
Pièce ductile en fonderie sous pression - shock tower en aluminium.
Les alliages ductiles en fonderie sous pression font déjà l’objet d’une production industrielle non négligeable outre-Rhin où ils atteignent plus de 10 000 tonnes/an et permettent en particulier de réaliser de grandes pièces de structure à haut allongement. Utilisés principalement pour des applications automobiles, cette nouvelle famille d’alliage pourrait dans le futur trouver d’autres marchés (aéronautique, pièces de structures diverses). Cependant, leur transformation en fonderie sous pression exige une technologie spécifique plus pointue. Si historiquement, le Silafont-36 est le plus connu, plusieurs fournisseurs commercialisent maintenant ce type d’alliage.
Les limites de la fonderie sous pression traditionnelle

Alliage en fonderie sous pression AlSi9Cu3Fe – plaquette de FeSiAl5 fragile qui limite l’allongement (image MEB – CTIF).
La fonderie sous pression traditionnelle, bien que très largement utilisée, possède des limites techniques qui n’autorisent pas certaines applications. Tout d’abord, les alliages utilisés issus de recyclage – dits de deuxième fusion – comme l’AlSi9Cu3(Fe) possèdent une teneur en fer relativement élevée (0,8 % environ) qui limite fortement leurs propriétés mécaniques. L’allongement est de l’ordre de 1,5 % pour un Rm de 275 MPa et un Rp0,2 de 140 MPa. La forte teneur en fer crée en effet des composés intermétalliques FeSiAl5 (type « plaquette » en 3D) fragiles et néfastes pour les performances mécaniques. De plus, la présence dans les pièces de microporosités gazeuses interdit tout traitement ultérieur à chaud (soudage ou traitement thermique). A contrario, l’AlSi9Cu3(Fe) est bien adapté à une transformation en moule métallique car sa haute teneur en fer limite les interactions moule/métal et les phénomènes de diffusion à chaud de l’aluminium dans la matrice en acier du moule.
Histoire des alliages ductiles

Composition chimique des alliages ductiles en fonderie sous pression (Silafont-36, Castasil-37, Calypso-61D, Mercalloy 367).
Outre-Rhin, tout d’abord, Rheinfelden Aluminium, avec le Silafont-36, a été le premier à développer des alliages à haute ductilité spécialement conçus pour la fonderie sous pression dans les années 90. Dans le Silafont-36, la très faible teneur en fer (0,15 %) est compensée par une forte teneur en manganèse (0,5-0,8 %). Dix ans plus tard environ, Mercury Marine (aux Etats-Unis) découvrira, en développant ses propres nuances (Mercalloy AA 367, 368 et 362) que le Strontium a lui aussi un fort effet anti-collage et permet de ce fait de limiter la teneur en manganèse (0,3 %) nécessaire.

Rivetage de pièce en Silafont-38 moulée en fonderie sous pression.
D’autres fournisseurs d’alliages (Affimet Regeal, Mercury Marine, Alcoa, Riotinto, Ryobi Alloy, …) sont depuis entrés sur ce marché prometteur. Tous les alliages ductiles utilisent depuis tous le double effet du manganèse et du strontium pour remplacer le fer. Cependant, le Silafont-36, ayant bénéficié d’une très forte notoriété et d’un effet « buzz » certain, reste encore bien souvent le seul alliage ductile largement connu – et cité spontanément – par de nombreux industriels. Le Mercalloy est, quant-à-lui, très connu aux Etats-Unis. Le Silafont-36 est commercialisé aux Etats-Unis par Noranda et en Asie par Dubal.
Le principe des alliages ductiles

Nature des composés intermétallique en fonction du ratio fer et manganèse en fonderie sous pression.
La teneur en fer des alliages ductiles est évidement limité (selon les alliages à 0,15 %, 0,25 % ou 0,50 %) pour éviter la formation des composés intermétalliques fragilisants. Par contre, pour éviter des interactions moule/métal trop importantes, ces alliages peuvent être dopés au manganèse (0,7 %) et au strontium (30 à 60 ppm) pour transformer les composés intermétalliques néfastes β-Fe (FeSiAl5) dits en « aiguilles de fer » en composés (α-Fe, (Fe,Mn)2Si2Al15) dits en « caractères chinois » et modifier le facteur de ségrégation (SF = %Fe + 2x%Mn + 3x%Cr) ce qui ralentit également fortement la formation de ces composés dans les bains.

Facteur de ségrégation des alliages ductiles comparé à celui de l’AlSi9Cu3Fe.
Le strontium est utilisé pour modifier le silicium eutectique (microstructure) et améliorer la ductilité. A forte teneur (50-70 ppm) dans les alliages ductiles, le strontium permet de limiter les interactions moule/métal. Le titane permet d’affiner le grain. L’ajout de magnésium permet le traitement thermique (T5 ou T6) et le niveau de cuivre réduit évite l’oxydation. Dans certains cas, on note l’ajout de zirconium (0,1 % à 0,3 %) pour augmenter encore les performances mécaniques comme pour le Magsimal-plus.
Les avantages des alliages à haut allongement en fonderie sous pression

Nissan GT-R Door panel en fonderie sous pression en alliage haute ductilité.
Les applications actuelles concernent majoritairement le domaine automobile. Les alliages ductiles (à allongement élevé) injectés en fonderie sous pression permettent de réaliser des grandes pièces minces near-net-shape à hautes performances. Ces pièces, souvent géométriquement complexes (nervurage, zones minces, …), permettent d’alléger les structures, de limiter le nombre de pièces à assembler, d’intégrer de nombreuses fonctions et enfin de réaliser des assemblages par soudage (laser, TIG, MIG, FSW) et par rivetage type SPR (Self-Piercing-Rivet), ce qui n’est pas réalisable avec des pièces en alliage AlSi9Cu3(Fe) traditionnel.
Les pièces réalisées en alliages ductiles en fonderie sous pression

Pièce en alliage ductile en fonderie sous pression – Integral carrier en silafont-36.
Différentes pièces de structures ont été réalisées industriellement avec les alliages ductiles, principalement pour des constructeurs allemands (BMW, Audi, Nissan, …), nord-américains ou japonais. La « shock tower » en Silafont-36 de la BMW X5 est ainsi une pièce de dimension 430 × 330 × 340 mm avec traitement thermique. Elle vient en substitution à un assemblage de tôle, apporte plus de 50 % de gain de masse pour un niveau de prix similaire. Les caractéristiques mécaniques sont un allongement de plus de 10 % pour un Rm de 190 MPa et un Rp0,2 de 120 MPa. On peut citer également une pièce type « Integral carrier » en Silafond 36 de 920 x 580 x 170 mm pour un poids de 10 kg.

Audi – pilier (pilar) – pièces en alliage ductile en fonderie sous pression.
Audi produit également un pilier (Pilar B) de longueur 1 200 mm qui a permis de passer d’un assemblage de 8 pièces pour un poids de 4 200 g à une seule pièce de 2 300 g. Cette reconception avec un alliage ductile a permis de réduire la masse, d’intégrer les fonctions et enfin de réduire l’assemblage. Lamborghini, sur un de ses véhicules avec une cage d’oiseau en aluminium BIW (Body In White) produit des nœuds de structure en Castasil-37 de dimension 320 x 210 x 220 mm de 2 kg par pièce. Le châssis interne de porte pour Mercedes-Benz S est réalisé en Magsimal-59 (sans traitement thermique) et pèse 8,7 kg.
Les différentes familles d’alliages ductiles

Silafont-36 – Composition chimique et propriétés mécaniques après traitement thermique (T4, T5, T6 et T7).
Il existe principalement deux familles d’alliages ductiles pour la fonderie sous pression.Tout d’abord, les alliages de la famille Al-Si (Al + 4 à 12% Si + 0-0.6% Mg, Mn, Fe), qui sont les plus utilisés, possèdent de très bonnes propriétés de fonderie et peuvent faire l’objet de multiples types de traitements thermiques (T5, T4, T6 ou T7). De plus, une large gamme d’alliages commerciaux est disponible. On retrouve ainsi le Silafont-09 (AlSi9), le Silafont-36 (AlSi10MnMg), le Silafont-38 (AlSi9MnMgZn) et le Castasil-37 (AlSi9MnMoZr) de Rheinfelden Alloys GmbH. Ensuite, l’Aural-2/-3 et -5S de Riotinto-Alcan. Le Mercalloy (362, 367, 368), quant-à-lui, est commercialisé par Mercury Marine et le W3 Alloy (ADC3SF) par Ryobi Alloy. Alcoa commercialise l’alliage 370 EZCast (AlSi9) qui peut être utilisé à l’état F, T4, T5 ou T6. Enfin, Affimet Regeal produit le Calypso 61D (AlSi10MgMnFe) à 0,35 % de Fer et 0,35 % de Mn.

Influence de l’épaisseur de pièce sur les caractéristiques mécaniques – Magsimal-59 – (source Rheinfelden aluminium).
Ensuite, les alliages de la famille Al-Mg-Si (Al + 2 à 5.5% Mg + 1.5 à 3 %Si) présentent d’excellentes propriétés brut de fonderie et après traitement thermique T5. Ils sont cependant plus délicats à mouler et ont des propriétés très dépendantes de l’épaisseur de pièce. De plus, ils présentent une plus forte tendance à la crique que la famille précédente. Enfin, ils sont plus agressifs envers le moule. On retrouve chez Rheinfelden Alloys GmbH le Magsimal-59 (AlMg5Si2Mn), le Magsimal-plus (AlMg6Si2MnZr) avec une teneur en zirconium entre 0,1 et 0,3 % qui possède des caractéristiques mécaniques très élevées en statique (Rm 350-380 MPa et A% de 8-12 % après T5) et en dynamique. Puis l’alliage 560 et 560-1 d’Alcao (sans TTH), le C446 (anciennement AlMg3Mn) et enfin l’Aural-11 de Riotinto-Alcan.
Signalons également l’alliage SupraCast C677F (AlSi8Cu2) d’Alcoa dopé en zirconium (0,08-0,30 %) et en vanadium (0,08-0,30 %) qui permet d’améliorer la tenue en statique et en fatigue à haute température (application blocs-moteurs) tout en conservant un allongement significatif (2-3 %) lié à une teneur en fer intermédiaire (0,50 % max) et la possibilité de réaliser un traitement thermique T5. Sans être véritablement un alliage à haute ductilité, sa particularité (teneur en fer intermédiaire) et son utilisation en fonderie sous pression nous ont paru intéressants à mentionner.
Le process de transformation spécifiques aux alliages ductiles

Fonderie sous pression avec système de sous vide pour réaliser des pièces en alliage ductile (source Vacural).
Ces nouveaux alliages ductiles supposent cependant des moyens et un savoir-faire en métallurgie en process d’injection. Concernant la métallurgie, il faut en effet maîtriser la teneur en Mg (perte de 0,03 % par fusion) et compléter en Mg si nécessaire, maîtriser la teneur en strontium (perte de 30 à 50 ppm par fusion) et compléter par un alliage mère (type AlSr5 ou AlSr10) pour rester > 80 ppm et enfin dégazer le bain en poche de transfert ou dans le four de maintien au rotor (pour éliminer l’hydrogène et les oxydes) de manière poussée (6 à 10 minutes de traitement avec 7-10 l/min. à l’argon ou à l’azote).

Microstructure d’un alliage ductile Silafont-38 – état brut (gauche) et après T6 (droite).
La durée de dégazage provoque une chute de température moyenne de 30 à 50°C dans la poche. Ce type de traitement est courant en moulage gravité (AlSi7Mg) mais n’est pas habituellement pratiqué en fonderie sous pression. Au niveau de l’injection, et afin de réaliser le traitement thermique ultérieur, il faut assurer une quasi-absence de porosité. Cela est possible en réalisant un niveau de sous vide poussé dans l’empreinte lors de l’injection (< 50 mbar) qui nécessite une certaine étanchéité du moule. Le métal est souvent prélevé en dessous de la surface (hors de la zone d’oxydes en surface de bain) et injecté directement dans le conteneur (système VACURAL). Il faudra tenir compte d’une durée de vie moule plus courte des empreintes (80 % à 90 %) liée à une agressivité plus prononcée des alliages a bas fer comparée à la transformation d’un alliage de type AlSi9Cu3Fe. Enfin, le traitement thermique devra limiter les déformations de pièces pour éviter les opérations de redressage ultérieures.
Un marché pour les pièces de structure complexes

Propriétés mécaniques de l’alliage 370 EZCast de Alcoa en fonction du traitement thermique réalisé.
De nombreuses pièces en alliage ductile (Rp0.2 et allongement élevé) commencent à apparaître sur le marché en Europe, outre atlantique ou au Japon. Ces pièces near-net shape, souvent de grande taille (800 mm de long) et d’une complexité importante, sont réalisées avec des nouveaux alliages (Silafont-36, Magsimal-59, Aural 2, …) développés spécifiquement pour la fonderie sous pression (bas fer compensé par un Mn élevé et du strontium pour éviter les phénomènes de collage sur le moule). Une qualité métallurgique élevée (dégazage au rotor) et un système de sous vide poussé sont nécessaires pour permettre un traitement thermique (T5, T6). Si à ce jour ces pièces sont destinées majoritairement à l’industrie automobile, leur potentiel pourrait concerner d’autres marchés (aéronautique, …) intéressés par les pièces de structure.
Bonjour,
Concernant le coefficient de ségrégation de l’alliage d’aluminium, y a t-il un rapport entre ce coefficient et le taux de crasse dans les lingots d’aluminium ?
Merci
Bonjour Moussa et merci de votre question. L’oxydabilité (et donc les crasses) des alliages d’aluminium est liée à certains éléments (sodium, magnésium, …). Le facteur de ségrégation (lié au fer, manganèse et chrome) ne semble pas influencer de manière sensible l’oxydation des alliages d’aluminium.