La solidification est au cœur même de la métallurgie et du principe de la fonderie et cela pour tous les alliages (fonte, aluminium, cuivreux,…, titane) et pour l’ensemble des procédés industriels (moulage sable, cire perdue, centrifugation…). Cette étape clef du procédé de fonderie n’est cependant pas si triviale qu’elle en a l’air. Bien maîtrisée, elle conduit à des pièces saines avec un dimensionnel respecté et une microstructure conforme. A contrario, la solidification peut entraîner, dans certains cas, des non conformités dont nous allons expliciter les mécanismes.
Un changement de phase avec libération de la chaleur latente de fusion
La solidification, c’est tout d’abord physiquement un changement de phase : le passage d’une phase liquide à une phase solide. En phase liquide, les atomes sont en agitation permanente et sans structure ordonnée spécifique. Inversement, en phase solide, les atomes sont « au repos » – ou tout au moins très faiblement agités – et surtout sont organisés en structure ordonnée (hexagonal compacte, cubique face centrée…) au niveau atomique et en grains, dendrites, … au niveau macroscopique.
De plus, la solidification s’accompagne d’une libération de chaleur (dite chaleur latente de fusion) qui compense la chaleur perdue par le refroidissement. Ainsi, les métaux purs font leur solidification à température constante. Dans le cas d’un alliage composé de plusieurs corps purs, la température baisse en général au cours de la solidification (sauf dans le cas des eutectiques qui se solidifient eux aussi à température constante).
Germination puis croissance des grains
La solidification se fait en général par cristallisation à partir de la formation de germes de phase solide au sein du métal liquide puis par la croissance de ces germes. On parle ainsi de germination/croissance. Pendant la solidification, il y en général une redistribution des éléments chimiques qui ségrègent et forment des phases différenciées (dendrites dans une matrice par exemple). La formation des germes solides (embryons des grains équiaxes) peut avoir deux origines distinctes.
Tout d’abord, les germes peuvent provenir de fragments de bras dendritiques (phénomène dit de fragmentation) détachés par refusion locale et transportés par convection dans la zone de liquide surfondu. Ensuite, les germes peuvent avoir été ajoutés volontairement – on parle alors d’inoculation – par ajout de particules germinantes (affinant) dans le métal liquide (AlTi5B pour les alliages d’aluminium par exemple) et qui font office de sites préférentiels de germination hétérogène.
Apparition des différentes phases à l’état solide
Alors qu’à l’état liquide, l’alliage est homogène chimiquement, à l’état solide, la plupart du temps, on observe la présence de différentes phases de composition et de morphologie distinctes. Les mécanismes commencent à être relativement bien compris. Tout d’abord, au cours de la solidification, apparaît un front de solidification avec une interface qui se propage des zones déjà solidifiées vers les zones encore liquides. Prenons le cas d’un alliage binaire (avec 2 constituants), dans le cas où la solubilité de l’un des constituants dans le solide est inférieure à celle dans le liquide, il y a rejet du soluté en avant de l’interface et enrichissement.
Ce rejet est localisé dans une couche limite en avant de l’interface solide/liquide où la concentration en soluté diminue exponentiellement. On observe donc, à l’interface solide/liquide deux gradients ; un gradient thermique et un gradient de concentration. Ces deux gradients ont un effet sur la stabilité du front de solidification ; le gradient de température a un effet stabilisant alors que le gradient de concentration a un effet déstabilisant. On observe ainsi la formation de différentes phases de composition différentes et qui apparaissent de manière régulière dans la matrice.
La solidification sous forme dendritique
De nombreux alliages présentent en particulier une solidification de type dendritique. Les grandeurs caractéristiques des dendrites en fin de solidification (R le rayon de courbure de la pointe, λ1 et λ2 les espacements entre les troncs primaires et les branches secondaires respectivement) ont une influence prépondérante sur les propriétés mécaniques des matériaux.
L’espacement des troncs primaires de dendrites est fonction de l’étendue de la zone pâteuse, du gradient thermique et de la vitesse de croissance.
Les bras secondaires, quant-à-eux, s’épaississent depuis leur naissance jusqu’à leur dimension finale en fin de solidification.
La finesse dendritique est fonction de la vitesse de solidification et est très liée au process de fabrication. Ainsi, pour les alliages d’aluminium, elle est environ de 45 µm en moulage sable. Alors qu’elle est de 20 µm environ en moulage coquille et de 10 µm (ou moins) en moulage sous pression. Cette finesse dendritique, très variable d’un procédé à l’autre, est liée au gradient thermique.
Les retassures et les criques, défauts typiques liés à la solidification
Deux types de défauts sont imputables directement à la solidification de l’alliage : les retassures et les criques. Les retassures, de forme « déchiquetée » et irrégulière, sont des défauts internes (débouchant quelquefois en surface) qui résultent de la contraction à la solidification (non compensée par les masselottes). On distingue les macro-retassures concentrées des micro-retassures dispersées. Les criques, quant-à-elles, sont des fissures débouchantes, qui peuvent être uniquement en surface de la pièce ou bien affecter la pièce en profondeur et compromettre sa tenue mécanique. Les retassures (défauts internes) sont contrôlées par radiographie alors que les criques (défauts débouchant en surface) sont plutôt diagnostiquées par un contrôle en ressuage.
L’intervalle de solidification
L’intervalle de solidification est l’écart entre le Liquidus (température de début de solidification) et le Solidus (température de fin de solidification). Cet intervalle de solidification conditionne directement les propriétés de l’alliage. Ainsi, les alliages à faible intervalle de solidification (dits « eutectique ») ont un « bon comportement de fonderie » (faible propension à la retassure et à la crique) alors qu’à contrario les alliages à fort intervalle de solidification sont davantage problématiques au niveau de leur mise en forme (sensibilité à la crique et à la retassure plus importante). Pour les alliages d’aluminium, par exemple, l’alliage AlCu5MgTi (intervalle de solidification de 90°C) est réputé pour être très sensible à la crique alors que l’alliage AlSi7Mg0.3 (intervalle de 40°C) est y très peu sensible.
Le retrait à la solidification
La structure à l’état solide étant mieux ordonnée au niveau atomique qu’à l’état liquide, elle occupe également un volume plus réduit. La pièce fait donc un retrait volumique lors de la solidification. Ce retrait se manifeste par une modification du dimensionnel de la pièce (retrait sur les surfaces externes de la pièce) et par des défauts internes possibles (retrait non compensé à l’intérieur de la pièce).
Temps de solidification et loi de Chvorinov
La loi de Chvorinov permet d’estimer de manière assez précise le temps de solidification local. Le temps de solidification est en effet, en première approche, proportionnel au carré du module (ratio du volume sur la surface d’échange). La loi de Chvorinov est dérivée des équations de Fourrier (conduction de la chaleur) et de la chaleur nécessaire à évacuer pour solidifier une quantité élémentaire. Les constantes (n et α) sont liées au process de transformation (moulage en sable, en coquille) et aux matériaux du moule (acier, sable, céramique). La loi de Chvorinov était très utilisée avant l’utilisation de la simulation numérique qui permet d’obtenir des résultats plus précis.
Influence du gradient thermique à la solidification
En fonction des gradients thermiques lors de la solidification, la microstructure finale de la pièce peut prendre plusieurs formes. Tout d’abord, on peut obtenir une structure dite équiaxe (la plus classique) qui ne privilégie quasiment aucune orientation préférentielle des grains dans l’espace.
Ensuite, un gradient thermique marqué dans une direction lors de la solidification va induire une microstructure dite colonnaire avec des grains très allongés dans une direction. Enfin, une solidification dirigée (avec utilisation d’un sélecteur de grain ou un germe en fond de moule) permet d’obtenir des pièces – typiquement des aubes de turbine (en moulage cire perdue)- avec une structure monocristalline (un seul grain).
Un matériau avec une structure de grains colonnaires aura des propriétés mécaniques anisotropes alors qu’elles seront davantage isotropes si sa structure de grain est de type équiaxe. D’une manière générale, la croissance équiaxe est favorisée si la vitesse de solidification, la concentration en éléments d’alliage, ainsi que le nombre de sites de germination sont importants. On peut ainsi observer dans certaines conditions de fabrication des grains de titane colonnaires (dans le sens de construction) en fabrication additive EBM.
Loi de Hall-Petch
Il existe une relation directe entre le finesse des grains (d) et la limite d’élasticité d’un matériau (Rp0,2), traduite par la loi empirique de Hall-Petch. Physiquement, les dislocations émises dans un plan vont s’empiler devant les interfaces difficiles à franchir, telles que les joints entre grains d’orientations différentes. Et plus le nombre de grains sera important, plus les dislocations auront du mal à franchir les joints de grains en nombre supérieur.
On constate ainsi en fabrication additive – où la vitesse de solidification est très rapide – que les caractéristiques mécaniques sont en général légèrement supérieures (à iso-composition chimique) par rapport aux pièces issues d’autres procédés de transformation.
Les leviers d’action sur la solidification
Pour piloter la microstructure d’un alliage et contrer les effets de la solidification (retassures, retrait lors de la solidification), plusieurs leviers sont disponibles. On peut ainsi agir sur le design de la pièce, sur la métallurgie et enfin sur le process de transformation. Tout d’abord, au niveau du dessin de la pièce, il convient par exemple d’éviter les zones massives isolées qui ne pourront pas être compensées par les masselottes et conduiront à des défauts internes. Ensuite, le choix de l’alliage et son traitement métallurgique (ajouts de germes) peuvent permettre, si besoin, de modifier la finesse de la microstructure.
Enfin, le masselottage permettra par exemple d’amener du métal liquide pendant la solidification et de « combler » les retassures ou des refroidisseurs métalliques (en moulage sable) auront un effet bénéfique pour diriger localement la solidification et pour obtenir un gradient thermique plus important contribuant également à une microstructure plus fine.
Bon article condensant les principes de base
Félicitations
Bonjour Frédéric. Tout d’abord, merci de votre avis. Apres, comme vous dites, ce sont les « principes de base » qui sont exposés dans cet article. Dans le détail, cela peut devenir plus complexe selon les métallurgies, les modes de solidifications, phases en présence, …
Bonjour,
On parlant de la solidification de fonte, Peut – il le chrome favorise l’apparition de retassure dans des pièces en fonte GL250, avec un teneur dans la masse de 0.35 %.
Merci d’avance pour votre réponse.
Salutations
Bonjour,
Le chrome est carburigène, en sa présence, on formera moins de graphite et donc plus de retassures….
Merci Mr Brisson pour votre explication.
Bonjour Moussa. En ce qui concerne l’effet du chrome, il a été constaté que la formation de carbures fer-chrome (cémentite alliée) en fin de solidification pouvait augmenter le risque d’apparition de micro-retassures dispersées. Les causes des retassures en fonderie de fonte sont néanmoins multiples, un examen approfondi est nécessaire pour déterminer les causes les plus importantes.
Bonjour,
Merci pour votre développement, Pourquoi le chrome, parce que suite à un probléme important de retassure le seul chose qu’on a remarqué c’est le taux de chrome qui est élevé à 0.4 %.
Bonjour,
Merci pour ce bon travail,
j’ai une question sur les causses possible de la présence des criques sur une billette de laiton (coulée horizontale continue). et aussi comment on peut améliorer la vitesse de refroidissement de l’échangeur de cette type de coulée ?
Merci d’avance
Bonjour,
Quelle est la valeur alpha dans la loi de chvorinov pour de la coquille gravité ?
Merci
Bonjour Laurent et merci de votre question sur notre article de MetalBlog sur la solidification des alliages. La valeur alpha de la loi de Chvorinov en moulage coquille gravité est de 1.2