétalliques en surface de moule.
Analyse des composés intermétalliques en surface de moule.

Les traitements de surface ont fait leur apparition en fonderie sous pression au début des années 60 avec le procédé Tenifer (nitruration en bain de sels KCN-KCNO), ainsi que plus tard au Japon avec l’application en fonderie des carbures et nitrures destinés à augmenter la durée de vie des moules et diminuer les phénomènes de collage. Depuis les années 1990, ils sont largement utilisés sur des pièces à haute valeur ajoutée et en particulier sur les broches. Les traitements de surface sont en constante évolution pour s’adapter aux besoins industriels.

Les dépôts sous vide de type PVD ou CVD

PVD Multi-couche.
PVD Multi-couche.

Les dépôts sous vide sont principalement des dépôts de faible épaisseur (quelques microns), généralement durs et stables chimiquement. Ces dépôts sont constitués par des métaux et des combinaisons de métaux (carbures et/ou des nitrures) vaporisés sous un vide poussé et condensés à l’endroit désiré. Les techniques de dépôts sous vide sont utilisées en traitement de surface pour augmenter les propriétés de frottement, d’usure, de résistance à l’oxydation des pièces mécaniques (dans notre cas, les broches ou éléments d’empreinte en fonderie sous pression). Les dépôts sous vide se divisent en deux grandes familles : les Dépôts Chimiques en Phase Vapeur (CVD pour Chemical Vapour Deposition), la vapeur produite résultant d’une réaction chimique ou de la décomposition d’une molécule et les Dépôts Physiques en Phase Vapeur (PVD pour Physical Vapour Deposition) où la vapeur est produite par un phénomène purement physique (évaporation thermique, pulvérisation, …). En général, les traitements PVD sont réalisés à plus basse température (450°C) que les traitements CVD (800°C-1000°C). Cependant, il existe de nombreuses variantes de ces procédés qui permettent dans certains cas de limiter la température de traitement comme pour le PA CVD (Plasma Assisted CVD). De très nombreux métaux peuvent être déposés par PVD ou CVD, du nitrure de titane (TiN), nitrure de chrome (CrN) ou des composés plus complexes (TiAlN, AlCrN, ZrB2, B4C, Al2O3, ZrN, TiVN, TiCN, ….).

Les traitements de type carbonitruration

TD Process
Traitement TD Process – micrographie – tenue sur petite broche.

Ces types de traitement sont beaucoup plus anciens que les dépôts PVD ou CVD. On distingue les traitements thermochimiques de diffusion (nitruration, carbonitruration, nitruration ionique, …) et les traitement de conversion (Tenifer, Sursulf, …) qui conduisent à une mince couche de conversion (10-30 µm) très dure et ductile en surface composée de nitrures Fe3N et/ou de sulfures de fer (Sursulf) et à une couche de diffusion d’azote plus profonde (0,2 à 0,5 mm). Ces traitements peuvent être pratiqués en bains de sel pour certains et de plus en plus en atmosphère gazeuse ou par traitement ionique pour d’autres.

Ces traitements sont beaucoup moins onéreux que les PVD et CVD. Il existe également d’autres traitements en bains de sel comme la boruration ou la diffusion de carbure de vanadium avec le TD Process (Toyota Diffusion Process). Mentionnons enfin des traitements de type nitruration suivie d’oxydation superficielle Fe3O4 (Nipre).

Comparatif des traitements en production

Différentes études ont été conduites par le CTIF pour évaluer l’intérêt technico-économique de ces traitements pour limiter les phénomènes de collage. Certaines ont été réalisées sur montage d’essais (tribomètre, trempage dans l’aluminium liquide, scratch tests, …) alors que d’autres ont été menées directement sur des sites de production sur des broches.

Comparatif de 4 traitements de surface

Traitements de surface.
Comparatif de 4 traitements de surface.
Comparatif de 4 traitements de surface.
Comparatif de 4 traitements de surface.

Les essais ont été conduits sur une machine Idra 280 tonnes avec une grappe 4 empreintes qui a permis de comparer – dans des conditions d’injection similaires – 4 traitements de surface différents (nitruration type Sursulf, nitruration inonique, PVD TiN et TD Process). La partie de moule traitée était une broche en X40CrSiMo10 de dureté 48 HRC placée en face de l’attaque de coulée. L’alliage injecté était de l’AlSi9Cu3 à 685°C avec une température des broches après poteyage de 250°C. Les broches ont été analysées après 12000 injections. Lors de l’examen macrographique, on constate que les broches traitées en Sursulf et nitruration ionique sont fissurées et écaillées sur 1 à 2 mm de profondeur alors que celles traitées en PVD TiN A et TD Process n’ont subies aucune dégradation. Le suivi dans le temps des problèmes de collage (RAS, collage léger ou collage important) sur les broches met en évidence le bon comportement de deux traitements de surface : le PVD TiN et le TD Process.

Comparatif de traitements sur petite broche

Six traitements de surface
Comparatif entre 6 traitements sur petite broche.

On a également testé 6 traitements de surface (Tenifer, PVD TiN, nitruration + PVD CrN, TD Process, CVD Diamant et CVD TiN) sur des petites broches de faible diamètre. Les essais sont réalisés sur une machine Buhler 400 tonnes, la broche traitée étant en acier X38CrMoV5 (dureté de 54 HRC). Dans sa partie moulante, la broche mesurait 5 mm de diamètre pour une longueur de 7 mm avec une dépouille de 1°. L’alliage coulé est de l’AlSi12Cu avec une température de 660°C. Des examens métallurgiques (macrographies, micrographies, filiation de dureté, …) ont été effectués à divers moments (1 000, 5 000, 10 000 injections…) des essais. La durée de vie des broches a été considérablement améliorée avec les traitements PVD, CVD TiN et TD Process par rapport au traitement de type Tenifer. Les traitements Duplex (nitruration + PVD CrN) et le CVD Diamant n’ont apporté aucune amélioration notable.

