Liés à l’électronique, à la conversion de puissance et l’éclairage, les dissipateurs de chaleur intègrent de nombreux secteurs industriels. Ayant pour rôle de refroidir des composants dégageant des puissances surfaciques élevées, les dissipateurs doivent se montrer toujours plus compacts, légers, et fiables. Proposer des dissipateurs optimisés est ainsi un des éléments clefs de l’amélioration des technologies de demain. Ainsi, par exemple, dans le domaine des transports : l’augmentation future des voltages à bord des avions commerciaux confronte les avionneurs à des difficultés pour assurer le refroidissement de l’électronique embarquée.
La méthodologie suivie
Afin de démontrer les possibilités d’optimisation offertes par la fabrication additive et les outils numériques de modélisation, nous nous sommes fixés un cahier des charges correspondant au refroidissement d’un spot à LED. Nous supposons que 30W sont dissipés sous forme de chaleur et que la surface de la LED doit être maintenue à une température inférieure à 100°C. Le refroidissement est assuré par de l’air ambiant à 25°C, traversant le dissipateur par convection naturelle. Nous avons dans un premier temps adapté les méthodes de conception utilisant les milieux poreux équivalent (MPE) afin de décrire l’aspect global que doit prendre l’échangeur, puis nous avons assuré la conception CAO en utilisant des structures lattices (Rhino 3D + IntraLattice et SoliWorks). Le dissipateur a ensuite été fabriqué selon trois procédés : la fabrication additive (SLM), la fonderie cire perdue et la fonderie sable.
Le dimensionnement du dissipateur
La convection naturelle est un phénomène physique complexe qui se déclenche par changement de densité de l’air soumis à des gradients de température. Leur modélisation numérique à l’aide de logiciel de CFD comme StarCCM+ est possible mais chronophage lorsqu’il est nécessaire d’effectuer une optimisation géométrique. Habituellement, en écoulement forcé, on utilise des méthodes de changement d’échelle MPE permettant de modéliser une structure complexe (réseau d’ailettes ou treillis) par deux milieux homogènes ayant des propriétés équivalentes. Le premier milieu représente le fluide et est décrit par une loi de Forchheimer (équation d’ordre 2 sur la vitesse d’écoulement) pour la perte de pression et une loi de transport d’énergie pour la convection. Le deuxième milieu représente la matrice solide et est décrit par une loi de conduction de la chaleur macroscopique. Les deux milieux sont liés par un terme d’échange.
Le premier jalon de cette étude a été de montrer que ces méthodes validées en écoulement forcé étaient également valables en convection naturelle. Les corrélations donnant les coefficients d’échange entre phase, les perméabilités à l’écoulement et les conductivités restant satisfaisantes, on a étudié leur sensibilité aux performances thermiques. Le résultat obtenu est trivial.
Le dissipateur optimisé doit être construit selon la règle suivante :
- Une perméabilité forte sur la direction verticale ;
- Une conductivité thermique forte sur la direction horizontale ;
- Une surface d’échange importante par unité de volume.
L’ailette verticale semble donc être la meilleure forme pour concevoir un dissipateur par convection naturelle. La question suivante a été de savoir comment agencer ces ailettes. Des ailettes droites ont tendance à offrir une surface et une conductivité élevée à proximité du centre du dissipateur mais faible en périphérie. Si le nombre d’ailettes est augmenté, les constrictions bloquant l’écoulement deviennent importantes au centre (figure ci-dessus – 2 premières images à gauche). Une des solutions est de limiter l’ajout d’ailettes en créant des bifurcations (3ème image). L’échangeur optimisé est donc un réseau d’ailettes planes formant une rosace. Cependant, cette conception est valable à l’horizontale. Si le dissipateur est incliné, ce qui est fréquent en éclairage, ses performances chutent. La convection naturelle est bloquée par l’ailette. Une solution est donc de remplacer les ailettes planes par des structures lattices (treillis) permettant une perméabilité dans plusieurs directions. Les ailettes sont donc épaissies, puis creusées pour créer les lattices (image de droite).
La modélisation en CFD du dissipateur thermique
La modélisation de ce dissipateur est réalisée en CFD sous le logiciel StarCCM+. L’air est considéré comme un gaz parfait soumis à une loi d’état. Nous considérons le dissipateur compris dans un volume assez grand sur lequel la température ambiante est fixée afin d’extraire les calories fournies par la source de chaleur. Le dissipateur est considéré comme étant en aluminium. Un modèle de turbulence de type RANS (k-epsilon) est choisi pour modéliser l’écoulement. Une source de chaleur de 30 W est imposée sur la face inférieure du dissipateur. Nous mesurons ensuite la température de cette face.
Influence du degré d’inclinaison du dissipateur
La figure ci-dessus montre les performances du dissipateur lattice en fonction du degré d’inclinaison de celui-ci par comparaison avec un dissipateur à ailettes conventionnel. Nous fixons de manière arbitraire l’horizontale (angle 0°) comme point de référence. Au-delà de 30° d’inclinaison, les ailettes bloquent la convection naturelle et ses performances s’en trouvent dégradées de plus de 30% à 90°. En ce qui concerne les lattices, nous constatons une légère augmentation, inférieure à 5%, de la résistance thermique entre 30 et 60°. A faible inclinaison, les 2 types de structures sont assez comparables. Par contre, lorsque l’inclinaison augmente de manière importante (> 30°), les performances des structures lattices sont bien meilleures et permettent de conserver une très faible hausse de température (par rapport à une inclinaison nulle).
La fabrication en SLM, moulage sable et cire perdue
Le premier prototype a été réalisé en fabrication additive SLM pour valider le concept. Par contre, la fabrication additive d’un tel dissipateur comprenant des structures lattices étant trop onéreuse pour une utilisation commerciale en série, nous avons collaboré avec le CTIF pour fabriquer une pièce par voie de fonderie.
Deux modes de production ont été testés avec succès dans la fonderie expérimentale de CTIF :
- La cire perdue qui permet d’obtenir un état de surface quasiment lisse et une conformité de la pièce à la CAO initiale ;
- La fonderie sable qui autorise une production série à moindre coût. Cette méthode conduit à un état de surface plus rugueux et ne permet pas de réaliser aussi facilement que la cire perdue des détails très fins (petits brins).
Les coûts de fabrication
Fonderie sable | Fonderie cire perdue | Fabrication additive |
1 | 5 | 15 |
En ce qui concerne le coût de fabrication (tableau ci-dessus en coût relatif), la pièce en cire perdue est 3 fois moins chère que la pièce en AM (Additive Manufacturing) pour un diamètre plus grand. La pièce en moulage sable (avec des noyaux prototypés) est, quant-à-elle, 15 fois moins chère que la pièce AM. En série, le coût de fabrication par moule en sable pourrait encore être réduit en utilisant la technologie d’empilement de noyaux (brevet CTIF). La qualité de la pièce en moulage sable pourrait être améliorée par un traitement de surface (tribofinition).
Remerciement à notre partenaire TEMISTh pour la réalisation de la conception du dissipateur, les calculs CDF et la fabrication en SLM.