
Le bloc moteur en fonderie et ses évolutions techniques.
Le bloc-moteur (appelé aussi carter-cylindre), au cœur du GMP (Groupe Moto-Propulseur), est une pièce de fonderie majeure qui a fortement évolué pour suivre les enjeux de l’automobile (downsizing, réduction des émissions de CO2, fiabilité des composants, …). Le bloc-moteur est aujourd’hui majoritairement en aluminium et bascule, pour les petites motorisations, vers le 3 cylindres qui présente de nombreux avantages.
Les alliages utilisés pour le bloc-moteur (aluminium, fonte, magnésium)

Assemblage des noyaux avant renmoulage pour fabrication des blocs moteurs en fonte.
L’alliage d’aluminium AlSi9Cu3(Fe) est majoritairement utilisé pour les blocs réalisés en fonderie sous pression. Issu du recyclage, cet alliage a pour avantages de bénéficier d’un approvisionnement mondial et d’un prix de matière première réduit. L’aluminium offre une meilleure conductibilité thermique que la fonte et facilite la fabrication de pièces de précision (near-net-shape) aux formes complexes intégrant les supports d’organes auxiliaires, les passages d’eau et conduites d’huile. Coulés dans le même métal que les culasses, les blocs aluminium évitent de plus des coefficients de dilatation différents au niveau des joints de culasse.
Les blocs-moteurs en fonte utilisent généralement la fonte à graphite lamellaire (FGL), mais aussi dans certains cas la fonte à graphite vermiculaire. Les blocs fonte, plus lourds, mais qui offrent une meilleure tenue mécanique en température par rapport à l’aluminium, concernent majoritairement des véhicules Diesel.

BMW – bloc-moteur bi-métallique aluminium-magnésium.
Il y a quelques développements de blocs- moteurs magnésium : tel un bloc de Corvette (Dow/Mg) coulé en sable en ZC 63 de MEL (avec traitement thermique T6) avec un gain de poids de 45 kg (par rapport à un bloc fonte). Ces applications (GM/Ford) ne concernent cependant généralement que des véhicules de niches. Notons également un exemple de bloc bi matériaux avec une zone interne en aluminium surmoulée par du magnésium.
L’aluminium dopé pour améliorer la tenue à chaud
L’aluminium de type AlSi9Cu3 présente cependant des risques de problème de fluage au-dessus de 250°C sur certaines zones de moteur. L’ajout d’éléments (Ni, …) qui doperaient les propriétés à chaud pourraient constituer une solution technique avec un surcoût sur le bloc. Pour les procédés de production de blocs-moteurs en moulage gravité, de la même manière, des alliages de type AlSi7MgCuNiFe pourraient apporter des gains en tenue à chaud. Il est également possible de repousser un peu la température « de fluage » en créant des dispersoïdes Al3X (X=Ti, Zr, Co, V, …). Néanmoins cette solution présente un surcoût non négligeable pour un gain en température limité (entre 50°C et 70°C).
Le bloc-moteur de fonderie et les technologies de fabrication

Principe du core package system pour la production des blocs-moteurs aluminium.
De nombreux procédés de fonderie sont utilisés au niveau mondial pour fabriquer industriellement les blocs-moteurs. Concernant les blocs-moteurs aluminium, la fonderie sous pression domine avec près de 70 % de la production, puis sont utilisés pour le moulage coquille, le lost-foam, la basse pression coquille ou sable, le procédé core-package (coulée en source par les masselottes et retournement du moule), le procédé TRIDEM ou le moulage sable sur Disamatic (plan de joint vertical). Pour la fonte, en revanche, on retrouve le moulage sable à vert en Disamatic, mais aussi le lost-foam ou le procédé Cosworth. Le procédé lost-foam autorise une très grande complexité des formes internes et s’est développé de manière assez conséquente outre-Atlantique.
Les blocs à tablature fermée ou à tablature ouverte

Bloc-moteur Ryobi 6 cylindres en fonderie sous pression avec noyau destructible.
Les blocs-moteurs à tablature ouverte sont réalisés en fonderie sous pression alors que les blocs à tablature fermée sont faits en moule semi-permanent ou basse pression avec des noyaux internes.
Honda a réalisé par le passé des blocs aluminium à tablature fermée en fonderie sous pression avec noyaux sable, mais a arrêté cette production. Plus récemment, au début des années 2000, le fournisseur japonais Ryobi présentait un bloc-moteur 6 cylindres en V en fonderie sous pression avec un noyau sable revêtu de 2 couches de céramique externes. Le noyau serait composé d’un réfractaire, d’un liant organique et d’un oxyde métallique (oxyde de fer, oxyde de cuivre). L’utilisation d’oxydes, permettrait, selon Ryobi, d’éliminer le noyau par vibrations uniquement alors que les noyaux qui ne contiennent pas d’oxydes doivent être débourrés par vibrations et élévation en température (490°C pendant 5 heures).
De nombreux brevets et développements récents ont exploré l’utilisation de sels fondus pour la réalisation de noyaux (NaCl + Na2CO3, + additifs) pour des applications de carters-cylindres à tablature fermée en fonderie sous pression.
Le remplacement des chemises en fonte sur les blocs aluminium

Revêtement plasma sur un bloc-moteur aluminium par une mini-torche tournante.
De nombreuses études et projets visent le remplacement sur les blocs aluminium des chemises en fonte GS centrifugée par des revêtements ou traitements de surface (céramique, …) pour des enjeux d’allègement supplémentaire des blocs. En effet, sur un bloc de 16.5 kg, les chemises en fonte représentent 2.5 kg, soit 15 % du poids du bloc. Différentes pistes ont été explorées par les constructeurs : l’utilisation d’alliage hypersilicié (AlSi17Cu4Mg), l’utilisation de CMM (Composite à Matrice Métallique) aluminium/SiC, des dépôts superficiels de Ni renforcé de SiC, des dépôts galvaniques (Ni), de la projection par arc fil, de la projection par arc soufflé ou une nitruration sous plasma haute pression. La projection plasma sur cylindre aluminium usiné par une mini-torche tournante (200 tr/min) permet de déposer par exemple 200 µm d’un revêtement dur de type Fe2O3 (450 HV) qui nécessite un rodage ultérieur en plusieurs étapes (comme sur un bloc-moteur fonte).
La montée en puissance des moteurs 3 cylindres

Moteur 3 cylindres PSA avec bloc-moteur en fonderie sous pression.
Le moteur 3 cylindres se développe – au détriment du 4 cylindres – car il offre de multiples avantages techniques ou économiques. Tout d’abord, il permet de réduire le nombre de pièces en frottement (piston/segment, tourillons et manetons de vilebrequins, soupapes, …), ce qui augmente le rendement et limite aussi le prix du moteur. Ensuite, il diminue les pertes thermiques. Ainsi, à cylindrée égale, le 3-cylindres est plus avantageux que le 4-cylindres en termes de rendement thermique et mécanique. Puis, évidemment, le 3 cylindres allège le GMP, ce qui contribue à diminuer les émissions de CO2. Cet allègement atteint par exemple 21 kg pour le moteur EB2 de PSA (par rapport au 4-cylindres TU3 de puissance très proche) et de 25 kg pour l’EB0 comparée au TUI.
Citons ensuite la standardisation du module de cylindrée unitaire. Les constructeurs peuvent ainsi proposer des moteurs de différentes cylindrées en additionnant les cylindres. Renault utilise ainsi cette conception modulaire qui, à partir d’une cylindrée de 299 cm3 permet de réaliser le moteur 3-cylindres TCe de 898 cm3 et le moteur 4-cylindres TCe de 1197 cm3. De plus, le 3 cylindres permet dans certains cas l’utilisation de la même chaîne d’assemblage pour monter des 3-cylindres, des 4-cylindres et même des 6-cylindres comme le pratique BMW sur sa gamme de motorisation TwinPower Turbo à cylindrée unique (499 cm3). Cela lui permet également d’installer plus facilement des usines sur les différents continents et de faire des économies par un grand nombre de pièces communes partagées par différents moteurs. Enfin, l’encombrement réduit en longueur des moteurs 3-cylindres autorise un montage sur véhicule en position transverse et facilite l’ajout d’une transmission à grand nombre de rapport (jusqu’à 9) ou permet d’insérer un module hybride.
La diminution des blocs fonte et l’avenir du bloc moteur avec l’arrivée des véhicules électriques
Depuis plusieurs années déjà, on note une diminution mondiale et constante des blocs en fonte qui suit la diminution de part de marché du Diesel et le gain de masse apporté par l’aluminium. La fonte conserve cependant encore une part de marché (bloc très sollicité thermiquement, recherche du plus bas prix, constructeurs nord-américains, …).
Sur les véhicules hybrides (propulsion thermique et électrique), le bloc-moteur a encore toute sa place. Il est clair cependant que si dans le futur (20 à 30 ans), pour des raisons techniques (autonomie augmentée), économique (prix de vente au même niveau qu’un véhicule thermique et prix des carburants fossiles en très forte hausse) ou réglementaires (politique incitative en faveur des véhicules électriques), les véhicules électriques trustaient le marché, la production de blocs-moteurs thermiques tendrait à diminuer de manière conséquente.
Bonjour, avez-vous des références biblio à partager concernant les propriétés mécaniques et la mise en œuvre des AlSi7MgCuNiFe et Al3X que vous mentionnez dans cet article ?
Vraiment un excellent article dont j’en conseille la lecture. Dommage qu il ne soit que en Français…
Petite question, quelqu’un pourrait-il m’expliquer le “procédé Cosworth ”?
Merci CTIF pour tous ces articles vraiment géniaux !
Dear Cecile, a simple search on internet provides some links to the Cosworth casting process. Here is a example
https://www.giessereilexikon.com/en/foundry-lexicon/Encyclopedia/show/cosworth-sand-casting-process-4469/?cHash=ddde18037a998b40e112375beb5ce6e8
C’est ce genre de descriptif dont on a besoin pour avoir une idée rapide et correcte sur les composants moteurs… À généraliser donc pour les autres composants notamment la culasse !
Pour la culasse, l’article est déjà programmé sur MetalBlog en 2019.
À propos d’alliage, pourquoi l’Alusil ( AlSi17Cu4Mg ) créé en 1927 par Lancia pour le premier moteur tout alu ( et oui encore Lancia ) a mis plus de 50 ans à être utilisé par d’autres marques, Porsche en premier suivi par Mercedes, BMW, Lamborghini ou Audi, alors que l’on sait depuis toujours, enfin depuis 1927, que c’est un alliage bien meilleur que le Nikasil pour sa plus grande résistance à la corrosion par le soufre présent dans les combustibles ?
Bonjour Miguel. Sans avoir une réponse définitive a votre question, l’Alusil est un alliage dit hypersilicie (à forte teneur en silicium) plus complexe a transformer et surtout plus onéreux que l’AlSi9Cu3. Ce qui explique, que malgré ses performances, il soit très peu utilisé industriellement comme l’ensemble des alliages de la famille des hypersilicies d’ailleurs.
Très très bon article ! J’apporte juste mon avis sur le downsizing du 3 cylindres : il est certes moins lourd mais associé à un turbo il se révèle tout aussi gourmand voir plus qu’un 4 cylindres atmo installé dans une auto où tout a été pensé pour chasser le poids (rightsizing…). Idem en terme de longévité, un turbo sera toujours plus fragile qu’un atmosphérique…
Bonjour Philippe. Merci de votre commentaire très positif sur la qualité de cet article. Les experts du CTIF qui redigent les articles de MetalBlog sont effectivement tres pointus dans leur domaine et connaissent tres bien les matériaux métalliques, les process de transformation et les applications. Merci également pour votre retour d’experience sur les 3 et 4 cylindres.
Serait-il possible de connaitre la composition du carter de boite de vitesse en fonte d’alu d’un Q3 Quattro.
Bonjour Bernard, et merci de votre question à propos de l’article de MetalBlog sur les blocs moteurs en aluminium et en fonte. Les carters de BV en aluminium sont en général fabriqués par tous les constructeurs en fonderie sous pression en alliage AlSi9Cu3 (9 % de Si et 3 % de Cu).