Comparatif économique.
Comparatif économique entre 6 traitements sur petite broche.

Une estimation du coût global par injection (rapportés à une base 100 pour une broche non revêtue) en fonction du type de traitement a été réalisée. Elle intègre un arrêt de production d’une demi-heure pour changement de broche. L’analyse de la rentabilité des traitements de surface (coût du traitement et coût des arrêts) permet d’effectuer un classement par ordre décroissant pour les problèmes de collage (TD Process, PVD TiN, CVD TiN, Tenifer). Il est important de noter l’intérêt technico-économique du traitement Tenifer par rapport à une broche non revêtue. Car sans être aussi performant techniquement que les 3 autres traitements, son faible coût lui permet de multiplier par 4 la durée de vie de la broche sans revêtement.

Comparatif de traitements par des essais de laboratoire

Tenue à des tests de laboratoire
Tenue à des tests de 12 traitements de surface du commerce.

Il est intéressant également de réaliser des essais de laboratoire pour mieux appréhender les performances de différents traitements avant essais en production. Une étude a permis ainsi de comparer 12 traitement de surface (réalisés par des fournisseurs français, italiens, suisse ou nord-américain) sur des éprouvettes de laboratoire dans des tests reproduisant les sollicitations rencontrées sur les outillages. Ont été ainsi conduits des tests d’immersion de broche dans l’AlSi9Cu3 liquide (700°C), des tests de résistance à une goutte d’aluminium posée sur une éprouvette plane (puis placée dans un four à 700°C pendant 6h et 24h), des scratch tests de tenue à la rayure (éprouvette plane) après passage en four (500°C, 600°C et 700°C) et enfin des tests de tenue à l’usure (tribomètre plan, 17 Hz, 50 N de force appliquée). En parallèle, les traitements ont été caractérisés avant sollicitation (épaisseur, micro-dureté). Les traitements étaient soient de la famille des nitrurations (pour 4 d’entre eux), soient des PVD (6 dont 3 PVD TiAlN de 3 fournisseurs différents), soient des CVD (2).

Traitements de surface.
Comparatif de traitements de surface – goutte de métal sur éprouvette plane à 700° C.

Les 5 meilleurs traitements étaient la boruration (peu coûteuse mais qui a donné ensuite des résultats négatifs en fonderie), le duplex PVD TiAlN, un traitement de nitruration + oxydation superficielle Fe3O4 , un PVD TiAlCrN et enfin un traitement CVD TiCNO. On a constaté que les 3 traitements PVD TiAlN de 3 fournisseurs différents avaient des performances très inégales. Le meilleur PVD TiAlN était le plus épais (7 µm) et celui qui présentait également la meilleure adhérence à froid.

Comparatif sur grosses pièces

Essai de traitement sur grosse pièces
Essais de traitements carter embrayage et bloc moteur.

Des essais sur grosses pièces (carter d’embrayage et bloc moteur) ont été réalisés dans 2 fonderies hexagonales. Sur moule de bloc moteur, le traitement PVD TiAlCrN n’a pas présenté de collage après 5000 injections alors que le Duplex PVD TiAlN 2 et le CVD TiCNO ont montrés quelques traces de collage après 5000 injections. Par contre, la boruration en bains de sel n’a apporté aucune amélioration. Sur moule de carter d’embrayage, le Duplex PVD TiAlN a montré quelques traces de collage après seulement 1200 injections alors que le CVD TiCNO et la boruration n’ont pas tenu plus de 800 injections. Ces essais croisés montrent que les conditions de fabrication en fonderie (température, dépouille, poteyage, vitesse d’injection, …) ont également un impact très important sur l’efficacité des traitements de surface.

Performances des traitements de surface.
Performances anti-collage traitement de surface et paramètres de fabrication.

L’évolution des traitements de surface

Traitement de surface empreinte
Revêtement sur empreintes de moule de fonderie sous pression aluminium.

Alors que dans les années 1980, il n’existait que deux types de traitement PVD (le TiN et le CrN), depuis les années 2000, de très nombreux procédés de déposition et de nouveaux matériaux apparaissent chaque année. En particulier, les traitements PVD dit « Duplex » consistent à réaliser une nitruration avant le PVD qui améliore son accrochage et ses performances (durcissement du substrat). Les dépôts sont également souvent des nano-couches multiples (plus résistantes qu’une couche épaisse unique) avec alternances de plusieurs matériaux (gradients de composition). Si de nombreuses broches (fortement sollicités) de fonderie font l’objet de traitement de surface, les éléments d’empreintes traités sur de grandes surfaces sont plus rares.

4 commentaires

  1. Eric Thieffry dit :

    Article très intéressant et très complet ! Et nos solutions PVD continuent d’évoluer !!!

  2. Le Gall dit :

    Article passionnant, mais serait-il possible de savoir pourquoi dans un procédé de cementation basse pression, trempe huile pièces en colonne, les pièces centrale à la charge collent entre elles ?
    Température de cementation 960 dg,
    Merci pour retour info

    • Le CTIF dit :

      Bonjour Bertrand et merci de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur les traitements de surface des outillages de fonderie. On peut penser que les pièces centrales collent entre elles pour plusieurs raisons : elles atteignent une température plus élevée, elles subissent une pression de contact supérieure à celle des zones externes de la charge, l’huile de traitement circule moins. Du coup, on créé une solution de continuité entre les pièces qui collent entre elles.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *